Finances locales - Baisse des dotations : comment répartir la pénurie ?
Comment répartir entre les différentes catégories de collectivités territoriales la réduction de trois milliards d'euros des dotations sur la période 2014-2015 ? Une réduction qui représentera sur ces deux années un "manque à gagner" de 4,5 milliards d'euros pour le secteur public local. La question était au programme, jeudi 11 avril, d'une réunion du groupe de travail du Comité des finances locales (CFL) constitué après la conférence des finances locales afin, précisément, de dessiner une solution (voir ci-contre notre article du 19 mars).
La direction générale des collectivités locales (DGCL) a présenté sept scénarios et les élus ont procédé par élimination. Très vite, quatre scénarios ont été écartés. "Ils étaient complètement irréalistes, totalement arbitraires en ne s'inscrivant pas dans une démarche de réduction proportionnée", résume l'un des membres du CFL, Denis Durand, maire de Bengy-sur-Craon. Après débat, une autre hypothèse, défendue par les présidents de départements, a elle aussi été exclue. Il s'agissait de répartir l'effort entre les niveaux de collectivités locales en fonction du poids de chacun dans les dépenses totales du secteur public local (pour moitié) et de la contribution de chacun dans l'évolution des dépenses (pour une autre moitié).
Au final, deux scénarios tiennent la corde. Le premier prévoit de répartir la baisse des dotations en fonction du poids des ressources financières de chaque niveau dans les ressources totales des collectivités. En réunissant près de 56% des ressources locales, les communes et leurs groupements verraient ainsi leurs dotations baisser de 840 millions d'euros en 2014. Pour les départements, dont les ressources représentent un peu moins de 32% des moyens financiers des collectivités, la facture serait de 476 millions d'euros. Pour les régions (12% des ressources), elle s'élèverait à 184 millions d'euros.
Décision le 13 juin
Le second scénario est mis à l'étude "plutôt à la demande" des départements, précise Denis Durand. Il fonde la baisse des dotations sur le poids de chaque niveau de collectivités dans la dépense totale, déduction faite des dépenses engagées par les départements pour les allocations de solidarité. Avec de telles hypothèses, la contribution du bloc local grimpe à 59,75% et celle des régions à 13,27%. A l'inverse, celle des départements baisse en dessous de 27%.
La DGCL effectuera des simulations à partir des deux scénarios. Les élus locaux ne trancheront que lors de la séance plénière du CFL du 13 juin. On peut penser que le premier scénario l'emportera facilement du fait qu'il a, a priori, la préférence des maires et présidents d'EPCI, qui sont ultra-majoritaires au sein du CFL. Mais le second scénario a encore des chances, car il est de nature à recueillir davantage le consensus entre les élus des différentes catégories de collectivités.
Le représentant des régions a donné son accord pour l'une et l'autre des deux pistes. Mais à condition que l'autre groupe de travail du CFL, qui est pour sa part chargé notamment de réfléchir aux ressources des collectivités (lire notre encadré ci-dessous), permette de faire émerger des propositions renforçant l'autonomie fiscale régionale. "Notre cheval de bataille est surtout là. On ne va pas perdre son énergie sur la recherche d'une répartition objective de la baisse des dotations, qui pourrait être complexe", souligne-t-on à l'Association des régions de France (ARF).
Les allocations de solidarité s'invitent dans le débat
De leur côté, les départements ont mis sur la table la question du financement des allocations de solidarité dont ils ont la charge. Ils ont plaidé pour que ces dépenses soient retranchées des dépenses des départements, dans l'hypothèse où les dépenses serviraient de critère au calcul de la répartition de la baisse des dotations entre les niveaux de collectivités. Il en coûterait aux régions et aux départements une centaine de millions d'euros. Un chiffre dérisoire si on le compare aux six milliards d'euros de dépenses sociales engagées chaque année par les départements et qui ne sont pas compensées par l'Etat, avance l'ADF. Un argument qui ne convainc pas les élus des autres échelons, pour qui le problème ne regarde que les départements et l'Etat. Le groupe de travail qui doit, fin mai, aboutir à des propositions sur le financement des allocations de solidarité (voir ci-contre notre article du 29 janvier), ne réunit d'ailleurs que le gouvernement et les représentants des présidents de conseils généraux, peuvent-ils faire valoir.
Le CFL se réunira le 25 avril pour étudier comment seront réduites les dotations entre les communes et intercommunalités. L'ambiance risque d'être tendue, car certaines catégories de territoires (villes moyennes et communes rurales en particulier) revendiquent une moindre ponction, au motif de leurs difficultés.
Quelles seront les dotations amenées à baisser ? Les discussions sur ce point là ne seront lancées que lors d'une ultime phase. Mais déjà le 11 avril, certains élus ont pointé le coût des incitations fiscales destinées à l'intercommunalité. Cela pourrait être, selon eux, une piste d'économie.
Thomas Beurey / Projets publics
Fiscalité des régions : Des pistes mises a l'etude par le gouvernement
Les administrations de l'Intérieur et de Bercy ont présenté aux élus du Comité des finances locales des pistes pour doter les régions de nouvelles recettes fiscales. Le 9 avril, lors de la réunion du groupe de travail chargé de se pencher précisément sur la question des ressources fiscales locales, les administrations centrales ont dévoilé les multiples scénarios mis à l'étude par le gouvernement : des taxes sur le numérique, d'autres sur les autoroutes, le versement transport, les taxes et redevances sur les bureaux, la taxe d'aménagement, la taxe spéciale d'équipement, ou encore une nouvelle Ifer sur les canalisations de transports de produits chimiques… "A chaque fois, Bercy a exprimé de fortes réserves sur la faisabilité des dispositifs", indique la Fédération des villes moyennes, dans sa lettre hebdomadaire. Or, certains de ces dispositifs faisaient partie des propositions faites en juillet 2012 par l'Association des régions de France (ARF).
Celle-ci va étudier ces scénarios. Elle reste prudente et rappelle l'enjeu qui prévaut selon elle : "la restructuration du portefeuille fiscal des régions". Des taxes qu'elle veut "cohérentes" avec les compétences régionales. Prochaine réunion du groupe de travail : le 30 avril.