Action sociale - Insertion, dépendance... l'année de tous les grands chantiers sociaux
Après le pouvoir d'achat en 2007, les dossiers sociaux pourraient bien occuper les premiers rangs l'an prochain. Plusieurs chantiers devraient en effet se concrétiser en 2008. Le plus récent devrait aussi être le premier à se concrétiser. Dès le 15 janvier, le Premier ministre fera connaître ses propositions en matière d'hébergement des personnes sans abri et présentera le contrat qui sera passé avec les associations spécialisées. Celui-ci devrait largement s'inspirer des propositions de la conférence de consensus organisée les 29 et 30 novembre par la Fnars (Fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale). Il pourrait également être l'occasion de clarifier les modalités de mise en oeuvre - aujourd'hui très floues - de l'obligation que la loi Dalo fait à certaines collectivités (les communes et les EPCI les plus importants) de mettre à disposition des places d'hébergement d'urgence.
Le RSA sur les rails
Autre chantier bien avancé : la mise en place du revenu de solidarité active (RSA). Avec une quarantaine de départements engagés dans l'expérimentation du RSA ou sur le point de s'y engager - au lieu de la quinzaine envisagée au départ - le projet phare de Martin Hirsch rencontre un accueil très favorable. S'il est prématuré de préjuger de la forme définitive que prendra le RSA au terme de la procédure d'évaluation, sa généralisation à la fin de 2008 semble quasiment acquise. Martin Hirsch l'a d'ailleurs déclaré ce 21 décembre : "Fin janvier début février, nous disposerons d'un canevas avec différentes hypothèses et nous devrons travailler jusqu'à fin 2008 pour être capable d'enclencher l'étape suivante", à savoir la généralisation.
Après la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), la décentralisation du RMI et la création de la prestation de compensation du handicap (PCH), le RSA devrait constituer le quatrième "big bang" social pour les départements depuis 2002. En juillet dernier, le haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté estimait en effet à 3 ou 4 milliards d'euros le surcoût de cette nouvelle prestation. L'onde de choc pourrait aussi s'étendre aux communes, dans la mesure où la généralisation du RSA devrait s'accompagner d'une remise à plat de leurs prestations sociales facultatives.
Si le lancement du RSA a été voulu et programmé dès l'élection de Nicolas Sarkozy et la mise en place du nouveau gouvernement, il n'en va pas de même pour le Grenelle de l'insertion. L'idée à été lancée à l'improviste par le chef de l'Etat, en réponse à l'interpellation d'un salarié d'une structure d'insertion lors d'un déplacement à Dijon en octobre dernier. Après quelques tâtonnements, elle commence à prendre corps. Après deux réunions plénières à Grenoble et Montauban, les trois groupes de travail thématiques (redéfinition des politiques publiques d'insertion, mobilisation des employeurs privés et levée des obstacles aux parcours d'insertion) ont tenu leur première session du 19 au 21 décembre. Ces groupes de travail - auxquels participent aussi bien les acteurs spécialisés que le Medef ou la CGT - vont se réunir durant cinq mois et devraient remettre leurs conclusions à la fin du printemps 2008. Celles-ci pourraient notamment déboucher sur la suppression de la plupart des contrats aidés au profit d'un contrat unique d'insertion.
Les inconnues de la cinquième branche
En juillet 2007, à l'occasion d'un déplacement à Dax, Nicolas Sarkozy indiquait avoir demandé au gouvernement qu'une "cinquième branche soit créée au tout début de l'année 2008". Il est clair que cet objectif ne sera pas atteint. La date de la mise en place effective de la cinquième branche est aujourd'hui assez floue, même si la secrétaire chargée de la Solidarité a annoncé, dans une interview au Monde du 15 décembre, un projet de loi "à la fin du premier semestre", après une concertation qui s'engagerait dès le début de 2008. Pour sa part, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) s'est clairement prononcée en faveur de la création, en janvier 2010, d'une prestation dépendance unique fusionnant APA et PCH. Elle s'est aussi portée candidate pour devenir le gestionnaire de la cinquième branche. Mais il faudra auparavant trancher un certain nombre de points délicats, comme la place des organismes de sécurité sociale (dont une partie des prestations sera intégrée à la cinquième branche) ou celle des départements. Ce sera en effet la première fois que des collectivités territoriales se trouveront intégrées à la gestion d'une branche nationale de la protection sociale. Le point le plus sensible reste toutefois la part respective, dans la prise en charge de la dépendance, de la solidarité nationale et de l'assurance. Le chef de l'Etat et le ministre du Budget ont commencé à préparer les esprits en plaidant pour un "juste partage" entre financement public et financement privé.
Autre réforme dont le calendrier s'est quelque peu brouillé depuis son annonce : la fusion des minima sociaux. D'abord présentée comme quasiment actée, cette fusion - qui pourrait concerner le RMI, l'API (allocation de parent isolé) et l'ASS (allocation de solidarité spécifique) - semble aujourd'hui plus incertaine. Prudent, le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) du 12 décembre, présidé par Nicolas Sarkozy, a évité de parler de fusion et s'est contenté d'évoquer la nécessité de "simplifier" les minima sociaux et de les "inscrire davantage dans un objectif de retour à l'emploi ou à une activité". Le sujet pourrait toutefois revenir au premier plan à la suite du Grenelle de l'insertion. Avec, en arrière plan, l'éventualité d'un transfert de l'API aux départements...
Décentralisation, acte III ?
RSA, insertion, minima sociaux et cinquième branche sont loin d'épuiser les chantiers sociaux de 2008. Parmi les autres dossiers importants, on peut citer notamment la mise en oeuvre du plan Alzheimer. La commission Ménard a remis ses propositions le 8 novembre. Le plan Alzheimer 2008-2012, qui en reprendra la quasi totalité, devrait être annoncé dans les tous premiers jours de 2008, avec en particulier la mise en place d'une "porte d'entrée unique" pour les malades et les familles, qui devrait être le département.
La mise en place de la réforme de la protection juridique des majeurs (tutelle et curatelle) - qui entrera en vigueur le 1er janvier 2009 - devrait également constituer un lourd chantier pour les départements. La loi du 5 mars 2007 crée en effet une "mesure d'accompagnement social personnalisé", confiée aux conseils généraux. La plupart des départements s'interrogent aujourd'hui sur les modalités pratiques de mise en oeuvre de ce dispositif, qui les entraîne sur un terrain pour partie nouveau.
En matière de santé et d'offres de soins, deux grands chantiers sont prévus en 2008 : la réforme hospitalière et l'amélioration de l'accès aux soins sur les territoires, qui se traduira notamment par la mise en place des agences régionales de santé (à la place des agences régionales de l'hospitalisation, aux compétences plus restreintes). Outre le rapport que le sénateur Larcher doit remettre très prochainement au chef de l'Etat sur la réforme de l'hôpital, des "Etats généraux de la santé", organisés à Paris le 4 février 2008, permettront de préciser les grandes lignes de ces réformes. Elles devraient se concrétiser dans le dépôt, "pour l'été prochain", d'un projet de loi sur l'organisation du système de santé, qualifié par le Premier ministre de "texte fondateur pour la modernisation de notre système de santé", qui devra "garantir l'égalité devant la santé pour tous, tous les jours, partout en France".
Après l'abandon de la promesse présidentielle de revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) - qui provoque de vives réactions des associations - le sort de cette prestation pourrait revenir sur la table à un double titre. D'une part, le gouvernement entend ouvrir le chantier de l'insertion professionnelle des personnes handicapées, en appliquant le principe du "travailler plus pour gagner plus" à la question des ressources des personnes handicapées. D'autre part, l'hypothèse d'un transfert de l'AAH aux départements - au nom de la création d'un bloc de compétences autour du handicap - est aujourd'hui ouvertement évoquée, même s'il est peu probable qu'elle se concrétise dès 2008.
Cette hypothèse est en tout cas rendue plausible par le grand retour de la question d'un meilleur partage des compétences entre les collectivités territoriales elles-mêmes. Celle-ci a en effet été relancée par le rapport du sénateur Lambert sur "Les relations entre l'Etat et les collectivités locales" et par le CMPP du 12 décembre. La question d'une remise en cause de la clause générale de compétence des départements (et des régions) et d'une évolution vers des compétences spéciales - dont le social constituerait le coeur pour les départements - est désormais clairement posée. Elle n'a pas manqué de susciter des réactions - mesurées - de l'ADF et - plus vives - de l'Union nationale des CCAS (Unccas). Quelle que soit la réponse à cette question, il est au moins un pari qui peut être pris sans le moindre risque : au 31 décembre 2008, le poids du social et du médico-social dans les missions, les actions et les budgets des départements se sera à nouveau fortement accru...
Jean-Noël Escudié / PCA