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Décentralisation - Le Sénat adopte le projet de loi Lebranchu après l'avoir profondément remanié

Le Sénat a adopté le 6 juin, à une très large majorité, le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale. Le texte est à présent allégé d'un certain nombre de dispositions qui étaient loin de faire consensus chez les élus, notamment le pacte de gouvernance territoriale. Le gouvernement veut retenir que des volets importants du texte initial demeurent, comme les métropoles de droit commun et les métropoles de Lyon et Marseille. Au cours de la dernière journée des débats, les sénateurs ont adopté des mesures très attendues, comme la dépénalisation du stationnement, le transfert aux régions de la gestion des fonds structurels, ou encore le cadre juridique de la coopération entre collectivités en milieu rural.

Pour Marylise Lebranchu, la semaine finit mieux qu'elle n'a commencé. Rappelons-nous : après avoir supprimé le pacte de gouvernance territoriale et l'encadrement des cofinancements, le Sénat rejetait, le 3 juin, la métropole de Paris. Le 6 juin, dans la soirée, la ministre a finalement retrouvé le sourire. Après 48 heures de débats au cours desquels elle a examiné plus de 900 amendements, la Haute Assemblée a voté très largement en faveur du projet de loi que la ministre a préparé pendant de longs mois avec la ministre déléguée, Anne-Marie Escoffier.
Résultat du vote : 183 voix pour, 38 contre et 125 abstentions. Aux voix des sénateurs socialistes et radicaux, un quart des sénateurs UMP et un tiers des sénateurs centristes ont ajouté les leurs. Parmi eux : Jean-Patrick Courtois, qui a été le rapporteur du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, Philippe Dallier, sénateur-maire des Pavillons-sous-Bois, Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire de Marseille et président du groupe UMP au Sénat, ou encore Michel Mercier, président du conseil général du Rhône jusqu'au début de l'année 2013 et qui a défendu la loi de réforme des collectivités en tant que ministre dans le gouvernement de François Fillon. Le groupe écologiste s'est abstenu, tandis que les communistes ont voté contre.
"C'est un très beau résultat d'une première lecture", a déclaré à l'AFP Marylise Lebranchu. "Les sénateurs ont été précis, attentifs et courageux", a-t-elle jugé. Dans un communiqué, elle a qualifié le vote favorable du Sénat d'"avancée importante". "Consensuelle", la "petite loi" issue des débats conserve finalement "des volets importants du texte initial du gouvernement", s'est-elle réjouie.

Il fallait "réaffirmer le rôle essentiel des maires"

"Le Sénat a profondément fait évoluer le texte du gouvernement pour réaffirmer le rôle essentiel des maires, renforcer la coopération entre les collectivités et créer des métropoles", a souligné, de son côté, Jean-Pierre Bel, président du Sénat. Comme la ministre en charge de la décentralisation et de nombreux sénateurs de tous bords, il a souhaité que le projet de loi permette la création de la métropole parisienne.
"Le Sénat a pleinement joué son rôle et imprimé sa marque à partir du texte du gouvernement et dans un dialogue constant avec Marylise Lebranchu [...] et Anne-Marie Escoffier" a salué, pour sa part, le groupe socialiste au palais du Luxembourg.
L'approbation du texte par le Sénat n'était pas acquise. Mais, dès le début de leurs travaux, le président de la commission des lois et le rapporteur avaient prévenu que, du fait de son rôle de représentant des collectivités territoriales, le Sénat ne pouvait pas s'exclure de l'élaboration du texte, en rejetant celui-ci. Dès lors, les sénateurs ont oeuvré toute la semaine à trouver un consensus. Certaines mesures ont pu rassurer les élus ruraux de tous les camps. De plus, tel ou tel amendement a pu donner l'impression de donner des gages aux écologistes, tandis que tel autre tendait à satisfaire le Front de gauche.

Exit "le pacte de gouvernance territorial"

Après cette première lecture du texte au Sénat, le projet de loi rétablit la clause de compétence générale pour toutes les collectivités (les départements et les régions devaient la perdre à compter du 1er janvier 2015). Il désigne aussi des chefs de file pour les compétences communes à plusieurs collectivités. Par ailleurs, les sénateurs ont assoupli le fonctionnement des conférences territoriales de l'action publique et ont tout simplement supprimé les pactes de gouvernance territoriale jugés contraignants et technocratiques.
Ils ont validé la création d'ici au 1er janvier 2015, de la métropole de Lyon, qui aura le statut de collectivité territoriale à statut particulier. Ils ont aussi validé, ce qui s'annonçait difficile, la mise en place de la métropole d'Aix-Marseille-Provence au 1er janvier 2016. Cet établissement public de coopération intercommunalité à fiscalité propre se substituera à six intercommunalités existantes, dont la communauté urbaine de Marseille. En revanche, le Sénat a rejeté la création d'un syndicat mixte dédié au logement dans l'aire urbaine de Paris. Ils sont convenus d'attribuer le statut de métropole (hors Paris, Lyon et Marseille) aux villes ou intercommunalités de 400.000 habitants situées dans une aire urbaine de plus de 650.000 habitants, alors que le gouvernement prévoyait une aire urbaine de 500.000 habitants. Ce statut pourra concerner Bordeaux, Rouen, Toulouse, Lille, Strasbourg, Nantes, Grenoble et Rennes. Quant aux communautés réunissant plus de 250.000 habitants, elles pourront devenir des communautés urbaines, alors qu'aujourd'hui ce statut est réservé aux communautés de plus de 450.000 habitants.

Pôle rural d’aménagement et de coopération

Les 5 et 6 juin, les sénateurs ont procédé à plusieurs modifications ou ajouts. D'abord, dans le domaine de l'intercommunalité. Ils ont ainsi doté les communautés d'une compétence en matière de protection contre les inondations et de gestion des cours d'eau. Ils ont aussi décidé qu'une partie de la dotation d'intercommunalité serait affectée en fonction du degré de mutualisation des établissements publics de coopération intercommunale. Dans le domaine de la coopération entre les territoires, ils ont assoupli les règles concernant les pôles métropolitains. En parallèle, ils ont créé, à l'initiative du rapporteur de la commission du développement durable, le pôle rural d’aménagement et de coopération, syndicat mixte qui réunira plusieurs intercommunalités dans le but d'élaborer et de conduire, ensemble, un projet d’aménagement et de développement de leur territoire. Il s'agit de "donner un signal fort au monde rural", affirme le Sénat dans un communiqué. Les sénateurs ont d'ailleurs acté la transformation au 1er janvier 2015 du "pays basque" en pôle d’aménagement et de coopération. La structure associative créée en 1995 sous la forme d'un pays fédère aujourd'hui plusieurs intercommunalités des Pyrénées-Atlantiques.
On retiendra encore que la Haute Assemblée a décidé de dépénaliser le stationnement. Plutôt que de payer une amende pénale dont le montant est le même partout, l'automobiliste qui aura enfreint les règles du stationnement, devra acquitter une redevance dont le montant sera fixé par la collectivité. Cette mesure répond à une très ancienne revendication des autorités en charge des politiques de mobilité.

Gestion des fonds européens

Autre disposition d'importance : l'introduction dans le texte du transfert et de la délégation de l'Etat au profit des régions de l'autorité de gestion des fonds européens, une mesure pourtant prévue par le projet de loi "de mobilisation des régions" présenté en conseil des ministres, le 10 avril dernier. Il s'agit de "ne pas compromettre, en cas de retard du calendrier parlementaire, la mise en oeuvre de ces dispositions qui est prévue au 1er janvier 2014", précise l'amendement du rapporteur de la commission des lois.
Enfin, les sénateurs ont introduit dans le texte des garanties pour les agents concernés par des projets de mutualisation, ou des transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités.
Parmi les premières réactions des élus locaux, celle de l'Association des petites villes de France (APVF). Celle-ci se déclare "partiellement satisfaite". L'association présidée par Martin Malvy "se réjouit" de la décision des sénateurs de conditionner la création des métropoles à l'accord d’une majorité de communes intéressées. Mais elle déplore la suppression du pacte de gouvernance territoriale.
De son côté, l'Association des régions de France (ARF) a salué "la qualité du travail de la Haute Assemblée qui a permis d'améliorer le projet initial". Elle se félicite de "quelques avancées pour les régions", en regrettant qu'"il reste du chemin à parcourir pour faire de cette réforme un véritable acte de décentralisation". En outre, les régions déplorent "les insuffisances du texte sur des points majeurs".
Le projet de loi devrait être examiné en première lecture par les députés à partir du 15 juillet.