Finances locales - Une réduction "historique" des dotations aux collectivités
Des fuites dans la presse avaient dévoilé les intentions du gouvernement dès le 6 février (lire notre article ci-contre). Ce 12 février, en même temps que le premier président de la Cour des comptes présentait le rapport annuel de son institution et émettait des doutes sur le respect des objectifs de réduction du déficit public (lire notre article dans l'édition de ce jour), le doublement de la réduction des dotations aux collectivités locales en 2014 et 2015 a été confirmé officiellement. Pas moins de trois membres du gouvernement - le ministre délégué au Budget, la ministre de la Réforme de l'Etat, de la Fonction publique et de la Décentralisation et la ministre déléguée à la Décentralisation - ont annoncé devant le Comité des finances locales (CFL) que les concours de l'Etat au secteur public local baisseront de 1,5 milliard en 2014 par rapport à 2013 et subiront un nouveau coup de rabot en 2015, de 1,5 milliard d'euros supplémentaires). Au total, le gouvernement compte donc réduire les dotations de 3 milliards d'euros en deux ans. André Laignel, le président du CFL, parle pour sa part d'un manque à gagner de 4,5 milliards pour les collectivités entre 2013 et 2015 dans la mesure où la baisse de 2015 sera calculée sur une enveloppe déjà amputée de 1,5 milliard en 2014. C'est en tout cas "deux fois plus que ce qui était prévu par la loi de programmation budgétaire votée en décembre dernier", souligne l'Association des maires de France, dont André Laignel est le premier vice-président délégué.
A l'origine de cette annonce, la recherche par le gouvernement de 10 milliards d'euros d'économies destinés à financer le crédit d'impôt compétitivité emploi dont le coût s'élève à 20 milliards d'euros. Très tôt, le gouvernement avait laissé entendre que les collectivités locales seraient mises à contribution, sans toutefois préciser le montant de leur participation. Ces perspectives rendaient caduques l'objectif annoncé fin septembre d'une baisse de 750 millions d'euros des dotations en 2014, avant une nouvelle baisse du même ordre en 2015.
Colère des élus locaux
Pour Bercy, le nouvel effort demandé aux collectivités, qui représente 15% des économies recherchées, est "proportionné par rapport au poids des administrations locales dans l'ensemble des dépenses publiques (20%)". Mais chez les élus locaux membres du CFL, c'est un choc. "C'est un recul historique" et "une rupture" ont commenté certains, quand d'autres ont parlé d'"effort exagéré".
Du côté de l'Assemblée des départements de France (ADF), on n'a pas caché la "vive émotion, voire la colère d'un certain nombre d'élus". Le président, Claudy Lebreton, faisant remarquer que l'annonce du gouvernement "aurait dû être gérée différemment sur le fond comme sur la forme". "Une rencontre à Matignon sous l'autorité du Premier ministre" dans le cadre d'une "négociation entre le gouvernement et les associations d'élus" aurait été plus pertinente, selon Claudy Lebreton. En sachant que le président du Comité des finances locales lui-même n'a été prévenu que lundi 11 février dans l'après-midi du bouleversement de l'ordre du jour de l'instance.
L'AMF critique elle aussi la "méthode retenue", dit regretter "une fois de plus, que les collectivités locales ne soient pas considérées comme acteurs publics à part entière, aux côtés de l'Etat", et "exige l'ouverture immédiate d'une négociation". De son côté, l'Association des petites villes de France (APVF) s'est inquiétée "des multiples conséquences économiques pour les petites villes". Et la Fédération des villes moyennes (FVM) a dit accueillir la décision gouvernementale "avec gravité".
"C'est considérable" et "sans précédent", a pour sa part considéré le président du CFL à l'issue de la réunion de l'organisme. "Tout le monde n'a pas encore intégré le traumatisme que ça va générer", a-t-il poursuivi. André Laignel a agité le risque d'une réduction des investissements des collectivités dans les prochaines années. Etant donné le poids de ceux-ci dans l'investissement public civil (71%), le choix du gouvernement affecterait la croissance de l'économie française.
Lourdes charges
A cette baisse des dotations, il faut ajouter, pour un total de 2 milliards d'euros en 2014, l'impact des charges supplémentaires mises sur le compte des collectivités, que ce soit la réforme des rythmes scolaires, la hausse des cotisations des employeurs ou les normes en tous genres, rappelle André Laignel. En prenant en compte le poids de ces charges ainsi que l'inflation, les ressources des collectivités vont être impactées pour une somme comprise entre 6,5 et 7 milliards d'euros entre 2013 et 2015, estime le maire d'Issoudun.
"Face à de telles enveloppes financières, le CFL à l'unanimité n'a pas souhaité avaliser l'annonce du gouvernement. Il a aussi demandé unanimement l'ouverture d'une véritable négociation", a déclaré André Laignel, qui a récusé la recherche d'une "épreuve de force" avec le gouvernement. "Le CFL sera un acteur positif de la volonté d'arriver au pacte de confiance et de responsabilité annoncé le 5 octobre dernier par le président de la République", a-t-il encore affirmé.
Aussitôt après la réunion du CFL, le gouvernement a annoncé, dans un communiqué, l'ouverture de discussions avec les élus locaux sur les modalités de la réduction des dotations et les contreparties dont les collectivités pourraient bénéficier afin d'en atténuer les conséquences.
Contreparties
Les discussions sur les finances des départements, le renforcement de l'autonomie fiscale des régions, la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et d'habitation, l'allègement des normes, le renforcement de la péréquation et l'amélioration de l'accès au crédit des collectivités sont autant de pistes qui pourraient permettre d'améliorer les relations financières entre l'Etat et les collectivités, a détaillé gouvernement. "Ces orientations seront explorées et concertées avec les associations d'élus, notamment dans le cadre du CFL, d'ici à la fin du premier semestre, avec l'objectif de les inclure dans le PLF 2014 [projet de loi de finances pour 2014]", a-t-il indiqué. En rappelant aussi l'engagement pris par les ministres devant le CFL d'une "répartition équitable" entre collectivités de la contribution qui leur est demandée.
André Laignel a rappelé que le groupe de travail du CFL constitué à la suite de l'annonce de la réduction des dotations faite en septembre dernier s'est réuni à deux reprises et a déjà à ce stade fait connaître "les orientations qui pouvaient être soumises au débat". "Pour l'instant, nous n'avons obtenu aucune réponse du gouvernement", a-t-il précisé.