Vie étudiante - Le plan national de vie étudiante concernera les collectivités
Dans son rapport public annuel 2015, la Cour des comptes recommandait une modernisation du réseau des Crous, en soufflant plusieurs idées, dont celle de confier les compétences des Crous aux futurs conseils régionaux. Une modernisation qu'elle avait jugée "indispensable", notamment pour prendre en compte d'autres acteurs "qui ont investi le champ de la vie étudiante, à commencer par les universités et les collectivités territoriales". "Les collectivités territoriales ont intégré la vie étudiante comme une composante de l'attractivité de leurs territoires et sont devenues des partenaires obligés", relevait la Cour.
Le rapport présentant les conclusions de la concertation menée au printemps dernier en vue d'élaborer un plan national de vie étudiante (PNVE) estime également qu'"une intervention concertée des acteurs publics concernés (l'Etat, les établissements d'enseignement supérieur, le réseau des oeuvres scolaires et universitaires, mais aussi et de plus en plus les collectivités territoriales) s'impose aujourd'hui".
Rechercher "une meilleure cohérence au niveau local des acteurs de la vie étudiante"
Il estime même que cette "intervention concertée" doit conduire à "une approche innovante du concept de vie étudiante, adaptée à la diversification croissante de la population étudiante française et à ses besoins", qui serait en rupture avec une politique qui se limiterait à "la somme des actions mises en œuvre dans les secteurs traditionnellement visés par les politiques publiques en la matière : les bourses, le logement, la restauration ou encore la santé". A ce titre, il appelle à rechercher "une meilleure cohérence au niveau local des acteurs de la vie étudiante", un des principes énoncé dans la loi pour l'enseignement supérieur du 22 juillet 2013, dite loi "Fioraso". Mais à aucun moment il n'envisage de confier les compétences du Crous aux conseils régionaux.
Le rapport a été remis le 6 juillet à Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon. Sur cette base, la ministre et son secrétaire d'Etat feront des annonces à la rentrée. Pour l'heure, la quinzaine de mesures concernant les collectivités (sur les 54 que compte le rapport de la concertation) ne touche absolument pas à la gouvernance, et aborde seulement à mot couvert la question du financement. Il n'en reste pas moins que les collectivités sont attendues comme partenaires incontournables.
Des déclinaisons territoriales au portail de vie étudiante
Au chapitre de la "simplification des démarches et du renforcement de l'accès au droit", la première mesure, consacrée au portail de vie étudiante (PVE), avait été validée trois jours auparavant, lors du comité interministériel pour la jeunesse du 3 juillet (voir notre article ci-contre du 6 juillet 2015). Porté par le réseau des Crous, le PVE migrera à l'adresse "étudiant.gouv.fr" en cours d'année 2015-2016.
Elle rappelle que ce site internet doit regrouper, dès la rentrée 2015, des informations administratives aujourd'hui dispersées auprès de plusieurs acteurs, dont les collectivités territoriales (les autres acteurs étant le Cnous et les Crous, les établissements, les CAF...) Les informations porteront sur les droits (bourses, aides au logement, offre de logement), les services de la vie quotidienne (points de restauration, transports, santé et protection sociale), les activités (initiatives culturelles et associatives, activités sportives, billetterie en ligne permettant l'accès à des tarifs avantageux), les aides à la mobilité (aides à la mobilité internationale, aides Erasmus+, aides des collectivités territoriales).
Des déclinaisons territoriales sont prévues pour permettre de "tenir compte des spécificités locales en matière d'offre de logement, d'offre d'emplois étudiants, d'actions d'information des lycéens sur la vie étudiante..."
Les étudiants pourront également, sur le PVE, réaliser en ligne des démarches administratives : demandes de bourses et de logement en cité-U et résidences universitaires Crous (aujourd'hui effectuées auprès des Crous) ; demandes d'aides personnalisées au logement (APL et ALS, aujourd'hui effectuées auprès des CAF) ; demandes de caution locative étudiante (Clé, aujourd'hui effectuées auprès des Crous) ; demandes de CMUC et d'ACS (aujourd'hui effectuées auprès de la Caisse nationale d'assurance maladie)...
Dans le même esprit, le rapport préconise, pour la rentrée 2016, de généraliser les guichets uniques d'accueil pour les étudiants étrangers.
Des cartes d'étudiants multiservices incluant la carte de transport public ?
Toujours au chapitre de la simplification, le rapport synthétisant les résultats de la concertation suggère de généraliser les cartes d'étudiants multiservices (CMS) à tous les étudiants à la rentrée 2016, et de l'ouvrir à d'autres services. La CMS fédère aujourd'hui, dans chaque territoire, une offre de services faite par les acteurs de la communauté éducation et recherche : paiement de la restauration universitaire, paiement des photocopies, paiement de la laverie, paiements des boissons des distributeurs automatiques ; la simplification du vote étudiant (carte électeur sans contact) ; le contrôle d'accès physique ; l'emprunt en bibliothèques... Le rapport relève que plusieurs villes ont promu la convergence de la CMS avec la carte de transport, l'accès aux bibliothèques ou encore avec un chèque "culturel" ou un chèque "social"... Le rapport suggère de prévoir un cahier des charges minimal des services pouvant être proposés, et une méthodologie permettant aux établissements, aux Crous et aux collectivités d'engager les démarches partenariales pour élaborer une offre de services "consolidée".
Une dizaine de mesures visent à améliorer les conditions de vie et d'études. Afin d'améliorer la situation des étudiants salariés, le rapport suggère de développer des partenariats, notamment avec les collectivités territoriales (mais aussi avec les branches professionnelles, les établissements hospitaliers) "pour que ceux-ci s'engagent à proposer des emplois compatibles avec la réussite des études" (mesure 12). Il rappelle qu'un tel partenariat a été conclu entre la Ville de Paris, les universités parisiennes et plusieurs entreprises.
Vers une réforme de la gestion des attributions de logement social étudiant ?
Le rapport recommande inévitablement de "développer une offre de logement étudiant de qualité". Et de citer : logement avec animation, logement confortable, logement proche des lieux de vie et/ou d'études, etc.
Il suggère de simplifier le dispositif Clé, garantie de l'Etat qui permet aux étudiants dépourvus de garants personnels de faciliter leur accès à un logement, rappelant que (seulement) 4.600 cautions ont été accordées durant l'année 2014-2015. Il s'agirait de simplifier la procédure d'attribution, réfléchir au principe d'un ticket modérateur et de faciliter les démarches pour les étudiants étrangers.
Pour améliorer l'information sur l'offre de logement étudiant, le rapport propose notamment de créer un identifiant partagé entre les gestionnaires (Crous et bailleurs sociaux) pour la demande de logement social étudiant et de développer la dématérialisation des dossiers de demande de logement étudiants. Il suggère également d' "intéresser" les étudiants à l'élaboration des programmes locaux de l'habitat (PLH) et des plans locaux d'urbanisme (PLU), pour mieux prendre en compte leurs besoins particuliers.
Concernant le" bien-être" en cité universitaire, le rapport suggère de développer l'animation des résidences universitaires, notamment les week-ends et pendant les vacances scolaires ; de mettre en place une politique de transport adapté aux lieux de vie des étudiants et à leurs "horaires de vie" ; de créer des magasins solidaires "pour donner/prêter le petit équipement (vaisselle notamment) que laissent certains locataires de logements Crous lorsqu'ils quittent la résidence" ; de développer des espaces collectifs multifonctions notamment en partenariat avec les collectivités (salles polyvalentes...) proposant aux étudiants des lieux de détente, de travail, de restauration...
Faire du Crous l'opérateur "privilégié" de la restauration universitaire ?
En matière de restauration universitaire (resto U et cafétérias des Crous) le rapport suggère de "renforcer le positionnement des Crous dans les partenariats avec les universités et avec les collectivités territoriales, en vue d'en faire l'opérateur privilégié dans le domaine de la restauration universitaire". Dès lors, il faudra renforcer l'attractivité de la restauration universitaire "en fidélisant le public étudiant à travers une offre mieux adaptée à leurs besoins" (la concertation a fait ressortir : des horaires d'ouverture allongés, des opérations marketing, des points de vente à proximité immédiate des lieux de cours, la possibilité de commander en ligne) et en accroissant l'investissement "afin de développer les nouveaux concepts de restauration". Il suggère également d'inscrire davantage les Crous dans une démarche "qualité alimentaire" et anti-gaspillage, mais aussi de développer l'offre de produits issus de la filière courte et de développer les services de restauration mobiles ("food trucks") le soir.
Sur les 19 mesures visant à améliorer la santé des étudiants, quelques-unes seulement concernent les collectivités. La première suggère d'inscrire les services de santé universitaire dans l'offre de soins locale, en développant par exemple des partenariats avec des centres de santé. Une autre mentionne le développement d'équipements sportif de proximité. Pour les étudiants parents de jeunes enfants ou chargés de famille, le rapport recommande de négocier avec les collectivités locales un accès privilégié aux crèches. Il préconise aussi de doter chaque site universitaire d'un "plan local de santé étudiante" qui soit en cohérence avec le plan régional de santé publique et associe l'ensemble des partenaires institutionnels, associatifs et les collectivités locales, sous la coordination du service de santé universitaire (SSU).
Le campus : écosystème, lieu de vie, jardins partagés...
Pour "dynamiser la vie de campus" huit mesures entendent "faire du campus un écosystème ouvert favorisant l'expérience étudiante". Pour cela, il faudrait d'abord "placer la question des temps et rythmes étudiants au coeur des politiques de vie étudiante et de formation". Pour faire des campus des "lieux de vie" (et de travail), le rapport recommande que chaque site élabore un schéma directeur "pour assurer l'animation du campus, la visibilité et la cohérence des services de la vie de campus", ou encore de développer des tiers-lieux (citant : faclabs, espaces de co-working, pépinières étudiantes en lien avec les PEPITEs, jardins partagés...). Sans s'empêcher de mobiliser des volontaires de service civique "pour contribuer à la dynamisation de la vie des campus". D'autant que pour "favoriser les engagements étudiants", une des mesures serait de développer le service civique dans l'enseignement supérieur. Le rapport indique que "les Crous ont l'ambition d'accueillir 1 ou 2 volontaires par cité U".
Il faudrait également investir dans les infrastructures centrées sur la vie de campus et "correspondant aux usages des étudiants du XXIe siècle". Dans ce cadre, la concertation aurait soufflé l'idée de répondre à l'appel à projet prévu dans le cadre du Fonds européen d'investissements stratégiques.
Pour favoriser l'accès à la culture des étudiants, le rapport suggère de généraliser les "pass culture" via des partenariats conclu avec les collectivités notamment.
Une projet sur la vie étudiante, un préalable aux contrats quinquennaux ?
Le rapport propose de généraliser, à l'échelle des sites, une concertation rassemblant les différents acteurs du site ("étudiants, université et autres établissements du site, Crous, collectivités territoriales") dans la perspective d'élaborer un schéma directeur de vie étudiante et son suivi. Il estime que "la création d'un conseil de la vie de campus au niveau des regroupements d'établissements peut y contribuer.
Pour simplifier les démarches de demande de subvention pour les porteurs de projets étudiants, la concertation a fait ressortir l'idée de définir un dossier de demande de subvention commun à tous les acteurs finançant les projets étudiants (établissements, Crous, collectivités …) et d'encourager ces acteurs à instruire les dossiers ensemble, "dans le respect des critères de soutien de chacun".
La 54e et dernière mesure du rapport de concertation suggère que chaque dossier d'accréditation des établissements - dossier préalable à la signature des contrats quinquennaux - comporte un volet dédié à la vie étudiante et des campus.
Valérie Liquet
Droits d'inscription gelés pour la rentrée 2015
Lors de la remise des conclusions de la concertation pour l'élaboration du plan national de vie étudiante, Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon ont annoncé que les droits d'inscription dans les établissements publics de l'enseignement supérieur sont gelés pour la rentrée. L'inscription en licence restera ainsi à 184 euros, en master à 256 euros, en doctorat à 391 euros et pour le diplôme d'ingénieur à 610 euros. "C'est une mesure pour le pouvoir d'achat des étudiants", a fait valoir la ministre de l'Education nationale.
AFP