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Finances locales - Le gouvernement lance six chantiers avec les élus locaux

Lors de la conférence des finances locales du 12 mars, le Premier ministre a lancé avec les élus locaux - satisfaits de la méthode - une série de chantiers en vue du projet de loi de finances pour 2014. Le but : discuter de la manière dont la réduction des dotations aux collectivités va être appliquée à partir de 2014. Il s'agit aussi de donner corps au "pacte de confiance et de responsabilité" promis par le président de la République.

"Le climat a été très bon", a réagi Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la Décentralisation, à l’issue de la conférence des finances locales à laquelle participaient, le 12 mars à Matignon, le Premier ministre et plusieurs membres du gouvernement, ainsi que les présidents des associations d’élus locaux.
Dans un communiqué commun, les associations représentatives des communes et intercommunalités se sont dites "satisfaites de cette première conférence". Récemment très remonté contre le gouvernement, Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France (AMF), a semblé avoir apprécié cette "prise de contact". "Nous avons mis en place une méthode, un calendrier et prévu des discussions au format intéressant", a résumé le député-maire de Lons-le-Saunier. De son côté, l’Assemblée des départements de France (ADF) "s’est félicitée" de la forme prise par la réunion, qui selon elle traduit de la part de l’Etat "une prise de conscience" sur l’importance d’une véritable concertation avec les collectivités. Sur la méthode, l’Association des petites villes de France (APVF) a fait part de son "approbation".
Les relations se sont donc apaisées entre le gouvernement et les élus locaux. Ces dernières semaines, le Premier ministre n’a ménagé ni sa peine ni son temps pour ramener le calme chez les édiles. Ceux-ci ont été irrités par l’annonce, sans aucune concertation selon eux, d’un coup de rabot de 4,5 milliards d’euros sur les dotations que l’Etat versera aux collectivités en 2014 et 2015 (lire notre article du 12 février 2013 ci-contre). Ils ont réclamé d’urgence un changement de méthode. Et ont donc été rapidement entendus.

Emprunts à des taux "privilégiés"

Selon un communiqué de Matignon, la réunion de ce 12 mars "a préfiguré" la mise en place du Haut Conseil des territoires prévu par le projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique. C’est-à-dire un lieu de concertation entre le gouvernement et les collectivités territoriales sur toutes les politiques qui les concernent en commun. Matignon a indiqué que la "conférence des finances publiques locales" se réunira "chaque année" dans le cadre de l’instance pour "dresser un bilan" de la situation des finances locales et se pencher sur les évolutions à prévoir dans le projet de loi de finances qui intervient à chaque fin d’année.
Pour cette première rencontre, le Premier ministre a réservé un cadeau à ses hôtes. C’est l’autre motif de leur satisfaction. Les vingt milliards d’euros de prêts de long terme destinés dans les cinq prochaines années aux investissements locaux – dont l’annonce a été faite par le président de la République lors du dernier congrès des maires de France – seront fixés à des "taux privilégiés" (taux du livret A actuellement de 1,75% +130 points de base, soit 3,05%). Cette faveur s’ajoute à la décision de créer l’Agence de financement des collectivités, puisqu’après avoir pris son temps, le gouvernement va déposer prochainement un amendement – dans le cadre de la discussion au Sénat sur le projet de loi de régulation et de séparation des activités bancaires, qui débutera le 20 mars.
Les élus locaux n’ont cependant pas pu masquer leurs divisions sur la manière de répartir les économies de l’Etat entre leurs collectivités, point le plus sensible de l’ordre du jour de la réunion. A la tête de l’Association des régions de France (ARF), Alain Rousset a défendu la "situation particulière" de celles-ci. La réduction des dotations serait en effet plus durement ressentie par les régions, du fait du poids des dotations dans leurs ressources (43%) et de la quasi-disparition de leur autonomie fiscale.
Les présidents des conseils généraux n’ont pas eu besoin d’évoquer longtemps les difficultés financières que traversent leurs collectivités. L’heure n’est plus au diagnostic, mais à la recherche d’un remède, comme s’y emploie depuis fin janvier un groupe de travail réunissant le gouvernement et l’ADF.

Efforts proportionnels à la richesse ?

Dans ce contexte, les maires et présidents d’intercommunalités craignent que leurs échelons paient un plus lourd tribut que les régions et les départements. D’autant que plusieurs rapports, notamment de la Cour des comptes, ont estimé, au cours de ces dernières années, que la santé financière du bloc communal demeurait bonne. Soudés, ils refusent de troquer une partie des impôts locaux sur lesquels ils ont un pouvoir de taux contre des ressources plus incertaines détenues par les autres échelons – le dernier rapport annuel de la Cour des comptes faisait des propositions concrètes en la matière. Mais ils proposent unanimement de retenir comme critère de réduction des dotations la proportion des ressources financières de chaque catégorie de collectivités dans les ressources locales totales. Une règle qui présente l’intérêt de ne pas pénaliser les collectivités les plus dépendantes à l’égard des dotations.
Cependant, certains maires militent pour que le principe soit assorti de règles permettant de prendre en compte des situations particulières des communes et groupements. Cette position est défendue notamment par Christian Pierret au nom des villes moyennes et de leurs agglomérations, qui seraient "très touchées par la désindustrialisation". D’où la proposition qu’il fait de "moduler" l’effort demandé aux collectivités "en fonction de la richesse des territoires et de celle de leurs habitants". Pierre Jarlier, secrétaire général de l’APVF, a exprimé une position analogue sur son site internet, en réclamant une répartition des efforts "en fonction des capacités contributrices et de la fragilité des territoires qu’elles administrent".
A peine entamées donc, les discussions sur la baisse des dotations vont se poursuivre discrètement au sein du Comité des finances locales. Et ce au moins jusqu’à une nouvelle "réunion plénière", qui aura lieu au mois de juin, dans l’objectif de définir les mesures qui figureront dans le projet de loi de finances pour 2014.

Un bilan des dispositifs de péréquation

Dans le même temps, la concertation se poursuivra sur plusieurs "chantiers". Sur la réduction des dépenses imposées aux collectivités, les réflexions vont avancer rapidement à partir du rapport que la mission Boulard-Lambert rendra le 26 mars prochain (lire notre article du 18 janvier 2013 ci-contre). Le chantier de "l’évolution des ressources des différents niveaux de collectivités" ne sera pas des moindres, puisqu’il devrait s’agir de définir les moyens d’améliorer le pouvoir de décision fiscale des régions. On sait aussi que dans le domaine de la fiscalité, l’Assemblée des communautés de France (ADCF) nourrit de fortes attentes sur la refonte des modalités de la cotisation minimum de cotisation foncière des entreprises (CFE). La révision des valeurs locatives servant au calcul des impôts locaux devrait aussi être abordée.
Pomme de discorde entre les élus locaux, la péréquation financière sera elle aussi au programme de la concertation. Les travaux pourront s’appuyer sur un bilan auquel les Inspections générales des finances et de l’administration vont bientôt s’atteler. "L’avenir de la contractualisation entre l’Etat et les régions" sera le dernier thème de discussion entre le gouvernement et les élus locaux.
Un tel programme annonce des bouleversements dans les finances locales, au moment où le Parlement se prépare à examiner le projet de loi de décentralisation, qui organise différemment les pouvoirs locaux.