Congrès des maires - Finances : les collectivités peuvent-elles conserver des marges de manoeuvre ?
Les communes ont-elles les moyens financiers de participer à la relance de l'économie ? Le doute planait, ce jeudi 22 novembre, dans l'auditorium du Palais des expositions de Paris, où les maires s'exprimaient sur le sujet. Un maire du Cantal a témoigné qu'il hésitait à réaliser une maison de santé, sachant que le taux de subvention du conseil général n'est que de 15%, contre un taux bien supérieur il y a quelques années. Christian Pierret, maire de Saint-Dié (Vosges) et président de la Fédération des villes moyennes (FVM), a estimé, pour sa part, que sa commune "ne peut aujourd'hui plus accompagner le tissu économique dans les investissements". A l'avenir, cela pourrait être pire : le maintien des services publics, dont la présence est pourtant une condition du "développement économique et de l'emploi", est remis en cause, a poursuivi Christian Pierret.
Le gel strict de 50 milliards d'euros de dotations de l'Etat aux collectivités (sur un total de 73 milliards d'euros de dotations), qui va s'appliquer en 2013 pour la troisième année consécutive, conduit à une réduction de la capacité d'action des collectivités, a relevé André Laignel, secrétaire général de l'AMF et président du Comité des finances locales. En face, les dépenses communales vont continuer d'augmenter, parfois à un rythme rapide. Et les maires d'égrener autant d'éléments tels que les dépenses sociales, le taux de cotisation des employeurs à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, le taux de TVA qui passera de 7% à 10%, ou encore les prix de l'énergie. Sans compter que l'Etat "en demande toujours plus aux collectivités". Elles doivent "absorber" des "transferts insidieux" de charges, en matière de sécurité par exemple. Ou des réformes, comme celle des rythmes scolaires, dont le coût s'élèverait annuellement entre 100 et 150 euros par élève, a calculé Philippe Laurent, président de la commission des finances de l'AMF. Si le montant des dotations baisse de 2,25 milliards d'euros sur la période 2014-2015, comme l'envisage le gouvernement, "on n'y arrivera plus", s'est inquiété le maire de Firminy (Loire). Il a dit craindre que des services publics ferment dans les prochaines années.
Etat et collectivités : un destin partagé
En toute logique, André Laignel s'est interrogé : "Quel rôle veut-on donner aux collectivités locales ? Veut-on en faire des variables d'ajustement ou un levier de la relance et de la croissance ?" L'Etat n'a pas d'autre choix, a répondu Gilles Carrez, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. "Compte tenu de son endettement record, l'Etat ne pourrait pas supporter une augmentation des dotations aux collectivités et des dégrèvements en faveur des contribuables locaux." Un constat partagé par Christian Eckert, rapporteur général du Budget à l'Assemblée. "Il faut que l'Etat fasse des économies, il est bien temps", a-t-il confié. "Votre commune n'est pas séparée de la France. Il n'y a pas d'un côté les communes de France et la France. Nous sommes tous engagés dans le même processus", avait déclaré le chef de l'Etat, lors de l'ouverture du congrès, le 20 novembre.
Pour autant, "nous avons absolument besoin de préserver la capacité d'investissement de nos collectivités, qui représentent 70% de l'investissement public. C'est dans l'intérêt de l'Etat", a estimé Gilles Carrez. "Pour trouver des marges de manœuvre, nous ne pourrons solliciter le contribuable local", a jugé celui qui a présidé le Comité des finances locales jusqu'en septembre dernier. "Nos concitoyens vont devoir faire un effort considérable dans le cadre des hausses d'impôts nationaux décidées depuis juillet dernier" a-t-il précisé.
Pour conserver la capacité d'agir, les communes n'ont, dès lors, pas d'autres possibilités que de "rechercher des économies", a considéré Jacques Pélissard, président de l'AMF. Parmi les solutions, il a cité la "mutualisation" entre les collectivités. Dans ce domaine, la loi de réforme des collectivités du 16 décembre 2010 a ouvert de nouvelles possibilités, a-t-il rappelé. Des enquêtes ont montré que les élus locaux sont nombreux à vouloir utiliser ces outils.
Autre solution, selon le président de l'AMF : l'élargissement des moyens de financement des collectivités locales. Y compris pour que celles-ci obtiennent des conditions de financement plus intéressantes. "Alors que l'Etat emprunte autour de 2 à 2,25%, les propositions des banques au secteur public local se situent à des taux de l'ordre de 4,5%. Cet écart de taux de 2%, cela représente chaque année un coût de 300 millions d'euros sur l'emprunt des collectivités", a indiqué Philippe Laurent. Selon les associations d'élus locaux, l'agence de financement des collectivités locales reste donc l'une des solutions pour accéder à des conditions de financement plus avantageuses. Le ciel semble d'ailleurs se dégager sur ce dossier. Après le feu vert donné mardi par François Hollande, le ministre de l'Economie, invité jeudi de cette table ronde sur les finances, a même affirmé qu'il "faut aller vite". De son côté, Jacques Pélissard a précisé "qu'une rencontre aura lieu sur le sujet dès la semaine prochaine". En indiquant aussi qu'il avait "insisté" pour qu'une disposition créant l'agence "soit dans la loi de finances pour 2013, qui doit être bouclée avant le 31 décembre 2012".
Réduction des normes : faut-il y croire ?
Dernière piste d'économie évoquée par Jacques Pélissard, indissociable de la maîtrise des dépenses publiques : la fameuse lutte contre les "normes". Un sujet qui, la veille, avait également occupé une bonne place lors de la table ronde consacrée aux services à la population (voir ci-contre notre article "Un grand plan au printemps 2013"). Les réglementations en tous genres ont représenté pour les collectivités, en 2011, des dépenses nouvelles de l'ordre de 728 millions d'euros. Et ce alors que le Premier ministre a décrété un moratoire sur les normes, a relevé André Laignel. "On n'arrivera pas à réduire les normes avant très longtemps", a-t-il déclaré. Avant de conclure qu'il refusait que le gouvernement "vende" la promesse d'une réduction des normes en contrepartie de la baisse des ressources financières du secteur local. En clair : ce serait un marché de dupes. Un avis corroboré par Philippe Laurent : "N'espérons pas trop sur cette question des normes, c'est une question culturelle dans notre pays, où tout doit être décidé à Paris. Tant que l'on ne fera pas davantage confiance aux acteurs locaux, cela ne fonctionnera pas."
Gilles Carrez s'est voulu plus optimiste. Il a annoncé qu'il déposerait un amendement au collectif budgétaire de la fin de l'année pour accorder un "droit de veto" à la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN). On peut donc penser qu'en parallèle des initiatives prises par le Sénat (la récente proposition de loi Gourault-Sueur), des propositions viendront de l'Assemblée nationale sur ce thème des normes.
Cotisation foncière des petites entreprises: les collectivités pourront atténuer les hausses fiscales de 2012
Le gouvernement a tenu sa promesse. Il va proposer une solution au "bug" de la cotisation minimum de cotisation foncière des entreprises, dont l'envolée a provoqué l'ire des artisans et commerçants. Le ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici a annoncé ce 22 novembre devant les maires qu'il serait proposé un amendement au projet de loi de finances rectificative. Ce texte sera débattu dans les prochaines semaines au Parlement. Les collectivités pourraient, par délibération d'ici à la fin de l'année, revenir sur une partie de la hausse qu'elles ont décidée l'année dernière et dont les effets ont été ressentis cette année par les contribuables. Par ailleurs, les sociétés seront autorisées à étaler le paiement de leur cotisation foncière.
Le président de l'Association des maires de France, Jacques Pélissard, avait, peu avant cette annonce ce 22 novembre, reçu une délégation de l'Union professionnelle artisanale (UPA). Suite à cette rencontre, l'AMF a demandé, dans un communiqué, une réforme de la CFE. L'objectif étant "que l'imposition des entreprises soit adaptée à leur capacité contributive".
A ce jour, la cotisation minimale de CFE n'intègre pas le dispositif de plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) à 3% de la valeur ajoutée des entreprises. Le législateur ne l'a pas souhaité, car cette décision "aurait coûté 100 millions d'euros au budget de l'Etat", a rappelé, au cours du débat du congrès des maires, le sénateur Charles Guené, qui a été le rapporteur de la mission sénatoriale sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle. Si ce mécanisme de plafonnement est mis en place – comme le demande l'Assemblée des communautés de France – "qui va payer ?", s'est-il interrogé. En clair : étant donné que l'Etat cherche par tous les moyens à faire des économies, les collectivités ne devront-elles pas prendre en charge ce plafonnement sur leur budget ?