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Congrès des maires - Migrations : les maires veulent être davantage associés à l'agenda

Au deuxième jour du Congrès des maires, les élus communaux et intercommunaux ont eu l'occasion de se mettre à jour sur les avancées de l'agenda européen en matière de migrations, mais aussi d'échanger sur les enjeux locaux liés à l'accueil des réfugiés. Avec un appel unanime de la part de ces élus à être davantage informés et associés dans la mise en œuvre des stratégies européenne et nationale.

Sur l'accueil des réfugiés, la bonne volonté des élus locaux ne s'est pas tarie, elle a été refroidie par un manque de visibilité sur la stratégie nationale et le sentiment de ne pas être suffisamment pris en compte. C'est ce qui ressort de l'atelier du 1er juin 2016 sur "les communes et intercommunalités face aux défis des migrations", organisé dans le cadre du Congrès des maires. 
"Les maires bien souvent ne savent pas en amont quels publics ils vont accueillir", a notamment déploré Valérie Létard, sénatrice-présidente (UDI) de la Communauté d'agglomération de Valenciennes (59). Selon elle, il n'y a "rien de pire que de mettre les élus devant le fait accompli", ces derniers se retrouvant dans l'incapacité d'expliquer la démarche d'accueil à la population, de s'organiser et de mobiliser les associations.
"Je redonnerai des instructions claires aux préfets pour leur rappeler quelle est la méthode et quelle est la doctrine : on n'impose rien à un maire, il faut concerter, faire ensemble", a assuré le ministre de l'Intérieur venu clôturer l'atelier. "En même temps, a-t-il ajouté, il faut que la solidarité s'exerce."

Des relocalisations de réfugiés depuis l'Italie et la Grèce au compte-gouttes

Pourtant, en France comme dans le reste de l'Europe, cette solidarité tarde à se concrétiser. Selon le dernier bilan de la Commission européenne, le rythme des relocalisations des réfugiés se trouvant en Grèce et en Italie est très insuffisant : seules 1.500 personnes auraient été relocalisées au 13 mai 2016. "A ce rythme-là, il faudra 71 années pour relocaliser ces 160.000 migrants", s'est indigné François Decoster, maire de Saint-Omer et membre du Comité des régions. Et si la France joue dans ce processus le rôle de bon élève – avec l'accueil de 500 personnes, soit un tiers du total -, l'effort doit être relativisé par rapport à l'engagement de François Hollande de septembre dernier d'accueillir en deux ans 24.000 réfugiés supplémentaires dans ce cadre.
Quant aux réinstallations de réfugiés venus des pays les plus exposés, le Liban, la Jordanie et la Turquie, elles se sont un peu accélérées suite à l'accord entre l'Union européenne et la Turquie (1) – avec, au 13 mai 2016, 6.321 personnes réinstallées dans 16 pays, dont 221 personnes accueillies en France. 
"Est-ce que l'UE peut réussir son crash test ?" Pour Sylvie Guillaume, vice-présidente du Parlement européen (groupe Socialistes et Démocrates), des "décisions de plus en plus unilatérales" et le refus de certains pays de prendre leur part donnent actuellement l'"image d'une Europe désunie"… Pour y remédier, la Commission européenne a récemment proposé une révision du règlement de Dublin qui, adoptée à la majorité qualifiée, permettrait d'assurer le déclenchement d'un mécanisme de répartition lorsqu'un seuil aura été atteint dans un pays. Cependant, Laurent Muschel, directeur "Migration et protection" à la DG Home de la Commission, prédit "beaucoup de conseils européens tumultueux" avant de pouvoir résoudre cette question.

Des "imperfections" et des "tensions" lors de la mise en place "dans l'urgence", à l'automne dernier, des centres d'accueil et d'orientation

En France, c'est aussi le déplacement d'une partie des migrants de Calais qui a monopolisé les services de l'Etat ces trois derniers mois, suite au démantèlement de la zone sud de la "jungle" (voir notre article du 1er mars 2016). Le 30 mai 2016, dans un autre camp, celui de Grande-Synthe, les ministres de l'Intérieur et du Logement ont fait le point sur le dispositif de centres d'accueil et d'orientation. A ce jour, 134 CAO accueillent quelque 4.000 personnes, invitées à "réfléchir à une demande d’asile". Conduite "dans l'urgence" à l'automne dernier "pour desserrer la pression sur Calais, Grande-Synthe et la région parisienne", la création de ces lieux d'accueil a pu être entachée d'"imperfections, de tensions, de difficultés que nous allons essayer de surmonter", a admis Kléber Arhoul, préfet coordinateur national pour l’accueil des réfugiés, devant les maires le 1er juin.
Ainsi, à Kerlaz, commune de 800 habitants du Finistère, des locaux permettant d'accueillir une vingtaine de personnes ont été mis à disposition de la préfecture. Fin mars, six personnes ont été accueillies, dont quatre personnes issues du Koweït qui ont finalement quitté les lieux, espérant rejoindre l'Angleterre. Alors que la municipalité s'était organisée – mobilisation de bénévoles, cours de français, information à la population, etc. -, le centre n'a finalement été rempli que fin mai. "C'est du gaspillage de l'argent public et des bonnes volontés", a regretté Marie-Thérèse Hernandez, maire de Kerlaz.
La situation est loin d'être unique puisque, sur les 1.000 logements mobilisés par des élus locaux, 47% seraient actuellement occupés, selon Bernard Cazeneuve. Si Kléber Arhoul assure en outre que "près de 74% des migrants [accueillis en CAO] ont déposé une demande d'asile", la majorité des jeunes, venus de Calais, accueillis à Saint-Omer dans le cadre d'un hébergement d'urgence et, pour certains, d'une reprise de scolarité, gardent le projet de partir au Royaume-Uni, a témoigné François Decoster.

"Eviter absolument la concentration de migrants dans des camps"

Si les élus n'ont en tout cas pas manqué de rappeler leur volonté de contribuer - ou de continuer à contribuer - à l'effort d'accueil, ils sont apparus comme désorientés, en besoin de clarification par rapport à la stratégie globale du gouvernement. Bernard Cazeneuve a énoncé deux priorités : la réduction de la durée de traitement des demandes d'asile – avec un délai qui serait déjà passé de vingt-quatre à quinze mois depuis le vote de la réforme de l'asile, l'objectif étant d'atteindre neuf mois – et la mise en œuvre d'"un parcours d'insertion et d'intégration dans le parcours résidentiel extrêmement rapide".
Il s'agit, dans cette perspective, de "faire monter en puissance les CAO", de créer de nouvelles places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) - 6.000 en 2016 - et d'"éviter absolument la concentration de migrants dans des camps". Une façon indirecte de répondre à Anne Hidalgo, maire de Paris, qui avait annoncé la veille la création dans le nord de la capitale d'un camp humanitaire destiné à mieux accueillir les réfugiés qui, actuellement, sont installés dans l'espace public dans de très mauvaises conditions. En même temps, lorsque la situation de campement est déjà présente dans les faits, "c'est normal que nous tentions de répondre aux maires", a nuancé le ministre de l'Intérieur, faisant allusion au camp humanitaire de Grande-Synthe que le gouvernement a fini par accepter de soutenir.
A Calais, sur 5.000 migrants aujourd'hui présents sur le territoire, 3.000 vivent toujours dans des conditions indignes, dans une zone de non-droit, a rappelé son maire, Natacha Bouchart. Cette dernière propose de créer au sein de l'AMF "une commission des maires qui sont touchés par la problématique migratoire", dans la mesure où il est "indispensable de les associer à toute décision européenne ou d'Etat en la matière". Valérie Létard a, elle, plaidé pour une co-production des schémas régionaux d'accueil des demandeurs d'asile et pour une réelle prise en compte, par les préfets, de la réalité des territoires. 

Caroline Megglé

(1) Le mécanisme du "un pour un" prévu dans la déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 et appliqué depuis le 4 avril 2016 "prévoit que pour tout Syrien renvoyé en Turquie au départ de l'une des îles grecques, un autre Syrien sera réinstallé dans l'UE depuis la Turquie".

En Allemagne, mais aussi en France, les migrants comme réponse au déclin démographique ?

Bad Vilbel, commune de 36.000 habitants du Land d'Hesse en Allemagne, a jusqu'à présent accueilli 350 réfugiés. Malgré les difficultés – manque de logements adaptés, manque de connaissance de l'allemand et de qualifications pour la majorité des nouveaux arrivants, etc. -, "ça marche très bien, nous avons plus de 200 bénévoles qui s'occupent des migrants", a témoigné Jörg Frank, maire-adjoint de la ville et représentant d'une association de petites et moyennes villes. Il faut dire que "la région est riche, accueille déjà 180 nationalités" et est en déclin démographique ; tous ces facteurs expliqueraient le fait que, à Bad Vilbel, de l'avis de Jörg Frank, l'accueil de nombreux réfugiés "ne pose pas tellement de problèmes" à la population.
Avec le vieillissement rapide de la population, "nous ne sommes pas très éloignés de la situation démographique de l'Allemagne", a alerté Christophe Rouillon, maire de Coulaines (Sarthe) et président de la commission Europe de l’AMF. Ce maire français a été impressionné par "l'effort financier considérable" de l'Allemagne, qu'il a notamment pu découvrir in situ à travers l'exemple de la commune de Weyhe (Basse-Saxe) de 30.000 habitants, jumelée à la sienne, qui accueille quelque 800 réfugiés sans que, là aussi, "cela ne pose trop de problèmes"…
Dans le pays de Jumilhac-le-Grand, en Dordogne, c'est en partie le constat d'une "démographie scolaire déclinante" et du risque de "perdre des postes d'enseignants" qui a poussé la communauté de communes, selon son président Bernard Vauriac, a candidaté dès 2014 à un appel à projets du ministère des Affaires étrangères. Le territoire a dans ce cadre accueilli cinq familles syriennes, avec 17 enfants. "Il nous fallait des médecins généralistes, on a eu un médecin, il était chirurgien orthopédiste", raconte l'élu de ce "milieu rural profond", comme il le décrit. Deux ans plus tard, deux familles sont restées sur le territoire – les autres ayant déménagé pour des raisons professionnelles - et Bernard Vauriac estime que le "bilan est globalement positif".
Lors de sa visite au Congrès des maires, le 31 mai, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a déclaré qu'il y avait "une exigence de coeur" à accueillir les réfugiés et à leur "permettre d'avoir accès rapidement à un travail".

C. Megglé

 

 

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