Développement durable - Grenelle de l'environnement : les EPCI en quête de financements
Comment les collectivités vont-elles pouvoir financer les différents chantiers du Grenelle de l'environnement, qui vont se chiffrer en centaines de milliards d'euros dans les toutes prochaines années, alors que leurs ressources stagnent ? Cette équation a été au cœur de la journée financière organisée par l'Assemblée des communautés de France (ADCF) avec le groupe Caisse d'Epargne le 30 janvier à Paris.
D'ores et déjà, le secteur public local assure le quart des dépenses de protection de l'environnement en France (9 milliards d'euros), qui augmentent chaque année de 12%. Les deux tiers de ces dépenses relèvent des communes et surtout des groupements, à hauteur de 72%, a rappelé Charles-Eric Lemaignen, vice-président de l'ADCF chargé des questions financières, président de la communauté d'agglomération Orléans-Val-de-Loire. Les objectifs ambitieux fixés par le Grenelle, qu'il s'agisse de la mise aux normes thermiques des bâtiments existants (50 KwH/m2) ou du développement des transports en commun en site propre (1.500 kilomètres supplémentaires à réaliser hors Ile-de-France) nécessitent des moyens considérables, souvent difficiles à chiffrer précisément.
Or, aujourd'hui, les collectivités sont déjà obligées de faire appel au budget général faute de recettes suffisantes : le versement transport, par exemple, a déjà atteint son plafond dans 16 agglomérations et l'Etat se désengage de plus en plus. En matière de déchets, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom) ne suffit pas non plus à couvrir l'ensemble des dépenses de collecte et de traitement. "Pour exercer nos compétences nouvelles, il faut explorer plusieurs pistes : responsabiliser les usagers, mais surtout développer des financements dédiés", a insisté Charles-Eric Lemaignen.
Dans le domaine des déchets, les associations d'élus, qui étaient opposées à l'instauration de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les incinérateurs ont finalement obtenu en contrepartie qu'elle serve à financer les plans de prévention de déchets, qui vont être systématisés, a rappelé Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF. En échange de leur engagement à développer une fiscalité incitative, avec l'instauration d'une part variable dans la Teom, elles ont aussi obtenu l'extension de la responsabilité élargie des producteurs (objectif de 80% sur les emballages, création d'une filière de déchets de soins).
Développer l'ingénierie financière
Mais dans le domaine de l'eau ou des transports, aucune vision claire des financements ne se fait jour. Quant à la rénovation thermique des bâtiments publics et privés et des logements, qui va se traduire par des centaines de milliards d'euros à la charge des maîtres d'ouvrage et des propriétaires, il faut trouver les moyens de "gager l'effort de financement d'aujourd'hui sur les économies d'énergie de demain", a résumé Nicolas Portier.
"Nous avons à la fois besoin de développer une approche d'ingénierie financière sur ces questions et de rationaliser nos politiques et nos moyens", a résumé Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, association qui fédère collectivités et professionnels sur les problématiques des déchets et de l'énergie. "Pourquoi ne pas imposer la réalisation de réseaux de chaleur dans les opérations financées par l'Anru et exiger tout de suite que les bâtiments répondent aux nouvelles normes de consommation énergétiques ?", a-t-il suggéré. Autre exemple : le Fonds de solidarité logement (FSL), doté aujourd'hui de 100 millions d'euros. Alimenté à 80% par les collectivités et à 20% par les opérateurs énergétiques, il n'est utilisé qu'à hauteur de 5% pour financer des diagnostics énergétiques, 95% de son montant servant à rembourser EDF. "Il faudrait revoir l'orientation de ce fonds car le diagnostic énergétique est un formidable outil pour mener la chasse au gaspi", a insisté Nicolas Garnier. Autre piste : mieux utiliser des instruments comme les certificats d'économie d'énergie, que les collectivités pourraient mutualiser sur leur territoire.
Pour Thierry Repentin, sénateur de Savoie, les meilleures ressources à attendre dans l'immédiat sont de supprimer d'éventuelles nouvelles dépenses. "Les Scot et les PLU peuvent d'ores et déjà être revus à l'aune des objectifs de réduction de déplacements automobiles", estime-t-il. Sur le plan fiscal, il existe déjà des outils comme la taxe de cession sur les terrains constructibles mais seules 2.700 communes l'appliquent. Selon Thierry Repentin, "il faudrait aussi faire évoluer la valeur cadastrale des terrains qui se valorisent du fait des infrastructures nouvelles décidées par la collectivité". Quant au financement des transports, outre les 900 millions de recettes annuelles attendues de l'instauration prochaine de l'éco-taxe sur les poids lourds empruntant les autoroutes nationales et les axes départementaux parallèles, le sénateur de Savoie estime que d'autres pistes de financement sont à creuser. "Il est possible de développer un système incitatif pour accroître les recettes commerciales des réseaux de transport, par exemple en faisant prendre en charge 50% de l'abonnement annuel par les employeurs, comme cela se fait en Ile-de-France." Autres propositions : l'instauration de redevances domaniales pour l'affichage publicitaire, qui seraient affectées au développement des transports collectifs en site propre (TCSP), ou encore la création d'une taxe sur les assurances auto de 30 euros par véhicule. Un rapport sur ce sujet sera remis dans les prochains jours au secrétaire d'Etat aux Transports.
Anne Lenormand