Simplification du droit - Les élus invités à participer à la "chasse aux normes absurdes"
La mission qui leur a été confiée en décembre dernier par Jean-Marc Ayrault fait partie de l'attirail que le gouvernement a promis aux élus locaux en matière de lutte contre l'inflation normative : Alain Lambert et Jean-Claude Boulard sont chargés de s'attaquer au stock des normes qui s'appliquent aux collectivités. Ceci, en proposant des outils qui permettront d'évaluer ces normes, en recensant les normes "inutiles ou inadaptées" et en listant, parmi celles-ci, celles qui pourraient être rapidement abrogées, tel que l'a résumé le 17 janvier Marylise Lebranchu en présentant cette mission à la presse. La ministre a tenu à rappeler que parallèlement à cette mission, qui devra rendre le résultat de ses travaux à la mi-mars, d'autres dispositions étaient en vue. A commencer par la proposition de loi portée par Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault, qui doit être prochainement débattue au Sénat à partir de la fin du mois de janvier et entend pour sa part s'attaquer au "flux" des normes. Une proposition de loi "que le gouvernement a l'intention de suivre", a fait savoir Marylise Lebranchu, soulignant en outre que le Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) du 18 décembre dernier, a décidé qu'un "programme pluriannuel de simplification" sera arrêté pour "alléger le stock de normes existantes, en commençant par les blocs les plus complexes, notamment le droit de l'environnement et les règles d'urbanisme", tel que l'avait alors indiqué Jean-Marc Ayrault. Enfin, on sait que le futur projet de loi de décentralisation "reviendra sur le rôle de la Commission consultative d'évaluation des normes" (CCEN), qui devrait devenir une formation spécialisée du Haut Conseil des territoires et voir son champ de compétence - et la portée de ses avis – renforcés.
Le nombre de normes existantes régissant l'action des collectivités "donne le vertige", a reconnu Marylise Lebranchu. Alain Lambert, qui préside la CCEN depuis sa création en 2008 recense "400.000 textes", de la loi à la circulaire en passant par le décret et l'arrêté… Pour le président du conseil général de l'Orne et ancien ministre des Finances, l'une des pistes à étudier serait précisément le "déclassement" d'un certain nombre de textes (ramener dans le domaine réglementaire une disposition qui aurait abusivement été prise par le législateur). "Il y a des normes qui sont dans la loi alors qu'elles ont le niveau d'une circulaire !", constate le président de la CCEN, qui voit à ce titre passer énormément de décrets issus des lois Grenelle ou relevant du champ social.
Pour Jean-Claude Boulard, maire du Mans, le mot clef de la mission est bien l'"abrogation". Il aimerait ainsi pouvoir établir "la liste des 50 normes les plus absurdes" pouvant être rapidement abrogées. Histoire de faire naître une "culture de l'abrogation" en lieu et place de l'"accumulation". D'autant plus, a-t-il lancé au passage, qu'"on a tendance à accumuler des normes sur les lézards et les papillons alors qu'on a été plus faibles sur les banquiers !". Parce que "la période de chasse" – de cette première "chasse aux normes absurdes" – va être courte, jusqu'en mars, l'élu compte sur un certain nombre de "rabbateurs" : les associations d'élus, les parlementaires, les grandes associations sportives… Jean-Claude Boulard et Alain Lambert leur ont écrit, les invitant à "faire remonter" des normes jugées plus handicapantes qu'utiles. Un site internet a même été créé à cet effet : missionnormes.fr. Mais attention, prévient Jean-Claude Boulard, "derrière chaque norme, il y a un défenseur, qu'il ne faut pas sous-estimer !". Reconnaissant vouloir "mettre les rieurs de son côté", l'élu a cité en contrexemple une norme qui n'a selon lui aucun défenseur : un arrêté du 30 septembre qui accompagnait un décret du même jour "relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire" et prenait entre autres soin de préciser le grammage requis pour les "merguez, chipolatas, saucisses de Francfort, de Strasbourg, de Toulouse, de volaille et autres saucisses variées". Un exemple assez facile. Surtout si l'on songe aux réactions qu'avait suscité la proposition de loi Doligé en matière, notamment, de handicap… et, plus globalement, de proportionnalité ou adaptabilité de la norme – "une question difficile", reconnaît Alain Lambert. Au-delà du premier tableau de chasse, l'exercice risque donc d'être plus compliqué qu'il n'y paraît.