Hébergement - Maires ruraux et maires urbains, solidaires pour accueillir des réfugiés
En conseil des ministres le 9 septembre, Bernard Cazeneuve a informé ses collègues qu'il avait invité les maires samedi prochain à une réunion portant sur la répartition sur le territoire français des 24.000 nouveaux réfugiés que le gouvernement s'est engagé à accueillir dans les deux ans. La réunion de travail est "destinée à assurer la coordination et l'articulation des initiatives d'accueil des collectivités avec les dispositifs existants, qui devront être adaptés à la situation", a expliqué le ministre de l'intérieur.
La veille, il avait reçu une délégation de l'Association des maires de France conduite par son président François Baroin avec André Laignel, Philippe Laurent et Michel Vergnier. Au sortir de cette réunion, "l'AMF a indiqué au ministre de l'Intérieur qu'elle participera, aux côtés de l'Etat, à la finalisation de ce plan à destination des communes", a-t-elle fait savoir par communiqué de presse. Elle s'est engagée à "travailler très étroitement avec le coordinateur national" et à "relayer les informations utiles dans son réseau".
Exclusivement des personnes au "besoin manifeste de protection internationale"
De l'avis de l'AMF, l'échange a été "utile". Et l'association a eu le sentiment d'avoir pu exprimer "les interrogations soulevées par de nombreuses communes". Cinq points très concrets ont été abordés. Le premier concerne les personnes concernées par le dispositif. "Il s'agit exclusivement des personnes ressortissantes de pays en crise (Syrie, Irak, Erythrée) dont le besoin manifeste de protection internationale aura fait l'objet d'une première appréciation dans des centres d'identification et d'enregistrement implantés dans les Etats membres d'arrivée", a retenu l'AMF.
Concernant le nombre des réfugiés attendus, le chiffre de 24.000 nouvelles personnes correspond à la part que la France devrait prendre à sa charge dans le cadre d'une nouvelle décision européenne de relocalisation. Etant entendu que ce chiffre "s'ajoute aux 6.753 personnes que la France s'était déjà engagée, en juillet dernier, à accueillir dans le cadre d'une précédente proposition de relocalisation". Et "dans les deux cas, les opérations doivent se dérouler sur deux ans".
L'AMF a mis sur la table la saturation actuelle des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada). En réponse, le ministre de l'Intérieur se serait montré persuadé que la réforme de l'asile, dont l'un des objectifs est de réduire les délais d'instruction des demandes, contribuera à libérer des capacités d'accueil dans les Cada. A cette occasion, il a rappelé que les Cada hébergeaient les demandeurs d'asile uniquement pendant le temps de l'instruction de leur demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Et que "les demandeurs déboutés n'ont aucune vocation à y demeurer", aurait-il insisté.
Un objectif partagée de "répartition équilibrée"
Sur la question de la répartition territoriale des demandeurs d'asile et des réfugiés, l'AMF a senti que "l'objectif d'une répartition équilibrée pour l'hébergement temporaire des demandeurs d'asile et l'accès au logement et l'insertion sociale des réfugiés est un objectif partagé entre l'Etat et les communes". La réunion de mardi aurait acté qu'une "étroite concertation" serait menée localement par les préfets de département auprès des maires "pour trouver les meilleures solutions tenant compte des possibilités et disponibilités locales".
La question la prise en charge par l'Etat des dépenses supplémentaires que l'accueil des réfugiés serait susceptible d'occasionner pour les communes et les intercommunalités a été posée. Visiblement, elle n'a pas, ce jour-là, été tranchée. Elle l'aurait été le lendemain après-midi, à Matignon, lors d'une réunion présidé par le Premier ministre à laquelle participaient les ministres (*) concernés. Cette réunion interministérielle "a permis de définir les mesures d'accompagnement financier que l'Etat proposera samedi aux communes volontaires", se sont contentés d'annoncer les services du Premier ministre, sans plus de détails.
"Nous, maires de grandes villes..."
Les Maires de grandes villes de France se sont également réunis mercredi 9 septembre, "pour définir une ligne de conduite collective". Eux aussi s'engagent, de manière solennelle : "Face aux souffrances et au désespoir, Nous, maires de grandes villes et présidents d'intercommunalités, souhaitons prendre notre juste part à l'accueil des réfugiés sans distinction d'origine ou de religion. Nous le ferons dans le cadre d'un plan national, cohérent avec les orientations européennes, qu'il revient à l'Etat d'élaborer et de coordonner." Et eux aussi attendent de l'Etat "des réponses concrètes sur les conditions d'accueil des 24.000 nouveaux réfugiés et des moyens pour leur accompagnement dans la durée". Ils demandent également que le plan national prévoie "un effort équilibré territorialement" et prenne "en compte les situations locales spécifiques à chaque commune".
Les villes moyennes posent la question du suivi et de l'intégration
La position de Villes de France (ex-Fédération des villes moyennes) n'est pas différente. "La gestion du droit d'asile est une compétence régalienne de l'Etat ; les collectivités locales sont prêtes, compte tenu de la situation d'urgence dans laquelle l'Europe et la France se trouvent et en fonction de leurs capacités d'accueil, à accompagner l'Etat pour faire face à cette crise humanitaire", ont-elles déclaré à l'issue d'un bureau extraordinaire réuni ce mercredi.
Et là encore, les maires ont posé des principes : "l'accueil des réfugiés doit se faire dans un premier temps sur la base du volontariat des communes" ; "l'Etat doit apporter une compensation financière dans la durée aux communes ou aux associations pour l'exercice de la compétence d'accueil" ; "l'Etat et les communes doivent prévoir dès l'accueil des réfugiés, un mécanisme de suivi et d'intégration (scolarisation, services sociaux, alphabétisation, travail….), organisé sous l'égide de l'Etat".
Les maires ruraux, les départements et aussi les HLM
"L'accueil de réfugiés dans les communes rurales, lorsque cela est possible, est une bonne idée", a également fait savoir l'Association des maires ruraux de France (AMRF), soulignant que "la solidarité est une caractéristique des campagnes de notre pays". Et là encore, "au-delà d'un 'réflexe humanitaire', il importe que toutes les conditions soient réunies pour assurer le succès de cet accueil, en particulier l'assurance que l'Etat assumera dans la durée les responsabilités qui sont les siennes. Il importe aussi que cet accueil dans les communes rurales ne soit pas de la seule initiative du conseil municipal mais résulte également d'un engagement des habitants", a déclaré le président de l'association, Vanik Berberian.
L'Assemblée des départements de France a publié de son côté un communiqué assurant que "fidèles à leur vocation sociale, (ils) prendront toute leur part dans le dispositif de soutien aux migrants". Elle précise : "Chaque département déterminera l'accompagnement qu'il souhaite apporter aux communes prêtes à accueillir des réfugiés. Les départements veilleront à ce que l'Etat prenne en charge les dépenses supplémentaires liées à cet accueil."
Tous pourraient compter sur les organismes HLM. Dans un communiqué, l'Union sociale pour l'habitat affirme sa "disponibilité pour participer à la mobilisation organisée par l'Etat". Elle appelle son réseau "à mobiliser leurs équipes et leurs moyens pour aider à mettre en œuvre le plus rapidement possible des solutions concrètes". Ce qui nécessite selon elle "qu'un plan d'ensemble, impliquant et coordonnant tous les partenaires soit défini et mis en œuvre".
Valérie Liquet
(*) Les ministres des Affaires étrangères, des Affaires européennes, de l'Intérieur, du Logement, des Affaires sociales, de l'Education nationale (pour préparer la rentrée scolaire en cours d'année pour les enfants arrivant en France) et du Budget.