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Comment développer une "culture du dialogue social" dans les collectivités ?

Quelque peu malmené, d'après les syndicats, par les récentes annonces du gouvernement concernant les fonctionnaires, le dialogue social était au coeur de la dernière journée d'étude de l'Association des DRH des grandes collectivités territoriales, vendredi 7 juillet. Dans le cadre d'échanges nourris avec les représentants des principaux syndicats, ils ont dessiné des pistes pour construire une nouvelle méthode et de nos nouveaux outils, à l'échelle de chaque collectivité, afin de sortir de la confrontation et du formalisme imposé par les textes régissant la fonction publique.

Ironie du calendrier. Quelques jours à peine avant la réunion du Conseil commun de la fonction publique où Gérald Darmanin devait détailler aux syndicats une feuille de route (voir notre article du jour) qui contient, entre autres, le gel du point d'indice et le rétablissement du jour de carence (voir ci-dessous nos articles du 30 juin et du 7 juillet), l'Association des DRH des grandes collectivités territoriales (ADRH GCT) organisait à Paris, vendredi 7 juillet, une journée d'étude consacrée aux "nouveaux visages du dialogue social" dans les collectivités.

"Un dialogue social encore fondé sur la confrontation"

S'il est bien un constat partagé entre les organisations syndicales et les employeurs locaux, note Johan Theuret, président de l'ADRH GCT en présentation de l'évènement, c'est celui d'"un dialogue social encore fondé sur la confrontation". Les causes pour lui ne manquent pas, et le diagnostic est sévère : "culture de la négociation insuffisante, postures idéologiques, désengagement des agents, organisations syndicales questionnées sur leur légitimité et leurs compétences, circulation de l'information insuffisante entre la direction et les organisations syndicales, par ailleurs peu associées à la définition de la stratégie". Dans ces conditions, le dialogue social peine trop souvent à remplir sa mission principale, "favoriser la mise en place d'un consensus entre les différentes parties qui participent au débat". La journée organisée par l'Association a été l'occasion d'échanges entre des représentants des principales organisations syndicales et les DRH, pour tenter de dépasser ces difficultés.

"Inventer un cadre nouveau"

Fondé dans sa forme actuelle par la loi du 6 juillet 2010 (voir notre article du 8 juillet 2010 ci-dessous), le dialogue social est avant tout un "échange social", a tenu à rappeler Jésus de Carlos, membre du CSFPT, représentant la fédération CGT des services publics. A ce titre, il passe, selon le syndicaliste, normalement par quatre phases (information, consultation, concertation, négociation), mais implique en dernière analyse l'instauration d'un "rapport de force" entre l'employeur et les syndicats. 
Attention à bien distinguer "patron" et employeur, c'est-à-dire l'élu décisionnaire, et le service RH chargé de la gestion des employés, a relevé pour sa part Claire Le Calonnec, membre du CSFPT et secrétaire générale de la fédération Interco CFDT. L'existence de ce doublon – et la question de la légitimité et de l'étendue du mandat confié à la DRH – ne va pas sans poser problème.
Claire Le Calonnec appelle à "sortir du formalisme des textes", et à "inventer un cadre nouveau" dans chaque collectivité, en s'appuyant sur les possibilités accordées par la circulaire du 22 juin 2011 (voir notre article du 29 juin 2011), pour notamment mieux préparer les comités techniques et créer des groupes de travail thématiques. Une position globalement partagée par les autres organisations. Plus la collectivité est grande, plus elle a besoin d'espaces de concertation autres que les instances, souligne Caroline Charruyer, vice-présidente en charge de la formation professionnelle à la FA-FPT.

Des syndicats "mal intégrés aux organisations"

Et ce d'autant plus que le rôle même des syndicats est parfois remis en cause par les agents eux-mêmes, par exemple lorsqu'ils se fédèrent autour d'un groupe sur les réseaux sociaux, ou en "collectif" en dehors des organisations traditionnelles, comme les Atsem l'ont fait pour défendre leurs droits (voir nos articles ci-dessous). "Les syndicats sont mal intégrés dans nos organisations", constate Claire Le Calonnec. Le rattachement fonctionnel des permanents syndicaux aux services de la collectivité est souvent mal défini, et le mode d'exercice du mandat syndical peu compréhensible pour les agents les plus jeunes. Le syndicalisme doit devenir une "possibilité" dans le parcours professionnel, comme un métier exercé à un moment donné dans une carrière, et non pas un mandat exercé de façon pérenne, selon elle. À charge pour l'employeur territorial de construire à ces agents un parcours professionnel qui valorise les compétences - notamment managériales -, acquises par ces agents, estime Sonia Pavic DGA RH à Aix-en-Provence. Dans cette collectivité les permanents syndicaux sont rattachés à la DRH, et les modalités d'avancement qui leurs sont applicables sont clairement déterminées, souligne-t-elle.

Vers une coconstruction ?

Pour Jésus de Carlos, il importe d'arriver à des diagnostics partagés pour éviter le conflit. Si des consensus sont possibles, notamment dans le cadre des CHSCT, la question d'une éventuelle "coconstruction" des politiques RH trace une ligne de partage entre les syndicats. Pour Dominique Regnier, secrétaire fédéral FO, un syndicat "n'a pas vocation à s'inscrire dans le projet politique d'une collectivité". Plus nuancée, Claire Le Calonnec considère qu'il ne s'agit pas d'une "posture classique" pour les syndicats, qui n'y sont pas habitués. Et pose de sérieux préalables comme le partage d'information par la direction, et la mise à disposition des organisations syndicales d'experts extérieurs à la collectivité qui puissent les accompagner et leur fournir un avis impartial.
Au final, ont convenu les participants, si le dialogue social est indispensable, plusieurs conditions sont nécessaires pour qu'il puisse se développer. La définition d'un cadre de travail commun, une formation commune aux représentants du personnel et aux élus, une valorisation du parcours des permanents syndicaux, la possibilité d'avoir des relations individuelles aux agents pour sortir du "couple" DRH / organisations syndicales, et le courage de dépasser les idées reçues.
De courage, il en sera sans doute  à nouveau question le 6 octobre, lors de la prochaine journée d'étude de l'ADRH GCT : elle sera consacrée au "risque, levier de l'innovation pour les DRH".

 

 

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