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Villes moyennes - Les villes moyennes publient leur résolution 2013

Les villes moyennes se montrent quelque peu agacées de voir braquer les projecteurs sur les métropoles. Elles aussi (surtout ?) participent à l'aménagement et à l'égalité des territoires ! Et de l'affirmer dans une résolution publiée à l'issue de leurs 6es assises qui se sont tenues à Colmar, les 6 et 7 juin.

Christian Pierret, président de la Fédération des villes moyennes (FVM), a présenté, vendredi 7 juin, en clôture des 6es Assises des villes moyennes et intercommunalités, les grandes lignes d'une résolution portant sur la décentralisation et les finances publiques, ainsi que sur l'habitat et les services aux habitants. Le texte définitif, amendé suite aux débats des assises, a été rendu public lundi 10 juin.

Décentralisation : ras le bol des métropoles !

Dans le texte, du copieux projet de loi de décentralisation, dédié aux métropoles, la FVM plaide, dans sa résolution, pour "une reconnaissance de la place des villes moyennes dans le dialogue local avec les régions, les métropoles, le monde rural dans le cadre d'une complémentarité équilibrée, et d'une réaffirmation du rôle du maire".
Il s'agirait enfin de "reconnaître les villes moyennes dans le fait urbain" en permettant par exemple que "l'ensemble des villes et agglomérations de plus de 20.000 habitants puissent siéger à la conférence territoriale, dans un dialogue d'égal à égal avec les régions et les métropoles". Elles entendent ainsi "participer pleinement à une indispensable relance de la réflexion sur un aménagement du territoire équilibré, pour pallier l'écueil d'une concentration exclusive des leviers du développement dans les futures métropoles". "Attention à l'élitisme républicain", a ainsi mis en garde Pierre Méhaignerie, lors des assises. L'ancien ministre (qui a eu dans son portefeuille de ministre de l'Equipement, de 1986 à 1988, l'aménagement du territoire), aujourd'hui maire de Vitré et président de la communauté d'agglomération, craint la création d'une "noblesse" constituée des métropoles et "le reste" qui rassemblerait "le tiers état".
Quoi qu'il en soit, "une métropole dans un désert, ça ne fait pas une métropole", estime Jean-François Debat (au micro sur la photo). Le maire de Bourg-en-Bresse, vice-président de la région Rhône-Alpes, a raconté en tribune l'avoir démontré à Gérard Collomb en lui faisant valoir que "la puissance d'une métropole est liée à son environnement en réseau de villes moyennes, qui offre d'autres éléments de qualité de vie, de dynamismes économiques, de compétences locales…"

Finances publiques et dotations : tenir compte du revenu des habitants

"Il est devenu urgent de définir une stratégie financière à l'échelle des villes moyennes et de leurs intercommunalités", est-il écrit dans la résolution. Les villes moyennes se déclarent prêtes à jouer le jeu du "pacte de confiance et de responsabilité" entre l'Etat et les collectivités, impliquant des "efforts équitablement partagés", comme les a invitées Jean-Marc Ayrault, vendredi, dans une déclaration vidéo.
Première revendication, la FVM demande que la réduction des dotations de l'Etat prévue dans le projet de loi de finances pour 2014 prenne davantage en compte "la richesse effective des territoires, dont le revenu par habitant est l'élément clé". Christian Pierret a sur ce point entendu avec plaisir le Premier ministre s'engager à "une meilleure prise en compte du revenu par habitant dans la péréquation verticale".
C'est que, comme le président de la FVM l'expliquait la veille à Anne-Marie Escoffier, ministre délégué à la Décentralisation : "nous sommes des communes pauvres". Des communes qui subissent non seulement - comme les autres - la baisse des dotations, mais aussi la "désindustrialisation massive" et la "modernisation de l'action publique" (fermetures d'hôpitaux, de casernes, de tribunaux, de succursales de la Banque de France…), sans parler des charges de centralité. C'est pourquoi une baisse "uniforme" pour toutes les collectivités irait "aggraver les inégalités", lit-on dans la résolution.
Les villes moyennes auront été en partie rassurées par Jean-Marc Ayrault qui promet que, dans le PLF 2014, "nous devrons corriger les incohérences nées de la réforme de la taxe professionnelle qui a figé les inégalités, notamment pour les territoires industriels qui ont même été pénalisés davantage".
Le Premier ministre a également promis "plus de solidarité grâce à une péréquation renforcée et mieux maîtrisée". Mais la FVM lui demande surtout de ne pas "geler la montée en charge du Fpic" (Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales). "Nous ne voulons pas de pause dans la progression du Fpic !", a déclaré à plusieurs reprises Christian Pierret, lors des assises. "Nous voulons la garantie de la hausse du Fpic, sans réduction brutale du nombre de communes éligibles à la DSU (dotation de solidarité urbaine)", a-t-il aussi précisé.

Habitat innovant et efficacité énergétique, "générateurs de pouvoir d'achat"

Christian Pierret en est convaincu : "Un habitat innovant et durable est l'une des conditions du renforcement de l'attractivité de nos territoires." C'est aussi selon lui un "générateur de pouvoir d'achat dans les territoires".
S'appuyant sur les résultats de l'étude sur l'Habitat dans les villes moyennes (voir notre article du 7 juin 2013), la FVM a exprimé dans sa résolution plusieurs priorités : "rendre attractif l'habitat dans le centre-ville" et "redensifier en misant sur le cœur des villes moyennes", "poursuivre la politique de rénovation urbaine" ; "assouplir la répartition par les préfets des quotas de logements bénéficiant des déductions fiscales prévues par la loi Duflot" (Christian Pierret souhaiterait "un petit quota de Duflot pour les villes moyennes") ; "développer "un système simplifié, et surtout pérenne" d'accession sociale à la propriété…
Dans le contexte du débat de la transition énergétique, les villes moyennes demandent de "renforcer l'accompagnement par l'Etat des collectivités locales dans leurs projets énergétiques", notamment concernant l'efficacité énergétique des bâtiments, le développement des éco-quartiers et les "nouvelles mobilités" (voir aussi notre article ci-contre du 4 juin).
La FVM suggère à ses adhérentes de constituer des filières locales de production d'énergies renouvelables sous maîtrise d'ouvrage publique, notamment pour le bois, la biomasse, les déchets et les réseaux de chaleur.
A noter que la résolution n'aborde pas la question de la délégation des aides à la pierre.
Dans l'étude sur l'habitat dans les villes moyennes, la FVM se montre prudente à ce sujet. Car si prendre la délégation "permet certainement de mieux asseoir son autorité, mieux orienter les budgets vers les véritables besoins", cela "demande des moyens humains, de l'expertise et des budgets d'investissement".

Services aux habitants, condition d'attractivité

Sans surprise, les villes moyennes s'inquiètent du financement du très haut débit et du "partage des contributions financières entre l'Etat, les opérateurs et les collectivités, selon que celles-ci sont qualifiées de denses ou moins denses". Elles demandent à l'Etat d'aider les collectivités à "faire respecter les engagements des opérateurs, notamment en ce qui concerne l'accélération de l'équipement en très haut débit". "C'est lent, c'est très lent", soupire Christian Pierret, rappelant que 99% de la population de la Corée du Nord y avaient accès.
Les villes moyennes demandent au président de la République "d'appuyer le développement du très haut débit pour tous d'ici à 2022, avec une accélération tangible du rythme d'installations pour que les opérateurs choisis soient encore français".
Dans le domaine de la culture, elles appellent à soutenir les librairies indépendantes "pour leur rôle de commerce de proximité et d'appui à la vie culturelle".
Dans celui de la santé, elles demandent "la pérennisation de la place des centres hospitaliers généraux dans un dispositif de soins accessibles à tous" et "une présence médicale et paramédicale accessibles à tous dans tous les bassins de vie".

Et les normes ?

S'il a beaucoup été question des normes dans les débats ("Faut-il évacuer la Bretagne parce que le niveau de radioactivité est élevé ?", a par exemple ironisé le maire de Bastia et ancien ministre Emile Zuccarelli), aucune demande d'allègement des normes qui pèsent sur les collectivités n'apparaît dans la version définitive de la résolution.
La Fédération a-t-elle été convaincue par Serge Morvan, délégué général aux collectivités locales, lorsqu'il a affirmé qu' "il est difficile, juridiquement, de supprimer les normes" du fait d'un "problème de pouvoir réglementaire des collectivités locales", comme l'a fait savoir le Conseil d'Etat ?

Valérie Liquet


Crédits : "c'est le moment de renégocier les contrats"

Lors des 6es Assises des villes moyennes et intercommunalités, Serge Bayard, directeur des entreprises et du développement de la Banque Postale, a lancé en tribune : "c'est le moment de renégocier les contrats car dans deux-trois ans, ce ne sera plus le même prix (NDLR : taux d'intérêt d'emprunt) que 2013".
Le financier prévoit en effet que l'embellie constatée depuis six mois ne devrait pas durer. Si aujourd'hui les collectivités accèdent facilement à l'emprunt, ce serait selon lui passager : d'une part, les collectivités demandent moins de crédits ("comme les ménages, en période d'incertitude, elles épargnent") ; d'autre part l'effondrement du crédit immobilier aux particuliers a permis aux banques de "retrouver des liquidités à proposer aux collectivités".
Mais cette situation est fragile. "Nous ne sommes pas à l'abri d'une crise internationale politique ou militaire, voire financière. On aurait alors un crunch  de liquidité (une pénurie de crédit en français) qui ferait que le crédit serait plus difficile. En plus, avec la relance du logement, les liquidités se feront plus rares pour les collectivités." Bref, "le relèvement des taux est à prévoir" et "l'équilibre de 2006 et 2007 ne reviendra pas", prédit Serge Bayard.

VL

 

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