Archives

Finances publiques - De nouvelles économies sur les dépenses et retour du jour de carence pour les agents

L'Etat va réduire de 5 milliards d'euros ses dépenses en 2017 pour tenir l'objectif d'un déficit public de 3% à la fin de l'année. Aucun ministère ne sera "sanctuarisé", a annoncé le ministre de l'Action et des Comptes publics, le 6 juillet, lors d'"Etats généraux des comptes de la Nation". En 2018, la pression va s'accroître sur la sphère publique… Le gouvernement prévoit de rétablir le jour de carence sur les arrêts maladie des agents, une annonce déjà décriée par tous les syndicats.

Ce 6 juillet à Bercy, à l'occasion des "Etats généraux des comptes de la Nation", le ministre de l'Action et des Comptes publics a confirmé le constat alarmant établi, le 29 juin, par la Cour des comptes. Des politiques telles que le plan de formation de 500.000 chômeurs lancé sous l'ancien quinquennat, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou le logement d'urgence pour les sans-abri ne sont pas entièrement financés pour 2017.
Le gouvernement compte bien abonder les politiques sous-budgétées, tout en tenant le cap des 3% de déficit public en 2017 fixé par le Premier ministre, le 4 juillet lors de sa déclaration de politique générale. A cette fin, les ministres de l'Economie et des Finances et de l'Action et des Comptes publics présenteront, le 12 juillet, devant les commissions des finances des deux assemblées, un plan de 5 milliards d'euros d'économies sur le budget de l'Etat - soit le montant jugé nécessaire par la Cour pour respecter les règles européennes en matière de déficit. Ces mesures intégreront un projet de décret d'avance, et non un projet de loi de finances rectificative, qui a parfois été évoqué dans la presse.

Gel de la dépense publique, hors inflation

Si certains ministères resteront prioritaires, aucun ne sera exonéré d'un effort de recherche d'économies, a souligné Gérald Darmanin. Le ministère de l'Action et des Comptes publics annulera par exemple 120 millions d'euros de dépenses courantes. "Des trésoreries seront regroupées", a aussi précisé le patron de cette administration. Qui a voulu rassurer : les économies ne concerneront pas les politiques à destination "des plus fragiles", notamment les personnes handicapées. La promesse faite par le chef de l'Etat d'accroître le nombre des auxiliaires de vie scolaire en faveur des élèves handicapés sera ainsi mise en œuvre, a indiqué le ministre. Réfutant devant la presse la mise en oeuvre d'une politique de "rigueur", le ministre a évoqué "le sérieux" du gouvernement.
Il a par ailleurs confirmé la décision dévoilée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale d'un gel en 2018 de la dépense publique en volume, c'est-à-dire hors inflation. En réaffirmant, au passage, que l'objectif valait pour l'ensemble des administrations publiques - Etat, hôpitaux et collectivités territoriales. Comment le gouvernement et le chef de l'Etat comptent-ils parvenir à cet objectif pour ces dernières, en sachant qu'elles s'administrent librement, selon la Constitution ? Les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls avaient choisi de baisser les dotations de l'Etat de plus de 10 milliards d'euros en quatre ans en espérant ainsi que les collectivités baissent leurs dépenses. A l'occasion de la conférence des territoires, qui se tiendra le 17 juillet au Sénat, une nouvelle "méthode" pourrait être définie par le gouvernement et les représentants des élus locaux, a avancé Gérald Darmanin. Selon le ministre, qui s'exprimait devant quelques journalistes à l'issue des Etats généraux, de nombreuses questions seront sur la table. Il a évoqué les suivantes : "Quelles dotations ? Quelle spécialisation des impôts ? Y a-t-il une meilleure autonomie fiscale ? Comment on peut considérer que [les collectivités] ont plus de liberté dans l'emploi des agents publics ? Quelles sont leurs missions ? N'y a-t-il pas trop d'administration dans le 'mille-feuille territorial' ?"

Des cahiers de doléances

Pour atteindre ses objectifs, le gouvernement compte aussi engager "une véritable transformation de l’Etat et de nos services publics", a annoncé Edouard Philippe, le 4 juillet à l'Assemblée nationale. Deux jours plus tard, le ministre de l'Action et des Comptes publics a indiqué que ce chantier devra débuter par une consultation des Français "sur la manière dont ils perçoivent le service public du 21e siècle". Chacun pourra y participer. Pour leur part, les agents publics disposeront de "cahiers de doléances" pour faire remonter des "informations" et "des propositions".
Les 5,4 millions d'agents publics contribueront aussi et surtout à l'effort voulu par le gouvernement. Le ministre en charge de la fonction publique a déjà annoncé le gel du point d'indice en 2018. Lors des Etats généraux, qui réunissaient des parlementaires, des représentants des employeurs publics et des organisations syndicales, il a réaffirmé la volonté de réduire de 120.000 le nombre d'agents dans l'ensemble de la fonction publique, objectif fixé par Emmanuel Macron lorsqu'il était candidat. Un "cap" que, devant la presse, Gérald Darmanin n'a pas exclu de dépasser "si l'on constate que l'on peut faire mieux."

Jour de carence dans la fonction publique : dès 2018

En outre, le ministre a confirmé le rétablissement en 2018 du jour de carence pour les agents, qui a été en vigueur en 2012 et 2013 avant d'être supprimé par la majorité socialiste. Le candidat Emmanuel Macron s'est montré favorable à cette mesure, lors de la campagne pour l'élection présidentielle. En 2012, première année d'application de la journée de carence dans la fonction publique, les arrêts maladie d'un jour ont diminué de 43% dans la fonction publique territoriale et de 40% dans les hôpitaux, a justifié son ministre, en citant des chiffres de la société Sofcap parfois contestés.
Allant dans le sens de "l'équité" entre les secteurs public et privé (où existent trois jours de carence), le dispositif que le gouvernement introduira dans le prochain projet de loi de finances permettra de "lutter contre le micro‐absentéisme qui désorganise les services" et "alourdit la charge de travail des collègues en poste". Surtout, les employeurs publics engrangeront une économie annuelle de 170 millions d'euros, estime le gouvernement. La mise en place du jour de carence sera assortie de mesures d'accompagnement au profit des fonctionnaires les moins bien payés pour favoriser l'accès aux soins par exemple.

Feuille de route pour la fonction publique:  le voile se lève ce 10 juillet

Les syndicats de la fonction publique ont unanimement critiqué la décision du gouvernement. Elle est "démagogique et injuste", a réagi l'Unsa, en rappelant que "les agents ne sont pas couverts par une convention collective comme les deux tiers des salariés." La mesure revient à "punir les agents, en considérant qu'ils sont coupables d'être malades", a pointé de son côté la FSU. "Le dogme l'emporte sur la raison", a estimé quant à elle la Fédération autonome (FAFP). Selon ce syndicat, l'instauration du jour de carence entrainera des refus d’arrêt maladie par des personnes contagieuses pour leurs collègues et le public qu’elles côtoient. De plus, les arrêts de plus longue durée augmenteront compte tenu de l’aggravation constatée de l’état de santé de l’agent. La FAFP cite "des études" menées récemment. Le jour de carence serait donc "inefficace."
La politique en matière de fonction publique ne se résumera pas à cette mesure et au gel du point d'indice. "Ce n'est pas comme cela que l'on réforme la fonction publique", a reconnu Gérald Darmanin devant la presse. "Il faut que l'on fasse un vrai travail sur les échelons, les carrières, les métiers", a-t-il déclaré. En souhaitant aussi un travail "autour du statut de la fonction publique, qu'il faut à la fois protéger et rendre plus agile."
Le ministre a développé d'autres pistes de "modernisation de la fonction publique", comme l'amélioration de la formation des agents et la lutte contre la précarité des agents. Autant d'orientations encore très floues, que le ministre devrait préciser, ce 10 juillet, à l'occasion d'une réunion du Conseil commun de la fonction publique.