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Décentralisation - 6es Assises des villes moyennes : une autre idée de la décentralisation

Les villes moyennes ont appris la mort de Pierre Mauroy, par la bouche de leur président, Christian Pierret, peu de temps avant l’ouverture de la table ronde dédiée à la décentralisation. La matinée de la deuxième journée des 6es Assises des villes moyennes a été dédiée à "cet homme d’ouverture, de tolérance et de conviction", comme l’a décrit avec émotion le maire de Saint-Dié-des-Vosges et ancien ministre.
Ce "grand décentralisateur" ne verra donc pas l’issue de la nouvelle étape de la décentralisation qui est en train de se jouer et dont les maires des villes moyennes, souvent présidents d’intercommunalité, ont exprimé de vives critiques. La "scène 1 de l’acte 2" en particulier représente l’aboutissement d’une idéologie non pas récente, mais aujourd’hui dominante, instaurant la métropole comme territoire sur lequel fonder le renouveau économique, la création de richesse et d’emplois. Les villes moyennes n’ont eu de cesse de répéter, durant deux jours, que forte de leur tissu de petites et moyennes entreprises (60% des ETI seraient situées en villes-moyennes ou dans leur intercommunalité), elles représentent un potentiel sur lequel il faut s’appuyer (et accessoirement soutenir). Et à ce titre assurent "l’équilibre de l’espace français", comme l’a souligné Christian Pierret.
Dans un message vidéo, Jean-Marc Ayrault a fait plaisir à l’assemblée en leur affirmant qu’elles jouaient "un rôle essentiel dans le redressement de la France" et qu’elles "trouveront toute leur place dans la nouvelle étape de la décentralisation".
La veille, Anne-Marie Escoffier avait utilisé une jolie formule en affirmant que les villes moyennes constituaient le "poumon de notre territoire" et qu’il fallait les "protéger du risque d’asphyxie". Entre temps, les sénateurs ont voté un amendement de la commission du développement durable, portant sur la création des "pôles ruraux d’aménagement et de coopération". La référence aux services publics est moins explicite que ce qu’avait en tête la ministre. L’idée des sénateurs est plutôt de "donner "un signal fort" au monde rural "en parallèle de l’affirmation du fait métropolitain", en proposant cet "outil de développement et d’aménagement destiné à la fois à permettre la poursuite des démarches engagées, notamment par les pays, et à amplifier les dynamiques territoriales existantes". Le périmètre est également plus clair : "plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auront ainsi la possibilité d’élaborer et de conduire, ensemble, un projet d’aménagement et de développement de leur territoire". Les protagonistes sont les mêmes, mais il est fait directement référence au contrat avec les collectivités supra-intercommunales, et non pas d’une structure informelle où tout ce petit monde serait réuni. "La contractualisation nationale, régionale et départementale sera facilitée, de même que le recours aux fonds européens", explique-t-on au Sénat. Enfin, "le pôle pourra s’appuyer sur la solidarité des territoires, par exemple en matière d’ingénierie".
"Un machin supplémentaire", a commenté Pierre Méhaignerie, maire de Vitré et président de la communauté d’agglomération, également ancien ministre. "Faut voir", a lancé Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et vice-président de la région Rhône-Alpes, qui attend précisément de l’Etat qu’il "nous aide au travail en commun avec les aiguillons qu’il faut". "On n’a pas forcément besoin d’outils normatifs ou juridiques pour avancer ; mais parfois cela peut y contribuer", estime quant à lui Jean-Pierre Masseret, président de la région Lorraine qui, pour le coup, ne semble pas avoir attendu la loi pour mettre en application son précepte : "Les collectivités définissent une stratégie commune et après on décline en : acteurs, réseau, moyens." De ce point de vue, l’idée de chef de filat ne lui semble pas inintéressante. "Elle peut créer le meilleur comme le pire", anticipe-t-il. Les territoires pourront en faire bon usage, s’il y a une intelligence collective.
Et chacun sait que l’intelligence, fut-elle collective, ne se décrète pas.