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Grenelle de l'environnement - Les groupes de travail ont remis leur copie

Les groupes de travail chargés de préparer le Grenelle de l'environnement ont remis leurs propositions ce 27 septembre au ministre de l'Ecologie. Un grand nombre de ces mesures concernent directement les collectivités et vont maintenant faire l'objet de réunions en régions et d'un débat sur internet, en attendant la négociation finale fin octobre.

Après plus de 50 réunions, qui ont mobilisé depuis juillet près de 330 participants, les groupes de travail chargés des préparatifs du Grenelle de l'environnement ont rendu leurs propositions au ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, ce 27 septembre. "Ce sont des propositions, pas des décisions, il faut à présent que les Français s'en emparent", a lancé le ministre. Ces mesures vont maintenant faire l'objet d'un débat sur internet et d'un débat sans vote au Parlement les 3 et 4 octobre. Des réunions publiques vont également se tenir dans dix-sept villes entre le 5 et le 19 octobre, avant la table-ronde finale prévue fin octobre, qui doit déboucher sur 15 à 20 programmes d'actions, arbitrés par le président de la République.
Les propositions émises par les six groupes composés de représentants de l'Etat, des collectivités, des salariés, du patronat, des ONG et d'experts, sont le fruit de compromis souvent difficiles, obtenus parfois à la dernière minute. Sur des questions polémiques comme les déchets ou les OGM qui risquaient de monopoliser les débats, la mise en place d'intergroupes s'est avérée nécessaire.
Hormis la question de l'avenir du parc nucléaire, le groupe 1, consacré à la lutte contre le réchauffement climatique et à la maîtrise de la demande d'énergie, a obtenu l'accord de la majorité de ses membres sur un grand nombre de mesures.

 

Transports et bâtiment moins consommateurs d'énergie

Le bâtiment, premier consommateur d'énergie, doit opérer une "rupture technologique" dès 2008. Pour les bâtiments existants, le groupe propose d'engager dès maintenant un important chantier de rénovation énergétique pour réduire les consommations d'énergie d'environ 20% dans le tertiaire et de 12% dans le résidentiel en 5 ans et de plus d'un tiers à l'horizon 2020. Les ménages et les entreprises devraient bénéficier de prêts bonifiés et de fonds de garantie pour mener ces travaux. Pour les constructions neuves, le groupe préconise de rendre obligatoire en 2010 le bâtiment à très haute performance énergétique (20% de mieux que les normes thermiques actuelles), en 2015 le bâtiment à basse consommation et en 2020 le bâtiment "passif" (auto-suffisant en énergie). Il suggère d'étendre l'étiquetage énergétique à tous les appareils de grande consommation (téléviseurs, ordinateurs...), d'interdire les lampes à incandescence à l'horizon 2010 et d'imposer des régimes de " veille" peu consommateurs pour les appareils électriques.
Dans le domaine des transports, responsable d'un quart des émissions de gaz à effet de serre en France (GES), le groupe suggère de ramener ces émissions  à leur niveau de 1990 en 2020, soit une diminution de 20%. Pour cela, il propose de réaliser un schéma national des nouvelles infrastructures de transport (routes, voies ferrées, aéroports, transport combiné, etc.) pour évaluer globalement leur cohérence et leur impact sur l'environnement, avant toute nouvelle décision et, de la même façon,  d'établir et d'évaluer une programmation régionale des infrastructures de transport.

Autre préconisation : déclarer d'intérêt général pour la société, sur le plan législatif,  la promotion et l'utilisation des modes fluvial, ferroviaire et de cabotage maritime pour le transport de fret, avec, en application de ce principe, un plan national de développement du fret non routier  visant à le faire passer de 14% à 25% du fret total en 15 ans. Mais parmi les mesures destinées à l'accompagner, la taxe kilométrique pour les poids-lourds n'a pas fait l'objet d'un consensus.
Pour réduire leur consommation de carburant et leurs émissions de CO2, les automobilistes sont appelés à réduire de 10 km/h leur vitesse sur les routes et autoroutes et à adopter des modes de conduite plus écologiques. Pour encourager l'achat des voitures propres, une "éco-pastille" annuelle est préconisée sous la forme de bonus-malus. Les grosses berlines, monospaces et 4X4 qui émettent plus de 140 grammes de CO2/km seraient pénalisées, soit environ la moitié des ventes de véhicules neufs en France. A l'inverse, les propriétaires de voitures moins émettrices toucheraient un bonus.
Un accompagnement des ménages et des salariés contraints d'utiliser leur voiture pour aller travailler est également préconisé.
Le groupe propose aussi de rétablir le vrai coût du transport aérien, notamment par une taxe sur le kérosène des vols intérieurs concurrents du train.
Pour financer les infrastructures de transport alternatives à la route et à l'aérien, une part importante des ressources de la fiscalité environnementale pourrait être affectée à l'Afitf (Agence de financement des infrastructures de transport de France), ainsi qu'aux collectivités territoriales pour les transports collectifs.
En matière d'urbanisme et d'aménagement des territoires, il propose de rendre obligatoires les plans climat-énergie territoriaux dans les communautés d'agglomération et les communautés urbaines, d'élargir les compétences de ces collectivités, notamment pour les transports (stationnement, gestion de la voirie nécessaire aux transports collectifs, légalisation des péages urbains, vélo en libre service, autopartage). Il propose de doubler les kilomètres de tramways et de couloirs de bus, de développer les déplacements "doux" (vélo, marche) avec un "code de la rue".

Un plan volontariste d'éco-quartiers est avancé : au moins un éco-quartier avant 2012 dans toutes les communes qui ont des programmes de développement de l'habitat significatifs et une quinzaine de grands projets d'innovation énergétique, architecturale et sociale à l'image des expériences de Fribourg (Allemagne)ou BedZED (Royaume-Uni). De nouvelles dispositions permettant de lutter concrètement contre l'étalement urbain devraient aussi être prises.
Dans le domaine de l'énergie, une contribution climat énergie taxerait les produits dont le contenu en carbone ou en énergie est élevé comme les carburants, mais l'assiette de cette " taxe carbone " ne fait pas consensus. La part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie pourrait passer de 9% à 20% en 2020 et même 50 % dans les DOM qui pourraient constituer une "vitrine de l'excellence climatique".

 

OGM et pesticides en débat

Sur la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles, le groupe 2 préconise la réalisation d'une "trame verte", autrement dit un réseau écologique national qui relierait les parcs naturels et autres espaces protégés. Concernant l'eau, il propose de mettre aux normes toutes les stations d'épuration d'ici 2012 et de réduire de façon drastique toutes les pollutions diffuses (produits phytosanitaires, nitrates, métaux lourds...). Mais il faut pour cela que "soient trouvées des solutions alternatives pour permettre aux agriculteurs de faire leur métier", a tempéré Jean-François Le Grand, sénateur de la Manche et président du groupe. Pour faciliter la prise en compte de la biodiversité par les institutions, le groupe propose d'introduire un critère biodiversité et carbone dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement des collectivités territoriales.
S'agissant de la santé, le groupe 3 souhaite que soit intégré au prochain plan santé environnement (2008) des objectifs pour les substances nocives (benzène, mercure, trichloréthylène...). Il propose de renforcer la surveillance de l'air à l'intérieur des lieux de vie. A l'extérieur, il préconise de fixer un objectif de 10 microgrammes/m3  pour les particules fines. Autre mesure : résorber en 5 ans les "points noirs" du bruit liés aux infrastructures de transports terrestres et aériennes. Le groupe n'a pas trouvé d'accord sur la réduction d'utilisation des pesticides, soupçonnés d'avoir des effets cancérigènes et sur la reproduction.
Sur le plan agricole,  le groupe 4 propose de tripler d'ici à 2010 et de multiplier par 10 en 2020 les surfaces consacrées aux produits biologiques, qui ne représentent aujourd'hui que 2% du total. Il faudrait aussi atteindre 20% de produits "bio" dans la restauration collective en 2012. Sur les OGM, en revanche, le consensus est loin d'être atteint. Il n'y a pas eu d'accord au sein de l'intergroupe consacré à ce sujet sur un éventuel moratoire en attendant l'adoption d'une loi. Outre le renforcement de la recherche publique, les mesures préconisées consistent à créer une Haute autorité dotée d'une expertise scientifique interdisciplinaire et indépendante et d'adopter avant la fin du printemps 2008 une loi permettant le libre choix du consommateur et du producteur. "Nous suggérons une loi sur les biotechnologies plutôt que sur les seules OGM, permettant de définir la notion de responsabilité", a précisé Jean-François Le Grand, président de l'intergroupe.

Au chapitre de la démocratie écologique, le groupe 5 préconise de reconnaître les partenaires environnementaux au même titre que les partenaires sociaux et de réformer le Conseil économique et social pour intégrer un collège environnement. Il propose aussi de mettre en place une structure ad hoc représentant les différents niveaux de collectivités territoriales afin de les associer à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques de développement durable telles que la stratégie nationale de développement durable. Autre piste, suggérée par le groupe 6 : mieux former et motiver les acheteurs publics à l'achat éco-responsable et mieux former les agents publics à l'éco-utilisation.
Enfin, dans le domaine des déchets, la place de l'incinération fait toujours débat. Mais l'intergroupe est tombé d'accord sur d'autres mesures comme la réduction des quantités de déchets produites de 5 kg par habitant et par an sur 5 ans (sur un total de 500 kg/habitant/an aujourd'hui) et sur l'instauration d'une taxe plus équitable et incitative que l'actuelle taxe sur les ordures ménagères qui ne tient pas compte des volumes.

 

Anne Lenormand

 

L'AMF veut connaître les conséquences pour les collectivités


L'Association des maires de France (AMF) souhaite que les mesures retenues par le Grenelle de l'environnement fassent l'objet d'une étude sur leur impact financier pour les collectivités locales, ainsi que d'une consultation sur leur applicabilité.
Rappelant, dans un communiqué, son "partenariat actif" dans la démarche initiée par Jean-Louis Borloo, l'AMF indique qu'elle a néanmoins formulé "deux recommandations".
En premier lieu, "chacune des mesures retenues par les différents groupes de travail devra faire l'objet d'une étude d'impact financier pour les collectivités territoriales".
Elle demande en outre que ces collectivités, qui devront "mettre en oeuvre un nombre appréciable des mesures proposées", soient "spécifiquement consultées à la fin de la démarche du Grenelle, afin qu'elles puissent éclairer le gouvernement sur l'applicabilité des propositions sur le terrain, notamment si elles devaient se traduire par des transferts de compétences".
L'AMF, qui indique avoir déposé 35 contributions lors de la première phase du Grenelle de l'environnement, publiera, lors de son prochain congrès en novembre, une Charte des maires pour l'environnement, "expression de son engagement en faveur de l'environnement et du développement durable".