Archives

Dépendance - Journée de solidarité : bien, mais peut mieux faire

Le rapport Besson sur la journée de solidarité dresse un bilan positif de l'affectation des recettes mais constate que sa mise en œuvre ne correspond pas l'esprit d'origine de la mesure. Y compris dans les collectivités, dont nombre de services sont fermés à la Pentecôte.

Eric Besson, le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques, a remis à François Fillon son rapport sur la journée de solidarité. Etabli après trois années de mise en oeuvre de cette mesure, le document en dresse un bilan plutôt positif, tout en reconnaissant que plusieurs points restent perfectibles. La réussite de ce dispositif se mesure d'abord en termes de financement : la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) - versée par les entreprises et financée par la journée de travail supplémentaire - a rapporté en effet cette année 2,1 milliards d'euros. La CSA représente ainsi 14% des 14,5 milliards d'euros de budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Le rapport constate que ces recettes ont bien été affectées intégralement au financement d'actions en faveur des personnes âgées (1,3 milliard d'euros, soit 60% de la CSA) ou handicapées (800 millions d'euros, soit 40%). De plus, "il n'y a pas eu d'effet de substitution : les recettes nouvelles ont bien constitué une augmentation équivalente de l'ensemble des concours en faveur des personnes âgées ou handicapées".
Les modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité sont en revanche plus disparates. Le rapport indique ainsi que 86% des salariés accomplissent la journée de solidarité, autrement dit que 14% d'entre eux ne sont pas concernés. Pour ceux qui la pratiquent, la journée de solidarité peut prendre des formes très diverses : journée supplémentaire de travail, fractionnement sur un nombre plus ou moins élevé de journées, annulation de RTT ou d'un jour de congé... Conséquence, qui ne correspond pas à l'esprit d'origine de la mesure : 52% des salariés ne travaillent pas le lundi de Pentecôte. Celui-ci reste un jour férié ordinaire et "n'est retenu comme journée de solidarité qu'à défaut d'accord collectif sur la mise en oeuvre de celle-ci". Du côté des services publics, la souplesse introduite après la Pentecôte 2005 (possibilité d'annuler un jour de RTT) s'est traduite dans les faits par une fermeture quasi généralisée des services aux usagers.

 

Trois scénarios possibles

Même si "quel que soit le secteur, la journée de solidarité ne constitue plus un motif majeur de conflit", le rapport souligne cependant la persistance de deux points noirs : l'absence de solution d'accueil en crèches et à l'école pour les 4,5 millions d'enfants dont les parents travaillent le lundi de Pentecôte et le préjudice subi par les transporteurs routiers qui se voient interdire de faire circuler ce jour-là leur flotte de plus de 7,5 tonnes.
Eric Besson propose trois scénarios de pérennisation de la CSA, en les classant en fonction de critères de souplesse, de lisibilité, de stabilité et d'"acceptabilité" par l'opinion publique. Le scénario classé en tête consisterait à "donner une liberté totale dans l'accomplissement de la journée de solidarité et réaffirmer le caractère férié du lundi de Pentecôte". On peut toutefois relever que ce scénario, qui impliquerait une modification législative, ne résout aucun des deux points noirs évoqués par le rapport lui-même. Le second scénario consisterait à "stabiliser les règles de la journée de solidarité et améliorer sa mise en oeuvre". Le rapport fait plusieurs propositions à ce titre : assouplir l'interdiction de circulation des poids lourds (sauf sur les grands axes), améliorer la visibilité de la journée de solidarité, renforcer le dialogue social, mettre en place un outil statistique de suivi... Selon le rapport, ce scénario "pourrait aussi évoluer vers une mobilisation du secteur public, pour répondre à la demande de garde d'enfants". Ce retour sur les concessions accordées en 2005 ne manquerait pas de susciter de vives réactions chez les intéressés. Enfin le scénario le moins bien classé consisterait à "choisir un jour de solidarité unique". Ce retour aux sources semble toutefois peu probable, dans la mesure où il "risque de faire renaître la situation conflictuelle de 2005, dont on a souligné qu'elle s'était estompée".

 

Jean-Noël Escudié / PCA

La loi parfois oubliée dans les collectivités

Le rapport d'Eric Besson consacre une fiche à la mise en oeuvre de la journée de solidarité dans les collectivités territoriales. Il en ressort que la majorité des communes, quelle que soit leur taille, ferme la totalité des services le lundi de Pentecôte. La journée de solidarité prend alors la forme du décompte d'un jour de congé ou de RTT, quelques communes choisissant de fractionner les sept heures de travail à effectuer. Celles qui maintiennent des services ouverts sont confrontées à plusieurs difficultés : faible fréquentation (la population pense que les services sont fermés), conditions de travail difficiles pour les agents en raison de la fermeture des autres administrations, perturbation dans les services techniques du fait de l'interdiction de circulation des poids lourds... Dans les départements et les régions, les modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité sont très variables et pas toujours conformes à la loi : ouverture le lundi de Pentecôte mais avec possibilité de prendre un jour de congé ou de RTT, suppression d'un jour exceptionnel autrefois octroyé par le président, journée accordée purement et simplement sans contrepartie (cas de l'Ile-de-France notamment, où la journée est octroyée aux agents administratifs, alors que les TOS des lycées doivent travailler sept heures de plus).