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Congrès AMF - "Il faut un outil de péréquation tarifaire pour l'aménagement numérique", selon Jean Dionis

A l'occasion du Congrès des maires, le 16 novembre, Jean Dionis, député-maire d'Agen et président de la Commission TIC de l'AMF, fait le point sur l'aménagement numérique des territoires ruraux, le taux de couverture en TNT mais aussi l'inquiétude au sujet des antennes de téléphonie mobile; toutes questions qui devraient animer les prochains débats.

Localtis : L'aménagement numérique est une voie possible pour maintenir l'équilibre entre territoires urbains et ruraux. Comment jugez-vous les efforts de l'Etat et de l'Europe pour réduire la fracture numérique ?

Jean Dionis : D'abord, il faut bien rappeler que l'aménagement numérique des territoires est une problématique ancienne. C'est surtout une problématique permanente. Hier, elle concernait l'accès à la téléphonie fixe, ensuite la couverture en mobile de deuxième génération (GSM) puis de troisième génération (3G), le déploiement de l'ADSL et actuellement celui de la fibre optique. Nous ne voyons pas encore ce qu'il y aura après, mais soyons sûr qu'il y aura autre chose… Quel est l'enjeu dans ce contexte des progrès technologiques ? Il faut veiller à ce que la diffusion soit la plus rapide possible sur tout le territoire. Il en va de la compétitivité des PME et de la qualité de vie de tous les citoyens. Il y a eu des efforts dans ce sens : le plan d'aide pour les zones blanches de téléphonie mobile, dès 2003, avec l'implication de l'Etat, de l'Europe et des collectivités locales, par exemple. Ou encore, des avancées législatives comme l'adoption de l'article permettant aux collectivités de devenir opérateur d'opérateurs (art. L.1425-1 du CGCT). Encore une fois, la question est récurrente parce que ces initiatives financières ou législatives n'ont pas résolu tous les problèmes structurels spécifiques à la France. Ce sont toujours les collectivités qui sont les moins denses, donc les moins riches, qui ont à intervenir pour remédier aux écarts de couverture. Il faut donc un outil de péréquation tarifaire. Que l'Etat et l'Europe apportent des aides financières, c'est bien. Mais ce qui est fondamental c'est de prélever de l'argent sur les zones riches et bien pourvues pour l'apporter aux autres. Je suis donc évidemment favorable à la proposition de loi du sénateur Pintat. Reste la question du financement du fonds numérique pour les territoires. La réponse par le recours unique à l'Etat me semble datée. Pour la fibre optique, nous voyons ce que nous pouvons attendre de l'Etat : au maximum 1 milliard d'euros sur les 30 ou 40 nécessaires. Il manque donc aujourd'hui une ressource financière pérenne. Il faudra bien se résoudre à taxer les usagers de l'internet et les fournisseurs d'accès (FAI). C'est la solution qui a été retenue en Grande-Bretagne. Et je vois bien les obstacles politiques qui y sont liés.

 

Dès 2010, l'Alsace sera la première région à basculer à la télévision numérique terrestre (TNT). Le passage à la TNT est-elle potentiellement un sujet explosif pour les élus locaux ?

C'est un dossier qui a été mal ficelé dès l'adoption de la loi sur la télévision de futur, en 2007. Il a été encore aggravé par les négociations qui ont suivi entre les chaînes de TV et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Résultat : ce sont plus de 21 départements qui se retrouveraient à l'arrivée avec un taux de couverture inférieur à 91%. C'est le cas notamment de mon département du Lot-et-Garonne dont le taux atteint seulement 79%. Il est inadmissible que ce qui est présenté comme une avancée (le passage de 6 à 18 chaînes gratuites pour tous), se traduisent dans les faits par une régression : le risque de l'écran noir dans un foyer sur cinq ! Il revient aux mérites des députés et de la commission économique de l'Assemblée - que j'ai un peu portée sur ce sujet - de s'être saisie de ce vrai problème. Le Premier ministre, François Fillon, a déjà annoncé des mesures. Le fonds d'équipement satellitaire pour les ménages est porté de 44 à 100 millions d'euros. Il est désormais ouvert à tous sans condition de ressources. Deuxièmement, il devrait y avoir des possibilités techniques pour augmenter la puissance des émetteurs. Troisièmement, les collectivités locales seront autorisées à réactiver des émetteurs qui auront été éteints. L'Etat les y aidera financièrement. Quatrièmement, les chaînes elles-mêmes seront appelées à contribuer. La prise de conscience des différents acteurs est réelle. Des efforts ont déjà été consentis. Ils méritent encore d'être quantifiés et précisés. Nous comprenons bien que les chaînes de TV sont dans une situation économique très dure avec notamment l'effondrement de leurs ressources publicitaires. L'objectif a donc clairement été pour elles de réduire leur coût de diffusion ce qui les a conduit à fermer des relais quitte à perdre en couverture. Dans ces négociations très parisiennes entre le CSA et les chaînes, les territoires ont clairement été oubliés. La France est grande de ces 400 territoires. Il faut donc remettre une gouvernance territoriale dans cette affaire pour piloter plus finement en fonction de la réalité du terrain, de la topographie, des populations qui y vivent…En tant que député, je suis porteur d'amendements pour piloter la transition à la TNT plus précisément, département par département.

 

Malgré le Grenelle des antennes, les récents rapports de l'Afsset ou de l'Opecst, l'inquiétude persiste chez les Français à propos du déploiement des relais de téléphonie mobile, de Wifi ou de WiMAX. Comment le maire peut-il concilier exigence de couverture territoriale et souci de transparence ?

Cette question est un vrai problème d'opinion publique avant d'être un problème scientifique. C'est vrai qu'il y a des inquiétudes sur la multiplication des antennes. Mais honnêtement, il y a une masse d'études qui concluent de façon convergente que les antennes ne sont pas nocives. C'est plutôt un problème du terminal téléphonique lui-même. C'est pour cela que le Gouvernement est bien inspiré d'appeler à une réduction de son usage, notamment par les enfants. Il reste à prendre en compte l'inquiétude. Il faut donc une démarche pédagogique à la fois en terme de santé publique et en terme d'expérimentations d'abaissement de la puissance des relais dans certaines villes. J'étais jusqu'à présent assez réticent sur ces expériences car je ne voyais pas comment conclure de manière incontestable. Il s'agit, premièrement, de tester jusqu'à quel point il est possible de baisser les seuils des émissions sans dégrader le service. Et deuxièmement - c'est sur ce point que je me montre le plus sceptique - de voir s'il est constaté un effet sur la santé après cette baisse. Il y a un vrai problème d'étude épidémiologique sur ce point. L'élu local doit donc servir de pédagogue dans cette double démarche car il est perçu à la fois comme proche des gens et indépendant des opérateurs de télécommunication. En revanche, il ne faut pas le mettre en position de décideur. C'est un problème de santé publique et d'intérêt général qui renvoie à la responsabilité de l'Etat.

 


Propos recueillis par Luc Derriano / EVS
 

 

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