Archives

Services publics / Dialogue social - A Romans, la "performance sociale" ne se résume pas à une prime

La ville de Romans-sur-Isère (Drôme) a communiqué mardi 6 juin sur la mise en place d'une prime d'intéressement pour ses employés, "destinée à lutter contre l'absentéisme" et indexée sur la satisfaction des usagers. Mais cette mesure, bien relayée par les médias, s'inscrit dans une politique volontariste afin d'améliorer les conditions de travail des agents, fruit d'une pratique établie du dialogue social, ont précisé à Localtis les cadres dirigeants de la ville.

Dans un communiqué publié le 6 juin, la ville de Romans-sur-Isère (Drôme), dirigée par Marie-Hélène Thoraval (LR), a annoncé la mise en place d'une prime d'intéressement à la performance collective pour ses employés, présentée comme "destinée à lutter contre le fléau de l'absentéisme", dont le coût annuel est estimé à 1,6 million d'euros pour la collectivité. Cette prime, introduite à partir du 1er janvier 2018, aura la particularité d'être "indexée sur la satisfaction des usagers". Si la mesure a focalisé l'attention des médias - elle a fait l'objet d'un reportage jeudi 8 juin au 20 heures de France 2 - il convient de la replacer pleinement dans le cadre de la démarche d'amélioration des politiques sociales de la collectivité, condition nécessaire pour assurer la satisfaction des usagers du service public, insistent Olivier Farré, directeur général adjoint (DGA) et Myriam Vidal-Pequies, directrice des ressources humaines (DRH), dans un entretien accordé à Localtis.

Projet de performance sociale

Cette prime s'inscrit dans le cadre plus large d'un "projet de performance sociale", protocole d'accord signé par l'ensemble des organisations syndicales représentatives des quelque 600 agents de la ville, explique Olivier Farré. "Il s’agit pour la ville d’agir sur ses ressources humaines comme un levier de performance de la collectivité dans le cadre d’un dialogue social soutenu", souligne-t-il. Le protocole est en effet l'aboutissement d'une concertation d'un peu plus d'un an avec les organisations syndicales, à la suite d'une enquête réalisée par un cabinet extérieur spécialisé en ressources humaines auprès des agents. Celle-ci portait notamment sur les thématiques de la santé au travail, les conditions de travail, et les relations professionnelles.

"Surcharge de travail liée aux absences"

Si le diagnostic met en lumière des points forts - l’intérêt du métier par les agents et leur sens du service public -, la gestion de l'absentéisme figure en bonne place parmi les points d’amélioration majeurs identifiés. Les effets négatifs de ce dernier sur les conditions de travail du reste des agents ont été clairement mentionnés par les personnels interrogés. "Ce sujet n'est plus tabou", constate le DGA. Un point de vue confirmé par une source syndicale, qui pointe aussi des réductions d'effectifs. Les agents déplorent ainsi la surcharge de travail induite par les absences, et "une action ou un soutien insuffisant dans la gestion de certaines absences" qu'eux-mêmes considèrent comme "'abusives'". Les autres points d'amélioration révélés par l'enquête concernent des problèmes organisationnels, "le manque d’accompagnement des managers intermédiaires", ainsi que la communication entre les agents et les élus.
Le protocole adopté vise à répondre à ces problèmes. Il comporte, outre un volet sur l'organisation du temps de travail - ramenant la durée annuelle aux 1.607 heures réglementaires au lieu de 1.548 heures actuellement -, un volet sur l'amélioration de la qualité de vie au travail et des conditions de travail, et l'instauration de la "prime de performance collective".

Mesurer la satisfaction des usagers

Chaque année, une enveloppe de 130.000 euros sera allouée à cette prime - soit potentiellement 215 euros pour chacun des agents de la collectivité. Des objectifs seront votés par l’assemblée municipale et ensuite mesurés par un cabinet extérieur - le recours à une structure externe est une demande des organisations syndicales, précise la DRH qui rappelle également que la ville possède le label "Marianne" et souhaite développer une culture de l'évaluation. Un sondage sera mené sur un échantillon de 800 personnes, représentatif des 35.000 habitants de Romans, afin d'évaluer les services de la ville sur quatre thèmes : la sécurité, la qualité de service, la relation à l’usager et le cadre de vie (espaces verts, voirie). En cas d'atteinte partielle des objectifs, l'enveloppe sera modulée à la baisse.

Prime aux présents 

Le protocole prévoit que l’enveloppe dédiée à l’intéressement est "équitablement répartie entre les agents […] qui n’auront pas été absents au-delà d’un certain seuil". De fait, l'intéressement décroît en, fonction du nombre d'absences. Les agents ayant été absents cinq fois ou plus sont exclus du bénéfice de la prime, tandis que ceux qui ne se sont pas absentés du tout perçoivent, en plus de la prime, un "bonus constitué de la part de la prime qui aurait dû être perçue par les agents absents". Une façon pour la collectivité de "compenser les contraintes subies par ces derniers", note Myriam Vidal-Pequies. 
Certaines absences sont toutefois exclues du calcul, à savoir celles relatives à la formation, une activité syndicale, la maternité, les événements familiaux exceptionnels ainsi que les "jours 'enfants malades'". En revanche, les absences pour maladie, accidents de service, accidents de travail, maladies professionnelles, maladies longue durée et maladies graves sont bien prises en compte dans le décompte des jours d’absence.

12 agents concernés sur 600

Si le communiqué de la mairie présente cette prime comme "inspirée du privé", la délibération du conseil municipal qui l'instaure est dans les faits prise sur le fondement du décret du 3 mai 2012 "fixant les modalités et les limites de la prime d'intéressement à la performance collective des services dans les collectivités territoriales". On notera que celui-ci considère les congés pour maladie et pour accident de service comme du temps de présence effective pour le calcul de la durée minimale de six mois requise pour bénéficier d’une prime d’intéressement, et dispose que seule une "insuffisance caractérisée dans la manière de servir" peut justifier une exclusion du bénéfice de la prime.
"Seul un tout petit nombre d'agents (12 sur 600) sera affecté par cette disposition", tempère la DRH, qui souligne également que le régime indemnitaire individuel des personnels de Romans, destiné à évoluer prochainement du fait du passage au Rifseep (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel), ne sera pas modulé en fonction des absences. Par ailleurs cette "lutte contre l'absentéisme" vient compléter une politique de prévention et de détection, que ce soit dans le domaine des risques psychosociaux, ou en matière de santé et de sécurité au travail, rappelle-t-elle.

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis