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Territoires - Enseignement supérieur : les villes moyennes revendiquent l'excellence

"Nous existons, nous finançons, nous voulons participer à la décision !" Le président de la Fédération des villes moyennes, Christian Pierret, l'a affirmé haut et fort, le 17 avril, lors des 4es Rencontres de l'intelligence territoriale. Les villes moyennes veulent faire partie des instances de gouvernance de l'enseignement supérieur et de la recherche, fortes de leur capacité à faire vivre des "écosystèmes" locaux s'appuyant sur des filières d'excellence.

Un mois avant le démarrage à l'Assemblée du projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche, prévu le 13 mai prochain, la Fédération des villes moyennes organisait, mercredi 17 avril, ses 4es rendez-vous de l'intelligence locale sur le thème "Réforme de l'enseignement supérieur et villes moyennes, la proximité : clé de la compétitivité". Occasion pour le président de la FVM, l'ancien ministre de l'Industrie Christian Pierret, de présenter, en clôture des débats, un manifeste assorti d'une vingtaine de propositions.

Cohésion territoriale versus attractivité internationale

Une série de propositions porte sur le rôle que pourraient jouer les collectivités locales dans le cadre de la réorganisation de l'enseignement supérieur et de la recherche. La première est de valoriser la dimension "cohésion territoriale" malmenée dans la loi LRU de 2007 (loi relative aux libertés et responsabilités des universités), qui s'inscrivait d'ailleurs dans "la lignée des réformes successives visant à l'émergence de quelques sites visibles à l'international, favorisant la concentration des moyens, et faisant courir le risque d'un système d'enseignement supérieur à deux vitesses", comme on peut le lire dans le manifeste de la FVM.
Ou, comme le dit Hervé Pingaud dans un style plus direct : "la loi LRU a eu des effets dévastateurs sur l'absence de redistribution des moyens tenant compte du contexte territorial".
Prônant le concept d' "intelligence de maillage", le directeur du centre universitaire de formation et de recherche Jean-François Champollion en Midi-Pyrénées estime que "l'Etat régulateur devrait intervenir pour maintenir les équilibres territoriaux". C'est bien l'idée du manifeste lorsqu'il propose d' "ajouter dans les missions de service public de l'enseignement supérieur et de la recherche la dimension de cohésion territoriale et pas seulement l'attractivité territoriale nationale".

Des collectivités  associées aux schémas régionaux et aux contrats de site

Une fois ce préalable posé, les villes moyennes insistent pour que  les collectivités participent activement à la gouvernance locale, en étant associées aux "schémas stratégiques ou opérationnels" mais aussi aux "contrats pluriannuels d'établissement", c'est-à-dire, selon les termes du projet de loi : aux schémas régionaux de l'enseignement supérieur et de la recherche et aux contrats de site. Car, comme l'a déclaré Christian Pierret, "nous ne sommes pas des appendices ; nous existons, nous finançons et nous voulons participer à la décision !"
"En vingt ans, la communauté d'agglomération Béziers Méditerranée a dépensé environ 20 à 25 millions d'euros d'investissement et 150.000 euros de fonctionnement par an", a témoigné son président, Raymond Couderc, également sénateur-maire de Béziers, précisant bien que ce domaine ne relevait pas des compétences obligatoires des communautés d'agglomération. Ce financement de l'EPCI couvre en particulier : 75% du coût de la réalisation du bâtiment accueillant le pôle du savoir (dont l'EPCI était maître d'ouvrage) et ses 2.500 étudiants relevant de l'université de Montpellier ; la couverture du déficit du restaurant universitaire (que le Crous refuse de prendre en charge) ; le remboursement des frais de déplacement des enseignants montpelliérains qui, sans cela, ne feraient pas les 75 km qui les séparent de Béziers… sans compter la mise à disposition du service Jeunesse de la ville pour accompagner les étudiants dans leur recherche de logement. Un effort budgétaire porté par un élu local "tenace" (c'est lui-même qui le dit) car convaincu du triple enjeu énoncé dans le manifeste de la FVM : enjeu éducatif, enjeu économique et enjeu de "justice sociale".

Etudier, vivre, travailler au pays… de Seine-Saint-Denis

Comme les autres maires de ville moyenne universitaire, Raymond Couderc met en avant les avantages, pour les étudiants et leurs familles, d'un campus "à taille humaine", des prix des logements "qui n'ont rien à voir avec ceux pratiqués à Montpellier, les taux de réussite supérieur à ceux constatés dans les grandes villes et de la perspective d'étudier, vivre, travailler au pays". En l'occurrence, cette dernière expression est utilisée par Jean-Loup Salzmann, lorsqu'il s'adresse aux maires de… Seine-Saint Denis. Le président de l'université de Paris XIII de Villetaneuse explique alors aux élus locaux tout l'intérêt à ce que les étudiants trouvent des stages dans le département puis, lorsqu'ils sont diplômés, des emplois. C'est une question de qualité de vie ("pour qu'ils ne connaissent pas l'enfer des transports parisiens") mais aussi de développement local.
"L'université est intimement liée à son maillage territorial", est convaincu Jean-Loup Salzmann qui est aussi président de la Conférence des présidents d'université (CPU). Et de citer les sociétés d'accélération du transfert de technologies (Satt), lieu de "mutualisation de la recherche et de la propriété intellectuelle mis à disposition du tissu économique local". Aujourd'hui portées par les universités et la Caisse des Dépôts, il souhaite ouvrir l'actionnariat et la gouvernance de ces structures aux collectivités locales.

Renforcer les écosystèmes

"Promouvoir l'innovation par la recherche et le transfert de technologies" est d'ailleurs l'intitulé de la troisième série de propositions du manifeste de la FVM. Il s'agit de les orienter vers "les réalités du tissu économique local", de "favoriser les filières d'excellence" du territoire, d'encourager les relations directes avec les PME et les ETI, de renforcer la création d'entreprises issues de la recherche publique… bref, de créer ou renforcer des "écosystèmes". Et si ces derniers s'appuient sur "l'excellence territoriale", c'est encore mieux. Là aussi, "les élus locaux ont la capacité et la légitimité pour mobiliser les acteurs autour de projets fédérateurs", insiste le manifeste, avant de lister : l'accès à la formation, le développement d'activités de recherche, la création d'emplois qualifiés, le renforcement de l'activité économique, l'incitation à la création d'entreprises, le développement de technologies innovantes, le passage de l'innovation à la réalisation.
Constatant que "toutes les universités technologiques sont dans les villes moyennes", Priscilla de Roo, chargée de mission à la Datar, invite à saisir cette chance et à "prendre le risque de continuer sur cette excellence technologique qui caractérise les villes moyennes".

"Nous nous battrons pour le maintien des IUT !"

Dans la série de propositions intitulée "accroître l'accessibilité et la visibilité des formations supérieures", "nous nous battrons pour le maintien des IUT", prévient Christian Pierret, notamment à l'attention du conseiller de Geneviève Fioraso, Daniel Filâtre. "Vous me dites que les IUT ne sont pas menacés par le projet de loi ? Fort bien, que la ministre l'affirme bien fort au Parlement…"
Le représentant de la ministre avait exposé la perspective d'un "accès privilégié" des bacheliers technologiques aux IUT, afin de parvenir à un objectif de 40% de ces bacheliers à ce type de formation (contre 30% aujourd'hui). Un accès privilégié inscrit dans la loi et qui serait "modulé selon les territoires et les disciplines" a-t-il insisté, devant le lever de boucliers. "Il faudra veiller à ce que la priorité donnée aux bac techno ne se fasse pas au détriment d'un recrutement général" au risque de "vider les IUT d'une partie de leur substance", avait résumé Gilles Craspay, adjoint au maire de Tarbes et directeur du Centre universitaire Tarbes Pyrénées. Pour Jean-Loup Salzmann, "le problème est davantage de revaloriser la voix technologique", ce dont tout le monde semblait bien avoir conscience...
Enfin, "nous voulons en finir avec le discours expliquant que les sites déconcentrés coûtent trop cher", a déclaré Christian Pierret pour exposer une proposition originale : "demander à la Cour des comptes de réaliser un audit sur les coûts réels complets et l'efficience des formations universitaires délocalisées". Alors, "ils seront surpris de voir que c'est nous qui garantissons qu'à un moindre coût, on réussit mieux !"

 

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