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Développement des territoires - Victime de la crise migratoire, Calais fourmille d'ambitieux projets

Calais, c'est la dentelle, un beffroi classé au patrimoine mondial de l'Humanité et, ces dernières années, la détresse des migrants qui tentent de rejoindre le Royaume-Uni. Mais pas seulement : Calais fourmille de projets et regarde vers l'avenir. Derrière une vaste maquette en plexiglas, la maire (Les Républicains) Natacha Bouchart détaille au micro, face aux professionnels venus l'écouter au Marché international de l'immobilier (Mipim) de Cannes, l'ambitieux projet qui doublera les capacités du port de sa ville en 2021. "Dans le Calaisis, c'est 1,7 milliard d'euros, oui vous avez bien entendu : 1,7 milliard qui va être investi en cinq ans, dans des projets dont les travaux, programmés et financés, vont débuter courant 2016", lance avec fierté l'édile, aussi vice-présidente de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Volontariste, la municipalité voit grand : elle veut requalifier ses espaces urbains, redessiner un front de mer figé depuis 40 ans, construire deux écoquartiers mais aussi un golf, un écovillage et même un parc d'attractions, Heroic Land. Avec à la clé, 3.000 emplois créés. Afin de réunir les 265 millions d'euros que coûtera le parc, le directeur du projet, Jean-François Thibous, sonde les investisseurs français et étrangers. Une tâche compliquée par les images désormais associées à Calais : celles de milliers de migrants désireux de gagner l'Angleterre, entassés dans la "jungle", un campement insalubre dont la zone sud vient d'être démantelée.
Début mars, 500 Calaisiens ont défilé à Paris avant d'être reçus à l'Elysée, pour demander que le Calaisis soit reconnu "en état de catastrophe économique exceptionnelle" en raison d'une chute de chiffre d'affaires des commerces estimée par certains à 40%, liée à la dégradation de l'image de la ville. Au Mipim, la question la plus souvent posée par les visiteurs, face à la maquette géante de la ville, est "Où se trouve la jungle ?", témoigne une personne de l'accueil. "La situation de Calais au niveau international est un vrai sujet" admet Jean-François Thibous. "Mais c'est surtout un problème d'image", car les médias ont instillé l'idée fausse, souligne-t-il, que la ville vivrait dans un "climat de guerre civile", faisant fuir une partie des touristes britanniques.

"Des projets, on en a plein les cartons"

"Cette image négative a une incidence, mais pas énorme, sur la négociation", explique-t-il : dans le dossier de financement du parc, la crise migratoire est un "facteur de risques" parmi d'autres, tels que le terrorisme - présent, lui, sur tout le territoire. Comme pour tout parc d'attractions, une enceinte protégée et des mesures de sécurité sont prévues. La venue de migrants est peu probable, la "jungle" étant distante d'environ 5 km, estime le directeur. Une consultation publique sera lancée lundi, le permis d'aménager sera déposé avant l'été. L'équipe espère que le problème des migrants "aura trouvé une solution politique" à l'ouverture d'Heroic Land prévue au printemps 2019, et que les commentaires sarcastiques mettant en parallèle leur périple à travers l'Europe et le thème "héroïque" du parc, auront pris fin. Prudente, la ville table sur 1,5 million de visiteurs par an.
Et dans quelques semaines, démarrera "Port Calais 2015, l'un des plus importants chantiers au niveau national", souligne Natacha Bouchart. Quelque 675 millions d'euros seront investis afin de créer une digue de 3 km, un bassin portuaire de 90 hectares qui accueillera des "super-ferries" de 240 m, ainsi que des infrastructures rail-route-mer. Un pôle logistique et un projet d'interconnexion entre les réseaux électriques français et britannique, ElecLink, mené par la société Eurotunnel, sont aussi prévus. Premier port pour le trafic continental transmanche, lequel devrait progresser de 40% d'ici 2030, Calais voit transiter 10 millions de passagers et 1,7 million de camions par an. "On sait maintenant situer Calais partout dans le monde", souligne Natacha Bouchart. "Nous sommes la seule ville à avoir un port et un tunnel, il faut maintenant mettre en valeur nos forces et attirer les regards avec des projets. Et des projets, on en a plein les cartons."