Jeunesse - Les politiques de la jeunesse seront interministérielles et partagées avec les collectivités
Partant du constat que la crise de 2008 a plongé de nombreux jeunes dans une situation précaire (23% des 15-24 ans sont au chômage), fragilisant ainsi leur accès à l'autonomie et au logement, l'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (Anacej) organisait ce mercredi 13 février à l'hôtel de ville de Paris une rencontre nationale à l'attention des collectivités de plus de 100.000 habitants, avec pour thème "Quelles politiques pour les 15/30 ans ?". "Quelle place peut-on donner aux jeunes alors qu'ils sont les premières victimes de la crise, comment développer une politique d'autonomie, une politique d'accès à l'emploi, à la formation, au logement... ?", s'est interrogé devant un parterre d'élus et de professionnels de collectivités le président de l'Anacej, Gilles Pargneaux, entre autres vice-président de Lille Métropole.
"Remettre le jeune au centre de la société"
"Après des années sans politique ambitieuse en direction de la jeunesse, il faut remettre le jeune au centre de la société, puisqu'il est son avenir", insiste le président de l'Anacej. Un sentiment partagé par les différents élus et intervenants de l'Injep* (venus présenter l'Atlas des jeunes - voir encadré ci-dessous) qui, tout au long de la matinée, ont partagé leurs expériences de terrain et leurs attentes vis-à-vis de l'Etat. L'acte III de la décentralisation et le comité interministériel de la jeunesse (CIJ), qui doit se tenir ce 21 février, portent les espoirs des élus d'être entendus. Le président de la République l'avait annoncé dans son discours de lutte contre l'exclusion, la jeunesse sera sa priorité. Place aux actes maintenant.
Faire confiance à la jeunesse
"Nous avons lancé des actions concrètes", a rappelé la ministre des Sports, de la Jeunesse, de l'Education populaire, et de la Vie associative, Valérie Fourneyron, fraîchement arrivée du Conseil des ministres ce mercredi, se félicitant d'avoir été invitée à cette rencontre nationale. Revenant sur les contrats d'avenir et contrats de génération, le service civique qui verra son nombre de places augmenter, le blocage des loyers, la contraception pour les mineurs, la réforme de l'école... la ministre a fait un tour d'horizon assez exhaustif des actions lancées depuis 8 mois par le gouvernement pour "permettre à la jeunesse de vivre mieux en 2017 qu'en 2012". "Il faut redonner espoir aux jeunes, les rendre plus compétitifs et solidaires, ne laisser personne sur le bord du chemin. Nous devons faire confiance à cette jeunesse tant malmenée ces dernières années", a scandé la ministre. Et d'affirmer que cette politique de la jeunesse se fera en concertation avec les acteurs des collectivités territoriales : "Travailler sans eux n'est pas concevable !" "Je l'ai dit lors d'un entretien avec l'ARF [Association des régions de France] hier, nous devons partager cette politique, nous devons prendre place ensemble et cela se fera par l'intermédiaire d'une approche globale et interministérielle", a ajouté la ministre. La phrase est lâchée, les acteurs présents l'attendaient avec impatience, oui "la démarche du gouvernement est globale et partenariale", reprenant mot pour mot Marilyse Lebranchu, précise-t-elle.
La lisibilité du droit commun
"Certes nous ne faisons pas une succession d'effets d'annonces, ce qui ne plaît pas aux médias, mais 26 ministres travaillent depuis des mois et de façon transversale sur le CIJ", a assuré la ministre. "L'année 2013 sera l'année de mise en oeuvre des politiques jeunesse. Le CIJ sera l'occasion de réfléchir à la gouvernance la mieux adaptée pour mener ces politiques", a-t-elle affirmé, avant d'ajouter : "Nous l'inscrirons dans la durée et dans une cohérence globale en concertation avec les acteurs associatifs, les jeunes, le CES section jeunes, avec tous ceux qui portent les politiques de la jeunesse. Le comité n'est qu'un outil, une étape qui vivra avec l'échange." La ministre a par la même occasion annoncé travailler avec un groupe de travail constitué de jeunes, d'acteurs de missions sociales... qui, de février à avril, mettront en place des projets, notamment d'insertion, pour les plus démunis. "Un projet va voir le jour qui s'appliquera à 100.000 jeunes pour les aider dans leur parcours", a-t-elle précisé. Valérie Fourneyron a également confirmé qu'elle souhaitait proposer le transfert aux régions des centres d'information et d'orientation (CIO) et déclaré : "Je plaide pour un véritable service public d'information et d'accompagnement, je veux conforter les missions locales dans leur rôle." Egalement évoquée, la fin de la myriade de dispositifs plus ou moins similaires lancés au sein de dizaines de services et qui rendent les informations nébuleuses. "On ne veut plus segmenter, on veut de la lisibilité, abattre le millefeuille. Un trop grand nombre de jeunes n'ont pas recours aux aides car ils n'ont pas accès à l'information. Si ce n'est pas dans le droit commun ce n'est pas lisible", a déploré la ministre.
La fin du millefeuille et la lisibilité du droit commun : le message a été entendu et apprécié. Les élus intervenants s'en sont dans l'instant félicités. "La direction est donnée, nous travaillons dans la même direction que le gouvernement", a approuvé Anne Crayssac, adjointe au maire de Toulouse, qui exerce au sein d'un service Jeunesse très impliqué et à l'origine de moultes initiatives malgré la mise en place récente de l'équipe. "Nous avons concerté des jeunes, entendu leurs attentes, et nous avons concrètement mis des actions en place très rapidement. Le titre de transport à 10 euros par mois pour les moins de 25 ans, par exemple", énonce l'élue.
Pas de levier périphérique
Créer des instances de dialogue, des lieux de concertation, donner de la visibilité à la jeunesse dans l'espace public, connaître les attentes, les problèmes... autant d'initiatives partagées lors de cette matinée. "Tout est important, rappelle un élu de Lorraine. Il n'y a pas de levier périphérique comme on l'entend souvent. L'emploi est primordial, je le sais, je viens de Lorraine, mais ce n'est pas le Graal." L'adjointe au maire de Paris, Isabelle Gachet, a partagé quant à elle les données spécifiques à Paris sachant que la capitale est à la fois mairie et conseil général. Et l'élue de faire part des objectifs de la ville à l'égard des jeunes : la lisibilité des dispositifs, la création de 12.500 places pour loger des jeunes dans des résidences et des foyers de jeunes travailleurs, la place des jeunes dans l'espace public - avec une place pour les ados, grands oubliés de la jeunesse -, l'exigence de la mixité dans toutes les politiques, la participation des jeunes à l'élaboration des politiques jeunesse... Avec des actions concrètes à la clef. A été cité le projet de voies sur berges réclamé par la jeunesse parisienne pour faire des fêtes d'anniversaire sous des tipis aménagés le long des voies... ou l'aménagement mobilier du parc André Citroën, imaginé par des jeunes, qui sera réalisé par de jeunes architectes.
La mobilisation sur le terrain des élus et des associations en faveur des jeunes n'a plus à faire ses preuves. Même le Sommet européen a pris la mesure de l'urgence en accouchant d'un fonds 2014-2020 pour un montant de 6 milliards à destination des régions ayant un taux de chômage de jeunes supérieur à 25%.
L'heure de la mobilisation de l'Etat vis-à-vis de la jeunesse en concertation avec les collectivites, dans une approche transversale et interministérielle, semble avoir sonné. Les prochains mois mettront les volontés à l'épreuve des faits. La crise perdure. Le contrat d'avenir n'est pas si populaire chez les jeunes et le contrat de génération (que le Parlement a définitivement adopté ce 14 février) ne convainc apparemment pas beaucoup plus : la majorité (58%) des actifs de moins de 30 ans pensent que ce contrat de génération ne permettra pas de lutter efficacement contre le chômage, révélait le 13 février la 21e édition de l'Observatoire du travail BVA/BPI/L’institut du leadership/L'Express. Mais on peut aussi rester optimiste, comme l'ont été les intervenants ce mercredi dans l'auditorium de l'hôtel de ville de Paris. "Là où il y a la volonté il y a le chemin", a cité Gilles Pargneaux en reprenant les mots de François Mitterrand...
Sandrine Toussaint
*Injep : Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire
uN Atlas POUR "donner à voir la jeunesse d'aujourd'hui"
Une grande partie de la matinée a été l'occasion pour les deux auteurs de cet atlas des jeunes en France (Yaëlle Amsellem-Mainguy, sociologue à l'Injep, et Joaquim Timoteo, économiste à l'Injep) de faire la synthèse de tous les travaux des cinq dernières années à l'attention des jeunes (excepté les sondages). Logement, emploi, chômage, exclusion, autonomie, formation, alimentation, sport, santé, vie sexuelle... leur objectif est de donner à voir la jeunesse d'aujourd'hui. L'atlas se veut révélateur d'une situation à un moment donné, loin des clichés. 90 pages, 5 chapitres et énormément d'informations conduisent Yaëlle Amsellem à dire qu'il n'y a pas de jeunes, de vieux mais des individus identifiables au regard de ce qu'ils vivent. Le jeune revendique de ne plus être un enfant mais pas un adulte. Avec un constat : les jeunes le sont de plus en plus tôt et de plus en plus tard. Le processus de passage à l'âge adulte est long. Si pour l'atlas, le jeune s'arrête à 30 ans (parce qu'il fallait une limite), les deux auteurs pensent qu'en réalité, c'est encore un peu trop tôt... Avec une conclusion : le jeune n'est pas vulnérable parce qu'il est jeune, c'est la situation actuelle qui le rend vulnérable. Et que bien souvent, le jeune renvoie à l'adulte l'image (parfois négative) que ce dernier attend de lui.
S.T.