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Finances locales - Gel des dotations en 2013, réduction dès 2014

Les collectivités vont devoir continuer à se serrer la ceinture en 2014 et en 2015. Le gouvernement compte en effet raboter de 2,25 milliards d'euros en deux ans les dotations de l'Etat qui leur sont allouées. Les élus présents au Comité des finances locales, auxquels ces annonces ont été faites ce 27 septembre, ont réagi en mettant en place un groupe de travail. Pour 2013, les dotations sont gelées, comme on s'y attendait. La péréquation doit progresser sensiblement : par le biais des dotations de péréquation aux communes, qui vont augmenter de 8%, et via le fonds de péréquation intercommunal qui est fixé à 360 millions d'euros, soit le montant prévu par la loi.

Marylise Lebranchu le laissait entendre dans une interview aux Echos le 25 septembre. Le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, l'a confirmé et précisé, ce 27 septembre devant les élus du Comité des finances locales (CFL), à la veille de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi de finances pour 2013 : les dotations de l'Etat aux collectivités locales, qui seront gelées de manière stricte en 2013 (sans tenir compte de l'inflation) pour la troisième année consécutive, seront rabotées les deux années suivantes. L'enveloppe soumise au gel (50,3 milliards d'euros) subirait une baisse de 750 millions d'euros en 2014 (par rapport à 2013), puis de 1,5 milliard en 2015 (toujours par rapport à 2013).
Ce n'est que dans les tout derniers jours que le curseur a semble-t-il été placé sur ces chiffres. "Il y a quelques semaines, les ministères programmaient un effort moindre", a remarqué Philippe Laurent, maire de Sceaux et président de la commission des finances de l'AMF. "Mais il leur a fallu trouver de nouvelles sources de financement avec l'annonce de la création de 40.000 postes d'enseignants", a-t-il confié à Localtis à l'issue de la séance du CFL.
Les élus locaux ont accueilli "avec sérénité" la confirmation du gel des dotations en 2013, a indiqué lors d'une conférence de presse André Laignel, maire d'Issoudun et nouveau président du CFL (voir notre encadré ci-dessous). La perspective d'une réduction des dotations passe beaucoup moins bien. "On ne peut pas nous parler d'une nouvelle époque dans les relations entre les collectivités et l'Etat et commencer par nous dire de combien on serait taxé en 2014 et 2015", a réagi celui qui est aussi secrétaire général de l'Association des maires de France (AMF). Le CFL a donc créé un groupe de travail qui va se réunir rapidement, avec les ministères concernés, pour "rechercher les solutions qui permettraient de faire participer les collectivités locales au redressement de notre pays, mais aussi de définir ce que pourrait être, par ses aspects financiers, un pacte de confiance et de solidarité avec l'Etat", explique le président du CFL. "Nous considérons que d'ores et déjà, les collectivités locales participent à l'effort de redressement national", estime André Laignel. L'élu pose ses conditions à une plus grande participation des collectivités à la maîtrise des finances publiques. "ll nous faudra des compensations, sous forme par exemple de libertés fiscales, ou d'un accès au crédit facilité", souligne-t-il. Mais il ne perd pas espoir que le gouvernement abandonne ses projets. "L'essentiel est de présenter aux institutions européennes une réduction du déficit de la France et celui-ci peut être obtenu autrement que par une baisse des dotations aux collectivités", déclare André Laignel.

"Une grande inquiétude sur l'après-2013 chez les élus locaux"

Pour l'heure, celui-ci s'inquiète du choix du gouvernement. L'investissement public local, déjà en difficulté pour les régions et les départements, va être directement impacté, diagnostique-t-il. Le président du CFL pointe aussi l'évolution prévisible des dépenses des collectivités : les cotisations des employeurs publics locaux à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) vont augmenter de 350 millions d'euros et les "sollicitations" de l'Etat en direction des collectivités vont être nombreuses (avec notamment le financement des emplois d'avenir ou le changement des rythmes scolaires).
"Il y a une grande inquiétude sur l'après-2013, qui est soulevée y compris par les élus de gauche", a observé pour sa part Philippe Laurent. Son souhait : qu'il y ait "une vraie réflexion stratégique sur le rôle des finances locales, impliquant les ministères". "On ne peut pas continuer comme ça !", lance-t-il.
Pour 2013, "l'essentiel est préservé", a estimé Philippe Laurent. Ce gel est "une bonne nouvelle", a assuré pour sa part André Laignel, qui a rappelé que le candidat Nicolas Sarkozy avait programmé une baisse des dotations de l'Etat aux collectivités de 2 milliards d'euros chaque année.
Au sein de l'enveloppe soumise au gel, la dotation globale de fonctionnement (DGF) augmentera de 0,2%. Mais le gel des dotations conduit à des arbitrages difficiles. D'autant plus que le gouvernement a choisi de doubler l'effort de péréquation "verticale". Les dotations de solidarité urbaine et rurale (DSU et DSR) augmenteront chacune de plus de 8% l'année prochaine. En notant qu'un nouveau critère sera introduit au sein de la DSR "cible" : le revenu par habitant. Une décision qu'a salué Pierre Jarlier, sénateur-maire de Saint-Flour (Cantal), à l'origine, au Sénat, de la création de ce dispositif de fléchage de la péréquation au profit des communes les plus défavorisées.

La péréquation boostée

Avec le financement des évolutions liées à l'intercommunalité et à la démographie, il faut trouver au total 238 millions d'euros. Ils seront prélevés pour moitié (119 millions d'euros) sur la DGF (par l'écrêtement du complément de garantie et la minoration de la compensation de la part salaires) et pour une autre moitié en dehors de la DGF (allocations compensatrices).
On notera que le Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) est bien en dehors de l'enveloppe soumise au gel, conformément aux engagements pris par le gouvernement dès le mois de juin. Un bon point pour les collectivités, compte tenu du fait que ce remboursement augmente de 120 millions d'euros (5,627 milliards d'euros en 2013). Egalement en dehors de l'enveloppe gelée, les amendes de police, qui doivent augmenter de 3% (682 millions d'euros). "Le montant est probablement sous-estimé compte tenu de l'augmentation des amendes à 17 euros", a jugé Philippe Laurent.
Les chiffres dévoilés aux élus locaux sur les dotations ont laissé à ces derniers un sentiment de flou. Les trois ministres présents (ministres du Budget, de la Réforme de l'Etat et ministre déléguée chargée de la Décentralisation) s'en étant tenus aux grandes lignes et se montrant parfois peu bavards. "Il faudra étudier plus attentivement ces éléments qui demanderont à être précisés", a confié Pierre Jarlier.

De nombreux ajustements pour le Fpic

L'autre grand sujet à l'ordre du jour du CFL était le fonds de péréquation intercommunal et communal (Fpic). Le gouvernement a souhaité que l'effort de péréquation interne au bloc local soit porté à 360 millions d'euros, comme l'a prévu la loi de finances pour 2012. Plusieurs aménagements sont proposés, tenant compte des remarques formulées par le groupe de travail du CFL. Le revenu par habitant sera pris en compte (à proportion de 20%) dans les critères permettant de déterminer les prélèvements (donc avec le potentiel financier). Objectif : mieux prendre en compte les charges des collectivités. De plus, le plafonnement des prélèvements sera relevé de 10% à 11% des recettes fiscales. De fait, une vingtaine de collectivités seraient concernées par le plafond, en 2013, contre seulement 6 en 2012. Une autre innovation concerne la répartition locale des prélèvements et reversements : ils se feront en fonction du CIF, puis à partir du potentiel financier des communes. Surtout, les territoires pourront choisir de fixer eux-mêmes leurs modalités de répartition, si l'ensemble des conseils municipaux donnent leur accord (aujourd'hui, l'unanimité du conseil communautaire est exigée). Les élus locaux ont souhaité qu'un amendement parlementaire renforce la prise en compte de l'effort fiscal parmi les conditions pour le bénéfice du Fpic, ce à quoi le gouvernement ne semble pas s'opposer.
Toujours en matière de péréquation, on notera que les modalités du fonds de péréquation de la CVAE qui doivent être mises en place en 2013 n'ont pas "enthousiasmé les élus départementaux et régionaux présents au CFL", a résumé André Laignel. Celui-ci se veut cependant optimiste, constant que l'écart n'est pas si grand entre les désidérata des élus et ceux du gouvernement. Enfin, les élus des départements n'ont pas obtenu de réponse s'agissant du fonds d'urgence qui doit voir le jour pour résoudre les difficultés d'une trentaine de départements. Sur ce sujet comme sur d'autres, la discussion parlementaire devrait apporter de nombreuses précisions.

Thomas Beurey / Projets publics

Un nouveau président pour le CFL
C'est à l'unanimité qu'André Laignel, maire PS d'Issoudun, a été élu, ce 27 septembre, président du Comité des finances locales, en remplacement de Gilles Carrez. Le maire du Perreux-sur-Marne (Val-de-Marne) avait donné sa démission au mois de juillet, conformément à l'engagement qu'il avait pris. En cas d'alternance nationale au mois de mai, l'élu devait céder sa place à André Laignel. Gilles Carrez est devenu le premier vice-président du CFL et un "hommage unanime" a été décerné à son travail marqué par "la recherche avérée du consensus", a déclaré André Laignel.
T.B.