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Energie - Certificats d'économies d'énergie : la Cour des comptes propose d'améliorer l'efficacité du dispositif

La Cour des comptes a publié le 16 octobre le rapport sur les certificats d'économies d'énergie (CEE) que lui avait demandé le Premier ministre dans une lettre de mission en date du 18 février dernier. Elle formule douze recommandations visant notamment à "améliorer l'efficacité du dispositif, le simplifier, le rendre plus transparent et le mettre en cohérence avec les objectifs et les instruments de la politique d'efficacité énergétique".
Soutenu par l'Ademe et des associations environnementales comme le Cler, le dispositif des CEE est régulièrement critiqué par les industriels pour sa complexité. Pour rappel, les CEE ont été créés par la loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique dite loi "Pope" du 13 juillet 2005. Ils incitent les fournisseurs d'énergie (les "obligés") à promouvoir l'efficacité énergétique auprès de leurs clients, en leur imposant une obligation triennale de réalisation d'économies d'énergie calculée en fonction de leurs poids dans les ventes d'énergie et chiffrée en kWh cumac (cumulés et actualisés) d'énergie finale.

2006 - 2013 : objectifs remplis "avec une certaine aisance"

Pour remplir leurs obligations, les obligés ont le choix des actions qu'ils souhaitent mettre en œuvre, dans tous les secteurs d'activité (résidentiel, tertiaire, industriel, agricole, transport, notamment) et auprès des différents types de clients (ménages, entreprise, collectivités…). Trois types d'actions peuvent donner lieu à certificats : la réalisation d'opérations relevant d'un catalogue d'opérations standardisées répertoriées sous forme de fiches dont la liste est fixée par arrêté ; la valorisation d'opérations spécifiques correspondant à des opérations plus complexes ou non génériques ; le financement de programmes, faisant l'objet d'un arrêté, correspondant à des actions organisées de maîtrise de l'énergie (information, formation, innovation, lutte contre la précarité énergétique). Les obligés peuvent également acheter leurs certificats auprès d'autres acteurs. En fin de période triennale, ils doivent verser une pénalité de deux centimes d'euro par kWh cumac manquant en cas de non-respect de leurs obligations. Le CEE est donc un outil mixte qui associe une obligation réglementaire, sous forme d'un objectif fixé par les pouvoirs publics, et le jeu du marché, en laissant les fournisseurs d'énergie choisir la forme de leurs actions. Les certificats sont créés en majorité par trois grands obligés, qui représentent environ 70% du total des CEE délivrés depuis 2006 : EDF (41%), GDF (19%) et Total (11%).
La Cour dresse d'abord un bilan des deux premières périodes, du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009 (65 TWh cumac) et du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 (345 TWh cumac) - la deuxième période sera en fait prolongée d'une année avec un objectif de 115 TWh cumac. "Les objectifs ont été remplis avec une certaine aisance", constate-t-elle, avant de souligner la concentration des certificats dans le secteur diffus du bâtiment (90%), notamment le bâtiment résidentiel (80%). Dix opérations représentent 67% des certificats attribués depuis l'origine dont 43% concernent le chauffage et 21% l'isolation des bâtiments. "En revanche, les certificats sont peu collectés dans l'industrie, environ 6%, et encore moins dans les transports (moins de 1%)."

Efficacité "difficile à mesurer"

Concernant le coût du dispositif, la Cour note qu'il est "limité pour l'Etat", puisque les certificats "sont financés directement par les obligés". Le coût moyen unitaire sur la deuxième période pour la plupart des obligés est fixé à 0,4 centime d'euro par kWh cumac. La Cour appelle cependant à réduire la part des coûts administratifs de gestion des dossiers - estimée à 20% du coût unitaire -, par une simplification des procédures, et à analyser "l'impact du mécanisme sur les prix de vente, en particulier les tarifs réglementés de l'électricité".
La Cour juge que l'efficacité du dispositif est actuellement "difficile à mesurer". Selon elle, "il n'est pas possible de déterminer la part qui revient uniquement aux CEE" entre les différentes mesures d'économies d'énergie : crédit d'impôt, éco-prêts, subvention. Les études disponibles "montrent que les certificats ne sont souvent pas à l'origine de la décision de faire les travaux", mais "accélèrent le passage à l'acte". Elles sont toutefois jugées "insuffisantes" pour "chiffrer l'efficacité des certificats". La Cour formule à cet égard trois recommandations : "la révision triennale des fiches qui servent à calculer les économies d'énergie des opérations éligibles" ; "un meilleur accompagnement des investisseurs, notamment des ménages", "la professionnalisation du secteur du bâtiment dans le domaine des économies d'énergies". Quant à l'objectif de lutte contre la précarité énergétique, il reste à "concrétiser" pour la Cour. Malgré l'existence du programme "Habiter mieux" mis en œuvre par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), "qui a permis d'utiliser le mécanisme des CEE au profit d'opérations ayant une double justification sociale et de maîtrise de l'énergie (…), la complexité du programme et la difficulté d'identification des publics cibles ont conduit à un démarrage très lent et à un retard qui ne semble pas pouvoir être comblé", constate le rapport.

Simplifier

A partir de ce constat et compte tenu de "la grande lourdeur de l'administration ", la Cour appelle à "simplifier la gestion matérielle des CEE", notamment en "standardisant les documents", afin de permettre au pôle national qui gère les procédures de "combler le retard d'un an qu'il affiche dans le traitement des dossiers". Le Cour émet également des critiques sur le registre national Emmy, qui permet d'enregistrer les certificats détenus par les acteurs : "Les transactions effectués sur le registre sont marquées par une absence de transparence sur les prix ; certaines opérations suspectes devraient provoquer une redéfinition des règles de fonctionnement et de contrôle des services concernés. "
Enfin, la Cour émet des recommandations pour la troisième période (1er janvier 2015-31 décembre 2017). Elle invite notamment à "fixer des objectifs en fonction des engagements de la France, des gisements et des résultats actuels", alors que la directive européenne de 2012 sur l'efficacité énergétique prévoit dans son article 7.1 la création d'un mécanisme d'obligation dont l'objectif est sensiblement supérieur à celui de la deuxième période des CEE.
Alors que le ministère de l'Energie envisage de fixer un objectif de 600 TWh cumac pour la troisième période, "soit un rythme moyen environ double de celui d'obtention des CEE observé de juillet 2012 à juillet 2013 (105 TWh cumac)", la Cour des comptes prévient que cet objectif aura probablement pour conséquence "une plus grande concurrence entre les obligés" et "un impact sur les types d'action donnant lieu à des certificats d'économies d'énergie, sur leurs modalités d'obtention ainsi que sur leurs prix et par conséquent sur les prix de l'énergie". "Aussi les objectifs de la troisième période et donc la part des CEE dans la politique d'efficacité énergétique ne peuvent-ils être fixés que dans le cadre plus global des objectifs prioritaires de cette politique, et par rapport à l'évolution des différents outils à la disposition des pouvoirs publics, en commençant par le prix de l'énergie lui-même", souligne la Cour.

 

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