Fonction publique - Rapport Laurent : la durée de travail des agents doit "tendre" vers la durée légale
Les journées exceptionnelles d'absence octroyées aux agents publics devraient être mieux encadrées et l'annualisation du temps de travail devrait être davantage utilisée, notamment dans la fonction publique d'Etat. C'est ce que préconise le rapport de la mission sur l'évaluation du temps de travail dans la fonction publique, que son rapporteur, Philippe Laurent a remis le 26 mai à la ministre de la Fonction publique.
"Le premier objectif avant d’entreprendre toute nouvelle réforme consiste à mobiliser les administrations pour tendre vers la réalisation effective des 1.607 heures", soit la durée légale annuelle, indique le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale dans la conclusion de ce rapport commandé en juillet 2015 par le Premier ministre.
Actuellement, les fonctionnaires travaillent en moyenne 1.584 heures par an, soit 1,4% de moins que la durée réglementaire de 1.607 heures. Cette durée est également inférieure au temps de travail du secteur privé.
Mettre à plat les jours exceptionnels d'absence
Dans la fonction publique territoriale, l'explication est à trouver notamment du côté des accords passés avant la mise en œuvre de la réduction du temps de travail et qui ont perduré. Quelque 1.500 collectivités sont concernées. En vertu de telles dérogations, la durée du travail est réduite à 1.537 heures dans une commune citée en exemple et même à 1.440 heures dans une autre. La mission pilotée par le maire de Sceaux recommande de mettre fin à ces régimes dérogatoires à la base légale de 1.607 heures. La règle doit s'appliquer de manière progressive et, surtout, après avoir fait l'objet de négociations entre l'exécutif et les syndicats, souligne le président du CSFPT.
La possibilité pour les exécutifs locaux de déterminer librement des jours exceptionnels d'absence pour le personnel, en particulier des événements familiaux (mariage, décès…) tend elle aussi à réduire la durée annuelle du travail dans les collectivités. D'autant que beaucoup d'élus font preuve d'une assez grande générosité dans le domaine. Ils sont parfois justifiés par l'organisation d'une manifestation locale (un carnaval par exemple). Afin de mettre de l'ordre dans le maquis de ces autorisations spéciales d'absence, la mission recommande d'uniformiser leurs critères par décret et d'apporter des clarifications via une circulaire. Quant aux jours de congés "dépourvus de base légale" (comme la "journée du maire"), ils doivent être purement et simplement supprimés, mais après l'engagement d'une négociation par la collectivité.
Pas de réforme sans dialogue social
Le rapport propose par ailleurs de revenir partiellement sur le dispositif des jours de fractionnement, qui permettent à l'agent de bénéficier de deux à trois jours de congés en plus. A l'origine, il s'agissait d'inciter les agents à étaler leurs congés durant l'année, mais il a perdu sa justification avec la mise en œuvre de la RTT.
La mission exclut de revenir sur le choix fait par de nombreux employeurs, notamment les collectivités, de compenser par des réductions d’horaires les contraintes particulières auxquelles elles exposent leurs agents publics (astreintes, travail le week-end…). Ce facteur explique en partie l'écart entre la durée effective de travail dans le secteur public et la durée légale de 1.607 heures. Au passage, la mission rappelle que 36,7% des fonctionnaires travaillent le dimanche même occasionnellement, contre 25,8% de salariés dans le secteur privé et 17,5% travaillent la nuit (14,9% dans le secteur privé).
Mettant en avant la réduction des dotations de l'Etat, "plusieurs grandes collectivités" ont déjà décidé d'augmenter la durée du travail afin qu'elle se rapproche, voire atteigne la norme des 1.607 heures par an. A l'attention des collectivités qui voudraient les imiter, la mission conseille d'"engager un dialogue social approfondi".
Annualiser le temps de travail
La mission est réservée sur l'évaluation faite par la Cour des comptes concernant les économies que l'alignement de la durée effective de travail dans la fonction publique sur la durée légale de 1.607 heures pourrait générer (570 millions d'euros par an).
En outre, elle souligne que "les effets budgétaires induits par l’annualisation du temps de travail et par une meilleure adéquation entre l’activité et les moyens en personnel paraissent tout aussi importants pour obtenir des gains de productivité que le débat strictement limité au nombre d’heures hebdomadaires travaillées".
La ministre de la Fonction publique a déclaré à l'AFP vouloir "ouvrir le débat avec les organisations syndicales pour avancer sur les différents sujets". Annick Girardin entend aussi "redire aux employeurs publics, qu'ils ont "un devoir d'exemplarité et que ce devoir comprend une meilleure gestion du temps de travail des agents de la fonction publique".