Congrès national d'Amorce - "Il est temps d'y voir plus clair sur les coûts de gestion des déchets"
Localtis : Programmer votre congrès en plein Grenelle de l'environnement signifie-t-il que la problématique des déchets n'y a pas été suffisamment prise en compte ?
Nicolas Garnier : Initialement oubliée, elle a été portée par deux intergroupes auxquels Amorce a participé. On s'y est senti quelque peu esseulé parmi les ONG qui nous entouraient. On partage avec elles la volonté de responsabiliser le citoyen, pas le rejet systématique de l'incinération. Faire de la valorisation énergétique un bouc émissaire est une erreur car cette solution de traitement a fait ses preuves sur un plan environnemental. Penser qu'un incinérateur peut être remplacé par une unité de méthanisation est naïf. Au fond, les opposants à l'incinération iraient enfouir les déchets qu'on ne brûle pas. Alors qu'aux côtés du recyclage et de la valorisation organique, elle peut constituer le pilier d'une véritable politique énergétique consistant à tirer toujours plus de ressources et d'énergie des déchets résiduels. Ainsi l'étude qu'Amorce finalise sur le sujet démontre que les pays de l'UE les plus avancés en matière de recyclage sont aussi ceux où la valorisation énergétique est forte.
Le développement de nouvelles filières est aussi au coeur du congrès...
Ne pas se cantonner à la collecte et au traitement des seuls emballages est primordial pour aller jusqu'au bout de notre raisonnement visant à assumer tous nos déchets. Dans certains départements, les tonnages d'encombrants collectés dépassent ceux des déchets ménagers. Une filière manque pour ce gisement. On propose donc un système de point vert apposé sur chaque meuble vendu en vue de la financer. Les déchets organiques forment un gisement conséquent. Le compost qu'en tirent les collectivités n'est pas accepté par le secteur agro-alimentaire. Il faut le replacer au coeur du débat et convaincre ce secteur d'assumer le compost issu de produits qu'il vend, à condition bien sûr que celui-ci soit de qualité.
Où en est la filière de gestion des déchets d'activité de soins à risques infectieux ?
Le dernier décret paru frôle la malhonnêteté et se limite au financement des contenants de collecte. Les acteurs du milieu se reposent sur les collectivités mais ce n'est pas à elles d'assumer seules ces flux de déchets dangereux qui blessent ou infectent chaque mois des employés de centres de collecte ! Voilà un secteur où doit jouer la responsabilité élargie du producteur.
Combien coûterait cette filière ?
2 millions d'euros pour commencer : 800.000 pour les contenants, 1,2 million de coûts d'incinération. Sans compter le coût de collecte puisqu'on propose qu'une fois ces déchets rapportés par les patients en pharmacie, où il faudra aménager des lieux de stockage adaptés, ce soit Cyclamed [association recyclant les médicaments non-utilisés, en sursis d'activité dans l'attente d'une directive MNU, NDLR], qui les récupère et intègre le coût d'une telle collecte.
Le précédent congrès d'Amorce sur les intercommunalités a posé la question des modes de gestion (régie, délégation ou marché de service). La question du coût de gestion abordée par celui-ci suscite-t-elle un consensus ?
Pas encore. Il est temps qu'on y voit plus clair sur ces coûts. On travaille sur le sujet avec l'Ademe mais les résultats tardent à venir. La gestion mixte consistant à découper la prestation de collecte en plusieurs marchés fait-elle par exemple fléchir les coûts en favorisant la concurrence ? Rien n'est si sûr. Quant à la redevance incitative testée par une quinzaine de collectivités, Amorce ne penche pas pour sa systématisation. La baisse des tonnages collectés qui en résulte indique que les habitants trient mieux mais ne suffit pas à démontrer un réel changement de comportement.
Quel est le positionnement d'Amorce vis-à-vis de la taxe d'enlèvement sur les ordures ménagères (Teom) ?
Déjà obsolète malgré sa refonte il y a deux ans, on propose qu'elle soit à deux volets : d'un côté une partie fixe qui répond au besoin d'un service public de collecte mais doit être plus équitable car elle est actuellement basée sur l'état des logements il y a trente ans ; de l'autre une part variable devant rester raisonnable pour ne pas encourager des comportements inciviques.
Quelle marge de manoeuvre les collectivités ont-elles en matière d'énergie renouvelable (ENR) ?
On a défendu au Grenelle le fait que les maires puissent imposer dans un projet d'urbanisme l'implantation sur leurs territoires d'équipements ENR et le respect d'un label éco-énergétique. L'intercommunalité est le meilleur niveau pour gérer le problème climatique, développer des plans Energie ambitieux, pas des plans de bons sentiments qui ressemblent à une liste de courses - un bâtiment HQE par-ci, une chaufferie bois par-là - sans cohérence ni réelle évaluation du gain carbone. Pour ce faire, une partie de la recette fiscale énergétique de l'Etat doit revenir aux collectivités. En termes de précarité énergétique, les départements ont un rôle à jouer en s'impliquant plus sur le sujet à travers le fonds solidarité logement. Pour coordonner les actions, chaque région doit pouvoir se doter d'un observatoire de l'énergie. Quant à la chaleur renouvelable, elle nécessite un fonds national pour être développée. Son principe a déjà été discuté avec EDF et acté par le Sénat. Le Grenelle va reprendre l'idée à son compte, on surveille ce qu'il en adviendra...
Propos recueillis par Morgan Boëdec / Victoires éditions