Hébergement - Accueil des réfugiés : la mobilisation des maires est "déterminante" mais doit être "coordonnée"
François Hollande, lors de sa conférence de presse du 7 septembre, a "salué" les "nombreux maires, collectivités, associations, cultes et particuliers" qui se sont organisés pour accueillir des réfugiés et des demandeurs d'asile. "Je salue ces initiatives qui doivent être coordonnées et organisées de manière digne et sérieuse", a-t-il ajouté, rappelant que le ministre de l'Intérieur réunira les maires volontaires samedi 12 septembre place Beauvau.
Peu après la conférence de presse du Président, Bernard Cazeneuve a annoncé qu'il nommait un "coordinateur national", en la personne du préfet Kléber Arhoul, précédemment préfet délégué pour l'égalité des chances auprès du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais. Il sera l'interlocuteur des élus pour organiser l'accueil des migrants par les villes volontaires. Il animera donc la réunion de samedi.
24.000 réfugiés sur les deux prochaines années
L'invitation place Beauvau avait été lancée la veille (*). Dans un courrier rédigé dimanche à tous les maires de France, Bernard Cazeneuve déclare : "Votre mobilisation est déterminante." Car la France accueillera 24.000 réfugiés sur les deux prochaines années, a annoncé le président (sur les 120.000 que la Commission européenne souhaite répartir dans les pays de l'Union européenne). François Hollande, qui a chiffré à 60.000 le nombre de demandeurs d'asile en France en 2015, s'est aussi dit prêt à accueillir "plusieurs centaines voire un millier" d'immigrés tout juste arrivés en Allemagne en provenance de Hongrie. Selon lui, la crise des réfugiés, est "dramatique, elle est grave", mais "elle peut être maîtrisée et elle le sera". Pour l'heure, rappelle Bernard Cazeneuve dans son courrier aux maires, 4.000 places de centre d'accueil pour demandeurs d'asile ont été créés en 2013, 2014, et 4.200 supplémentaires programmés pour 2015. "Avec la ministre du Logement, nous avons renforcé encore ce dispositif en annonçant en juin la création de 11.000 places supplémentaires". On est donc très loin du compte.
Si la mobilisation des maires est "déterminante" pour le ministre de l'Intérieur, il n'est pas question d'improviser. Cette mobilisation "nécessite, pour se traduire en actes, une organisation, une méthode et un soutien par l'Etat, son savoir-faire, ses crédits, ses dispositifs adaptés et modernisés", a-t-il précisé aux maires dans sa lettre. Il leur a assuré que le réseau préfectoral, l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration) et l'Ofpra (Office français pour la protection de réfugiés et apatrides) "sont pleinement mobilisés pour accompagner" leurs initiatives.
Les associations d'élus se préparent
Pour préparer la rencontre de samedi, le ministre tiendra une réunion de travail mardi après-midi avec le président de l'Association des maires de France (AMF), François Baroin, et une délégation de l'association.
Le lendemain, c'est l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) qui organise une "réunion extraordinaire sur la crise migratoire que traverse la France et plus généralement l'Europe". "L'émotion que soulève les récents événements est partagée par l'ensemble de mes collègues élus locaux de gauche comme de droite. Il nous faut réagir en décideurs, garants du vivre-ensemble dans nos grandes villes. La situation est trop grave pour s'en tenir à une approche émotionnelle au risque d'y apporter des réponses ponctuelles, isolées, trop souvent incohérentes, sans réelles garanties", a déclaré Jean-Luc Moudenc, son président, maire de Toulouse.
Caroline Cayeux, présidente de Villes de France (ex-Fédération de maires des villes moyennes) et maire de Beauvais, réunit également mercredi un "bureau extraordinaire". "Au-delà de l'émotion, il est indispensable d'organiser de façon responsable l'accueil des personnes réfugiées suivant la capacité des territoires, d'en mesurer les conséquences de moyen terme et d'en organiser le suivi", a-t-elle d'ores et déjà déclaré.
"On ne peut pas s'engager sur une politique où chaque ville accueillerait"
Interrogé vendredi sur I-Télé, François Baroin, président de l'AMF et maire de Troyes, a rappelé que la politique de l'asile était une compétence de l'Etat, les communes l'accompagnant. Toute prise de position générale était jugée impossible par le président de l'AMF : "On ne peut pas s'engager sur une politique où chaque ville accueillerait. Toutes ne sont pas en capacité de le faire et on ne peut pas avoir des Calais partout en France. Les municipalités font déjà beaucoup. Elles ne sont pas en situation de faire plus", en particulier dans le contexte actuel de baisse des dotations de l'Etat. Il a cité l'exemple de sa propre ville de Troyes qui est, a-t-il expliqué, dans l'incapacité d'accueillir des migrants vu le niveau de "saturation" des structures d'accueil existant dans la région.
Anne Hidalgo avait plaidé vendredi, dans Le Parisien, pour un plan de répartition des migrants dans les grandes villes de France. "Toutes les métropoles en France doivent prendre leur part dans l'accueil des réfugiés présents sur notre sol. Le plan qui est en train de se mettre en place en Europe pour répartir les migrants doit avoir son équivalent au niveau national", affirmait la maire de Paris.
La veille, les maires de onze communes, de toute étiquette politique, situées au sud de Toulouse s'étaient déclarés "prêts à accueillir" des migrants. Le même jour, Nathalie Goulet, sénatrice (UDI) de l'Orne, avait lancé un appel et une pétition, pour "organiser au plus vite une consultation des 36.000 maires de notre pays pour recenser les capacités et les propositions d'accueil". La pétition aurait recueilli 60.000 signatures en quelques heures.
Vers un réseau de "villes solidaires" ?
Dans le même esprit, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste, et Pierre Cohen, président de la Fédération nationale des élus locaux socialistes et républicains (Fneser) avaient appelé ce même jour à "constituer un réseau de villes solidaires, prêtes à s'engager à accueillir des familles sur leur territoire", car selon eux, "la mobilisation européenne ne pourra être efficace que si elle se traduit localement par des actions concrètes".
L'appel a eu le soutien d'André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF et maire d'Issoudun. Il l'a exprimé dans un communiqué intitulé "Réfugiés : nos communes sont solides parce que solidaires" où il réaffirme : "Les maires sont les élus de la proximité, ceux qui donnent corps par leur action quotidienne aux valeurs républicaines. Ils sont en première ligne pour mettre en œuvre les décisions fortes adoptées au niveau européen, sous l'impulsion du président François Hollande et de la chancelière Angela Merkel."
Familles d'accueil : "Au bout de 15 jours à trois semaines, ça devient compliqué"
Le lendemain de l'appel du premier secrétaire du PS, François Pupponi, maire (PS) de Sarcelles, indiquait à l'AFP que sa ville avait devancé d'un an l'appel du premier secrétaire du PS. Car Sarcelles accueille, depuis fin août 2014, entre 100 et 150 réfugiés chrétiens d'Irak, pour la plupart hébergés par des familles d'accueil (ce qui est d'ailleurs une condition pour pouvoir entrer légalement sur le territoire français puis obtenir le statut de réfugiés). Environ un tiers d'entre eux a trouvé à se loger grâce à un accord conclu avec le bailleur social Osica (groupe SNI) pour leur réserver certains logements dans le cadre de "baux glissants": l'association France Terre d'Asile prend en charge les premiers mois de loyer et passe le relais aux familles une fois celles-ci autonomes financièrement. Par ailleurs, la mairie a acheté à la ville de Paris un Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) pour reconvertir une partie des locaux en une structure d'accueil pour les réfugiés. Coût de l'opération: 15 millions d'euros pour la commune. "Il y a urgence", explique François Pupponi, car "dans les familles d'accueil, au bout de 15 jours à trois semaines, ça devient compliqué", prévient-il. "Et à la mairie, on souffre de ne pas avoir de lieu d'accueil unique". Lui aussi estime qu'"accueillir des réfugiés demande de l'organisation, cela nécessite un vrai plan national".
D'autres villes ont fait savoir qu'elles étaient volontaires. Parmi elles : Paris, Bordeaux, Pau, Villeurbanne, Avignon, Poitiers, Alfortville, Rennes, Strasbourg, Metz, Lille, Rouen, Cherbourg, Alençon, Nancy, Clermont-Ferrand, Aubusson, Caen, Besançon, Clermont-Ferrand, Saint-Etienne...
Valérie Liquet avec AFP
(*) Les maires peuvent s'inscrire à la réunion de travail, qui se tiendra samedi à 11h00, à l'adresse : rencontremaires@interieur.gouv.