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Jeunesse - CIJ du 3 juillet 2015 : un comité qui a écouté les "coups de gueule"

Réuni le 3 juillet à Besançon, le troisième comité interministériel pour la jeunesse a synthétisé une série de mesures pour la plupart déjà lancées. La vraie nouveauté réside dans la volonté affirmée de co-construction. Co-construire avec les jeunes eux-mêmes, sans craindre d'essuyer leurs "coups de gueule". Co-construire aussi avec les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les conseils régionaux. Sans pour autant faire des régions les chefs de file de la coordination des politiques de jeunesse, comme l'avait récemment recommandé le Cese.

Le troisième comité interministériel pour la jeunesse (CIJ) du quinquennat de François Hollande s'est déroulé vendredi 3 juillet à Besançon, sous la présidence de Manuel Valls qui était accompagné de huit ministres et secrétaires d'Etat (*). Comme le veut désormais l'exercice, il y a eu peu d'annonces mais une "mise en cohérence" des mesures prises par le gouvernement ou en voie de mise en place sur ces sujets. Elles ont d'abord été discutées à huis clos puis présentées devant une centaine de jeunes réunis dans une salle de spectacle de musiques actuelles.
Car c'est sur la forme que le gouvernement a innové, en s'appuyant sur la démarche "d'écoute et de co-construction avec les jeunes" qu'il avait initiée lors des cinq "Rendez-vous de la jeunesse" organisés entre avril et juin à Nantes, Avignon, Creil, Saint-Max, Nancy et Saint-Denis (celui de la Réunion). "Pendant plusieurs semaines, et à travers cinq rendez-vous dans cinq régions, j'ai rencontré plus d'un millier de jeunes. Ils ont pu, librement, pousser des coups de gueule, faire part de leurs aspirations et de leurs exaspérations", rapporte Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Ces milliers de jeunes auraient nourri la réflexion du CIJ avec 150 propositions et "toutes les propositions recueillies lors des rencontres ont alimenté les réflexions du comité interministériel pour la jeunesse", assure Matignon qui y a vu deux demandes principales : être informés des droits et des dispositifs qui les concernent.

Une "boussole des droits"

De fait, parmi les mesures mises en avant, figure la mise en place d'une "boussole des droits", sorte de "webservice offrant une information personnalisée, des fonctions d'orientation et d'accompagnement adaptées à chaque jeune", sur les thèmes du logement, de la santé et de l'emploi. Il s'agissait, selon le gouvernement, d'une demande forte des associations de jeunesse.
Par ailleurs, dès la rentrée 2015, un portail de la vie étudiante (accessible depuis etudiant.gouv.fr) visant à simplifier les démarches administratives sera mis en ligne. Une carte d'étudiant européenne pour faire valoir ses droits dans les pays de l'Union européenne et la possibilité de faire une année de césure dans le parcours universitaire sont aussi annoncées, sans date de mise en œuvre.
La prime d'activité est également confirmée. Pôle emploi et le réseau des missions locales sont missionnés pour augmenter le nombre de jeunes créateurs d'entreprise et de jeunes candidats à la reprise. L'objectif d'envoyer 70.000 jeunes en service civique dès 2015 est également confirmé ainsi que la création de la réserve citoyenne déjà lancée par Najat Vallaud-Belkacem.

Démocratie participative, démocratie représentative

Question vie associative, la mobilisation de 50 millions d'euros supplémentaires est toujours d'actualité pour "conforter les associations de proximité, d'éducation populaire et de sport". De même que le soutien à la création de "fabriques d'initiatives citoyennes" déjà annoncées lors du comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté du 6 mars dernier (voir notre article ci-contre du 10 mars), qui doivent s'articuler avec les conseils citoyens des contrats de ville, lesquels peinent déjà à se mettre en place.
Le million d'euros annoncé pour la création de médias de proximité est également confirmé.
Après la démocratie participative, la démocratie représentative : le CIJ annonce la mise en place dans les universités, lors des semaines d'inscription des étudiants en septembre 2015, de bureaux d'inscription "délocalisés" assortis d'une campagne de sensibilisation des jeunes à l'intérêt d'aller voter. Pour les jeunes devenant majeurs entre deux tours de scrutins, il leur sera désormais possible de voter au second tour. Enfin, les jeunes pourront s'inscrire en cours d'année sur les listes électorales. Et cela, car le gouvernement est persuadé que "une partie de l'abstention des jeunes et des étudiants s'explique par leur mobilité : n'étant pas souvent inscrits sur les listes électorales de la ville où ils étudient, la démarche du vote peut s'avérer complexe".

"Sécurisation locative" pour les étudiants et les jeunes actifs

En matière de logement, le gouvernement annonce le dispositif d'encadrement des loyers à Paris pour le 1er août 2015 (alors qu'il a supprimé cette obligation - pourtant inscrite dans la loi Alur - pour toutes les autres grandes agglomérations).
Il se félicite également de "développer des dispositions de sécurisation locative" pour les étudiants et pour les jeunes actifs. Le dispositif CLE permet aux étudiants de bénéficier d'une garantie de l'Etat et d'être dispensés du paiement de caution (soit à peu de choses près la garantie universelle des loyers prévue par la loi Alur et elle aussi abandonnée par Manuel Valls). Pour les jeunes actifs, la caution solidaire "Visale", financée par Action Logement, verrait le jour début 2016 (voir notre article ci-contre du 28 novembre 2014).
Le CIJ exige par ailleurs que les bailleurs sociaux fassent un effort de construction de petits logements et confirment le projet de rénovation énergétique de Foyers de jeunes travailleurs (FJT) et de résidences sociales jeunes.

Gouvernance régionale : éloge du PAJ

En annexe du CIJ, le rapport 2014 pour la "Priorité Jeunesse" du gouvernement consacre un long chapitre aux plans territoriaux. Car pour le gouvernement, "le pilotage du plan pour la jeunesse en région doit s'appuyer sur une large mobilisation des acteurs de la jeunesse afin de garantir la concertation et la co-construction de l'action publique".
Le rapport débute par un véritable éloge des plans d'action pour la jeunesse (PAJ) en région, pilotés par l'Etat et lancés en 2013. Ils seraient "des leviers importants pour rendre plus lisible l'action de l'Etat". Ils seraient même devenus, en deux ans, de véritables "outils de pilotage de l'action publique territoriale" réellement "inscrits dans des dynamiques de gouvernance partagée" avec les collectivités territoriales, les associations et les jeunes.
Selon le rapport, avec le PAJ, "une politique coordonnée et intersectorielle est ainsi en train de se construire au sein des territoires, prenant en compte l'ensemble des champs intéressant la jeunesse (emploi, logement, éducation, santé, loisirs, culture, sports...).
Il observe qu'entre 2013 et 2014, toutes les régions ont élaboré un PAJ "comprenant pour une part la déclinaison de mesures issues du plan Priorité Jeunesse national (une moyenne de 20 mesures nationales sont reprises) et pour l'autre des actions issues des travaux conduits au niveau local sur la base des diagnostics et priorités définis en région".
Le mérite en reviendrait aux directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) désignées comme service coordonnateur du PAJ.

Renforcer le partenariat avec les collectivités

Le rapport 2014 est formel : "La consolidation et la valorisation de ce travail interministériel est l'une des composantes essentielles de la construction d'une politique territoriale de la jeunesse renouvelée." Pour autant, le rapport recommande que le partenariat avec les collectivités soit "renforcé", en citant moults exemples qui tendraient à montrer que l'on est sur la bonne voie. Par "collectivités", il entend d'abord le conseil régional, mais observe avec satisfaction que sont déjà mobilisés "certains conseils départementaux et plus rarement des EPCI ou des communes".
Il valorise les collectivités "pilotes ou copilotes d'actions aux côtés des services de l'Etat". Le conseil régional de Haute-Normandie est ainsi "pilote" de l'action "réduire le taux de rupture des contrats d'apprentissage", "partenaire associé" de l'action visant à "diversifier et accroître la mobilité internationale des jeunes" et "interlocuteur essentiel" de la Dreal sur l'amélioration des conditions d'hébergement des jeunes en alternance. Celui du Languedoc-Roussillon est "le pilote" du chantier relatif au service public de l'orientation et "participe" à des actions relatives au service civique et aux écoles de la deuxième chance ainsi qu'aux chantiers de jeunes bénévoles.

La région chef de file ? Il n'en est pas encore question…

"Les démarches de collaboration sont ainsi entamées à peu près dans toutes les régions et sont parfois formalisées par des engagements réciproques", se félicite encore le rapport. Il cite le fait que, en Paca, le préfet de région, le président de région et les recteurs des académies d'Aix-Marseille et de Nice, ont signé en janvier 2014 un "pacte pour les jeunes" comprenant 10 chantiers prioritaires et des engagements sur trois enjeux : "offrir à tous les jeunes un parcours vers la qualification et l'emploi", : "faciliter l'accès à l'autonomie dans toutes ses dimensions", "promouvoir la citoyenneté, l'engagement et la mobilité internationale".
Il montre son intérêt pour la mise en place d'une plateforme jeunesse Etat/région en région Centre, suite à un "travail de convergence" entre le plan Priorité Jeunesse de l'Etat et le PAJ de la région. Il semble regretter que "les conseils départementaux soient encore peu impliqués dans la démarche".
Le Conseil économique social et environnemental (Cese), recommandait, quant à lui, dans un avis émis en mars dernier, de faire de la région "le chef de file de la coordination des politiques de jeunesse". Sans se prononcer sur cette suggestion, Patrick Kanner avait alors souhaité, partout en France, en milieu rural, dans les quartiers de la politique de la ville et en outre-mer, "une gouvernance élargie entre collectivités, associations et jeunes eux-mêmes" (voir notre article du 27 mars 2015).

Des forums pour "asseoir le dialogue avec les jeunes"

Le rapport non plus n'a pas oublié les associations, ni les "jeunes eux-mêmes". Car la "gouvernance partagée", c'est aussi avec les acteurs associatifs. Il cite quelques exemples (en Auvergne, Bourgogne, Basse-Normandie, Alsace), mais reconnaît que ce n'est qu'un début.
Quant à la participation directe des jeunes, le rapport se félicite des multiples "assises" ou "forums" organisés au niveau local en vue "d'asseoir le dialogue avec les jeunes". Il est persuadé que la participation des jeunes à l'action publique est amenée à se développer dans les mois à venir "à la faveur des diverses démarches comme les conseils de citoyens dans les quartiers de la politique de la ville ou encore les expérimentations qui se mettront en place suite à l'appel à projets du Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ) "organisations de jeunes dirigées par les jeunes". A ce propos, il n'hésite pas à parler d'"empowerment" et de "pouvoir d'agir des jeunes".
Le rapport ne dit pas, en revanche, comment gérer les plus ou moins sympathiques "coups de gueule" d'une jeunesse spontanée et choyée, pour rebondir sur de la co-construction réellement constructive.

Valérie Liquet avec AFP

(*) Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale, François Rebsamen, ministre du Travail, Sylvia Pinel, ministre du Logement, Christiane Taubira, garde des Sceaux et ministre de la Justice, Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie, et Myriam El Khomri, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville.
 

 

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