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Enseignement supérieur - Dévolution du patrimoine universitaire : les collectivités attendues en tant que partenaires privilégiés

Confier aux universités la gestion de leur patrimoine immobilier et foncier serait "absolument nécessaire", selon Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à l'enseignement supérieur et à la recherche. Cela leur permettrait de concevoir et de mener des politiques immobilières qui relèveraient les défis de la réhabilitation des bâtiments et de l'ouverture des campus sur la vie économique locale. Et cela leur permettrait d'être reconnues comme un acteur "qui compte" auprès des collectivités locales, ignorant semble-t-il que cela fait des années que ces dernières n'attendent que ça !

"A vendre : foncier idéalement situé au cœur d'un campus universitaire, pour logements étudiants, bureaux, équipements culturels ou sportifs, espaces verts... Projet à étudier avec la direction du patrimoine de l'université. Prix France Domaine". Si les universités se voient confier en pleine propriété leur patrimoine immobilier, ce type de petite annonce pourrait bien fleurir. C'est en tous les cas le souhait de Thierry Mandon. Le secrétaire d'Etat à l'enseignement supérieur et à la recherche - auparavant secrétaire d'Etat chargé de la réforme de l'Etat et de la simplification après avoir coprésidé avec un professionnel du bâtiment le "conseil de la simplification pour les entreprises" - n'a jamais caché son intérêt pour la dévolution du patrimoine universitaire (voir nos articles ci-contre).
La dévolution du patrimoine universitaire serait "absolument nécessaire", a-t-il répété, le 21 septembre, en clôturant le séminaire "Vie de campus et valorisation immobilière" devant une centaine de directeurs immobilier attachés à une université, directeurs du patrimoine, vice-présidents au patrimoine... Ils le savent : les deux tiers du parc immobilier des universités françaises nécessitent des travaux de réhabilitation (dont la moitié d'entre eux des travaux "lourds"). Travaux qu'il faudrait mener, à entendre Thierry Mandon, en tenant compte de l'exigence de transition énergétique et dans un contexte de révolution numérique (ce qui n'est pas sans incidence sur "l'ergonomie" des locaux), sachant que par ailleurs les effectifs étudiants augmentent d'année en année.

Faire un geste architectural

Le secrétaire d'Etat encourage également les universités à traduire dans leurs projets architecturaux le symbole de leur mission : être des "lieux d'instruction et d'élévation". "Cela ne coûte pas plus cher de prendre un bon architecte et en termes d'attractivité, de moral des étudiants et des professeurs, cela change tout", assure Thierry Mandon, se faisant le promoteur de la "haute qualité architecturale".
En plus d'être des "lieux d'instruction", les campus de demain doivent aussi être, selon lui, des "lieux qui font pont avec la vie économique". Et dans ce "rapport physique" avec l'économie locale, les bâtiments de bureaux et de services aux entreprises auraient tout à fait leur place. D'une manière générale, il faudrait "travailler davantage l'ancrage territorial" et "renforcer les interfaces avec les collectivités locales".
La dévolution du patrimoine immobilier et foncier aux universités permettrait selon lui d'y parvenir. Reste à "trouver un nouveau modèle économique durable" fondé sur l'idée que les cessions – notamment foncières – permettraient de dégager des recettes financières, elles-mêmes utiles au financement des indispensables réhabilitations et des projets d'aménagement dans les campus. Ce serait un changement de culture dans un monde où "valorisation immobilière", "politique immobilière" et même "aménagement d'espace" ne sont pas des concepts naturels. Là encore, Thierry Mandon invite les universités à se rapprocher de l'expertise et des compétences des collectivités en matière de maîtrise d'ouvrage notamment.

La dévolution du patrimoine, un pas vers l'autonomie, un pas vers les collectivités

Un des préalables à la réussite de ce modèle économique, c'est de pouvoir conserver 100 % des produits de cessions aux établissements dès lors qu'ils bénéficient de la dévolution de leur parc. Une condition qui, entre parenthèses, va à contresens des politiques actuelles de cession des terrains publics de l'Etat, à prix décôté, en vue de réaliser du logement social. Bref, Thierry Mandon ne se sent pas du tout concerné par la mission de la future Foncière sociale (voir notre article ci-contre du 16 septembre 2016). Sauf à construire du logement social pour étudiants... et encore.
Le rapport que lui a remis le 19 septembre les inspections IGF-IGAENR (Inspection générale des finances - Inspection générale de l'administration de l'Education nationale et de la Recherche) va dans le même sens. Les inspections étaient chargées d'identifier les conditions de dévolution en s'appuyant notamment sur le bilan de trois expérimentations (*) lancées en 2011 par Valérie Pécresse, alors ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et porteuse de la réforme de l'autonomie des universités dont la dévolution est un des aspects. 
Le bilan des trois expérimentations de dévolution est "globalement positif", jugent les inspections même s'il n'y a pas eu d' "amélioration significative de l'utilisation des locaux ou des produits de cession (sic)". Elles pointent avant tout "l'accélération de projets de réhabilitation, de mise en sécurité et d'accessibilité du bâti", mais aussi : l’ "influence positive sur les relations des universités avec les collectivités territoriales".

La pleine propriété des biens favoriserait le dialogue avec les collectivités

"La pleine propriété des biens favorise le dialogue entre les universités et le conseil régional, les communes et les EPCI dans une perspective d’aménagement du territoire", assurent les auteurs du rapport, semblant ignorer les appels répétés des associations d'élus à un partenariat avec le monde universitaire en dehors de toute question de propriété du patrimoine (voir nos nombreux articles ci-contre).
Les trois établissements sous expérimentation auraient "perçu un renforcement de leur importance en tant qu’acteur territorial, qu’il s’agisse de questions touchant au foncier bâti ou au foncier non bâti". L’université de Poitiers témoigne ainsi de nouveaux liens avec le Grand Poitiers sur les questions de constructions et rénovations, mais aussi de gestion des déchets, tri sélectif, mobilités douces, énergie et eau. La dévolution aurait par exemple facilité la mise en place d’un réseau de chaleur urbain par biomasse piloté et financé par l’université, et dont bénéficient aussi le Crous et les collectivités.

Le foncier non bâti, un sujet central

"La maîtrise du patrimoine immobilier doit être l’occasion pour les établissements de développer une approche partenariale dans leurs relations avec les collectivités territoriales", martèlent donc les auteurs tout au long de leur rapport. Il s'agit d'une part de "reconnaître l’importance des collectivités territoriales dans le financement et l’inscription urbaine des universités" car dans leurs esprits, "la dévolution confère aux universités un poids encore accru, qui en fait un acteur incontournable des stratégies d’attractivité territoriale". Ils ajoutent : "les stratégies de développement des universités doivent à l’inverse se faire en bonne entente avec les collectivités, le foncier non bâti constituant notamment un sujet central à la fois pour l’urbanisme et pour le modèle économique de la dévolution".
Ils encouragent vivement à la création d’une "instance de dialogue et de concertation dédiée entre les collectivités et l’université", sans préciser la forme qu'elle pourrait prendre.
Au vu des trois retours d'expérimentation, "le soutien potentiel des collectivités territoriales en cas de dévolution, que la mission a peiné à évaluer et qui reste incertain, apparaît relativement faible sauf dans un cas ou deux", reconnaissent les auteurs du rapport. Ce qui laisserait à penser que le chantier est loin d'être clos.

Valérie Liquet

(*) Poitiers, Toulouse 1 et Clermont-Ferrand 1.
 

 

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