Logement - La Foncière solidaire serait opérationnelle début 2017
"Un outil d'accompagnement des élus de France" et une nouvelle "aide à la pierre" pour le monde HLM. C'est ainsi que Thierry Repentin, président de la Commission nationale d'aménagement et du foncier (Cnauf), conçoit la "Foncière solidaire" dans le rapport de préfiguration qu'il a remis ce jeudi 15 septembre au président de la République.
"La Foncière solidaire" est le nouvel intitulé de la "grande société foncière publique" annoncée par François Hollande, le 12 janvier dernier, lors du bicentenaire du groupe Caisse des Dépôts (voir notre article ci-contre du 13 janvier 2016). Le rapport a été remis en présence d'Emmanuelle Cosse, ministre du Logement, de Christian Eckert, secrétaire d'Etat au Budget, et de Pierre-René Lemas, directeur général du groupe Caisse des Dépôts.
750 millions d'euros, dont la moitié venant de la Caisse des Dépôts
Le président de la République l'avait dit : la grande foncière serait capitalisée à hauteur de 750 millions d'euros, moitié par l'Etat, moitié par la Caisse des Dépôts. Thierry Repentin envisage même que le capital puisse à moyen terme s'ouvrir à d'autres : investisseurs institutionnels, établissements publics fonciers d'Etat, établissements publics fonciers locaux... "La Foncière solidaire ayant la capacité d'emprunter, elle pourrait mobiliser jusqu'à 2 milliards d'euros d'investissements", ajoute-t-il. L'objectif est de produire 50.000 logements en 5 ans, dont 25.000 logements locatifs sociaux ou en accession sociale à la propriété (*), en priorité sur les zones tendues. Les terrains devront être d'une superficie de plus de 5.000 m2 (en dessous, "la solution sera étudiée au cas par cas").
Si la vocation initiale de la grande foncière était de "mobiliser tous les terrains du secteur public", le président de la République se serait laissé convaincre de lui permettre d'acquérir non seulement du foncier d'Etat, du foncier d'établissements publics et du foncier des collectivités locales, mais aussi du foncier privé.
La dissociation foncière : une aide à la pierre pour les HLM
La Foncière solidaire prendra la forme d'une société anonyme assurant une mission d'intérêt général (ou un service d'intérêt économique et général/SIEG, au regard du droit européen) dans la mesure où elle a pour objectif de réaliser 50% de logements sociaux. Pour parvenir à cet objectif, le modèle économique de la Foncière solidaire sera de s'attaquer au nerf de la guerre : le coût du foncier.
Pour le foncier d'Etat, le président de la République serait d'accord : la Foncière pourra l'acquérir avec une décote de 60%. Pour le foncier privé, il faudra s'aligner sur les prix du marché.
Mais la "pierre angulaire" du dispositif repose sur l'idée – désormais classique (voir notre article de ce jour sur les organismes de foncier solidaire) – de dissocier la propriété du foncier et la propriété du bâti. Pour alléger la charge foncière des organismes HLM, la Foncière solidaire resterait propriétaire des terrains et les louerait à ces organismes, via un bail de longue durée (notamment emphytéotique), pour réaliser des logements sociaux... dont ils seront propriétaires. Voilà pourquoi Thierry Repentin considère que la Foncière solidaire délivrera indirectement des "aides à la pierre" aux organismes HLM.
A noter qu'il envisage également de "mettre à bail" du foncier pour la réalisation de logements locatifs intermédiaires.
"Equilibre économique solidaire"
Par ailleurs, la réalisation d'opérations de logements libres et de logements intermédiaires permettra d'alimenter la trésorerie de la Foncière solidaire. Si bien que "c'est la cession des terrains pour créer des logements privés et intermédiaires qui permettra de financer la principale activité de la foncière qui consiste en la cession ou la location de terrains permettant la création de logements sociaux". C'est ainsi que la réalisation de programmes de logements mixtes (logements sociaux, intermédiaires et libres) en partenariat avec les acteurs locaux et nationaux du secteur privé (investisseurs, promoteurs) participe à l'"équilibre économique solidaire" du modèle, selon l'expression de Thierry Repentin.
Il insiste également sur le fait que la Foncière solidaire sera composée de professionnels de l'aménagement et du montage financier d'opérations de logements : des experts "qui comprennent ce qu'attendent les collectivités locales, qui les accompagnent dans leurs projets de développement". Des profils qui "font parfois défaut dans les administrations en charge de la cession du foncier public d'Etat", confie Thierry Repentin.
La Foncière ne toucherait toutefois pas à l'aménagement et se contenterait de réaliser à la demande des collectivités des études pré-opérationnelles d'urbanisme.
Exonérée de la taxe sur les plus-values foncières ?
En complémentarité de la décote sur le foncier public, les cessions de biens privés à la Foncière solidaire devraient, dans l'esprit de Thierry Repentin, bénéficier d'un certain nombre de dispositifs justifiés par son statut de société anonyme assurant une mission d'intérêt général.
Elle pourrait par exemple bénéficier d'exonérations fiscales, comme la non-imposition des plus-values foncières (ce qui pourrait faire pencher le rapport de force en sa faveur lorsqu'un promoteur serait également intéressé par l'achat d'un terrain privé). Elle pourrait aussi disposer des outils du droit de l'urbanisme comme la délégation du droit de préemption et du droit de priorité.
Tout cela devra trouver une traduction législative. Les dispositions financières et fiscales se retrouveront dans le projet de loi de finances initial. La création de la Foncière, de par son statut de "SA assurant une mission d'intérêt général", devra aussi passer par la loi. Le véhicule n'est pas encore choisi. Ce pourrait bien être le projet de loi Egalité et Citoyenneté qui n'en est pas à un article près.
Valérie Liquet
(*) Cette répartition vaut pour l'ensemble des opérations, et non pas pour chaque programme. Il sera possible de faire des programmes "tout sociaux" ou "tout privés".