Lutte contre l'exclusion - Une feuille de route pour l'an II du plan Pauvreté
Dans le cadre d'un déplacement à Cergy, le 24 Janvier 2014, Jean-Marc Ayrault a présenté la deuxième "feuille de route" de la mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale lancé un an plus tôt (voir notre article ci-contre du 22 janvier 2013). La veille, le Premier ministre avait reçu des mains de François Chérèque et Simon Vanackere, tous deux membres de l'Inspection générale des affaires sociales, le rapport sur l'évaluation de la première année de mise en œuvre du plan (voir notre article ci-contre du 23 janvier 2014).
Cette feuille de route pour 2014 s'efforce d'apporter des réponses aux points faibles ou aux retards pointés par le rapport de l'Igas, même si celui-ci a jugé "globalement positif" le bilan de la première année. Les orientations du Premier ministre couvrent ainsi les sept "paquets" du plan, autrement dit les sept grands thèmes qui avaient fait l'objet de groupes de travail spécifiques.
Sur un sujet transversal, Jean-Marc Ayrault a commencé par affirmer que "le gouvernement mènera avec conviction les Etats généraux du travail social, qui nous permettront de réfléchir collectivement au sens et aux modalités d'exercice de leur métier par les professionnels de l'action sociale et médicosociale". En sachant que les premières Assises interrégionales du travail social, qui doivent précéder la phase de synthèse à l’échelle nationale prévue à partir de l'été prochain pour "refonder le travail social", s'organisent actuellement (celles de l'interrégion Paca-Corse-Languedoc Roussillon auront lieu ce 31 janvier). En sachant aussi que la filière sociale et médicosociale étant un peu "sur les nerfs" face à la montée de la demande sociale, le gouvernement entend manifestement avancer avec prudence, pour éviter que les Assises dérivent vers des revendications catégorielles (accès au cadre A, équivalences européennes...) ou professionnelles (renforcement de moyens).
Priorité au paquet emploi
Sur le paquet emploi - qui occupe une bonne part de la feuille de route -, Jean-Marc Ayrault a indiqué que "la réforme très attendue du RSA activité et de la prime pour l'emploi constituera un volet prioritaire de la remise à plat fiscale" (voir notre article ci-contre du 24 janvier 2014). Sur ce point, le rapport de l'Igas aura eu le mérite de donner un coup d'accélérateur à une réforme qui semblait quelque peu enlisée après les attentes suscitées par le rapport Sirugue de juillet 2013 et le quasi-consensus sur la fusion de ces deux prestations. Le fait que le Premier ministre lie la fusion RSA-PPE au chantier titanesque de la réforme fiscale laisse toutefois planer un doute sur sa mise en œuvre effective en 2014.
Autre orientation de la feuille de route dont la concrétisation ne relève sans doute pas du court terme : "refaire du CDI le support d'accès normal au marché du travail". L'allongement de la durée des contrats aidés et l'encadrement annoncé des stages étudiants apparaissent en revanche plus accessibles, même si la seconde mesure risque de raviver les difficultés propres aux stages effectués dans le secteur social et médicosocial.
Toujours en matière d'emploi, Jean-Marc Ayrault a confirmé la création de 50.000 emplois d'avenir, qui s'ajouteront aux 100.000 de 2013, ainsi que la mise en place de 10.000 "garanties jeunes" en septembre prochain - dans le cadre de l'expérimentation de cette nouvelle prestation -, avant une seconde vague de 20.000 bénéficiaires.
Accès aux droits : des mesures déjà votées
En matière d'accès aux droits, certaines mesures inscrites sur la feuille de route 2014 sont en réalité déjà votées, comme la double revalorisation de l'Aspa (allocation de soutien aux personnes âgées), qui figure dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (voir notre article ci-contre du 27 novembre 2013). Plus surprenant : le Premier ministre annonce la possibilité de cumuler l'Aspa avec des revenus du travail, alors que les députés socialistes ont rejeté une proposition de loi sur le sujet en avril dernier (voir notre article ci-contre du 29 avril 2013).
La convention d'objectifs et de gestion (COG) 2013-2017 signée entre l'Etat et la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) prévoit, on le sait, l'organisation annuelle, par les CAF de 100.000 "rendez-vous des droits", permettant d'aller au devant des publics les plus fragiles. La feuille de route le mentionne, tout comme elle indique que quatre millions de foyers bénéficieront des tarifs sociaux de l'énergie, une mesure - elle aussi - déjà actée (voir notre article ci-contre du 19 novembre 2013). Sans oublier le lancement de l'expérimentation d'un dossier unique pour les demandes de prestations sociales (voir notre article ci-contre du 21 janvier 2014).
Famille, surendettement et santé
A propos des autres domaines du plan Pauvreté, Jean-Marc Ayrault a notamment inscrit sur la feuille de route des mesures en faveur de la famille et de l'enfance, comme les premières revalorisations de l'allocation de soutien familial (ASF) et du complément familial. De même, il a affirmé que "la mise en œuvre du quota minimum de 10% de places en crèches pour les familles pauvres sera rigoureusement suivie par la Cnaf".
Du côté de la lutte contre le surendettement, la feuille de route prévoit la publication, "avant la fin de 2014", des dispositions réglementaires sur la création du registre national des crédits, prévue dans le cadre du projet de loi pour la consommation. D'autres mesures sont également au programme, comme le plafonnement des commissions d'intervention - notamment pour les ménages fragiles -, le renforcement du droit au compte, ou encore le déploiement du réseau des points conseil budgets, "dans une logique d'accueil de proximité".
En matière de santé, 2014 verra une nouvelle hausse du plafond d'accès à l'ACS (aide à l'acquisition d'une complémentaire santé), une mesure déjà adoptée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (voir notre article ci-contre du 27 novembre 2013). Après l'annulation de la mesure par le Conseil constitutionnel pour cause de "cavalier social" (voir notre article ci-contre du 6 janvier 2014), le gouvernement présentera à nouveau une disposition permettant la reconduction automatique de l'ACS pour les bénéficiaires du minimum vieillesse - un point qui, là encore, répond à l'une des propositions du rapport Chérèque. Enfin, les travailleurs modestes n'auront plus besoin que de 150 heures par trimestre - contre 200 heures aujourd'hui - pour avoir accès aux indemnités journalières en cas de maladie, d'invalidité ou de congé maternité.
Le chantier inachevé du logement
Reste le "paquet" du logement, largement pointé du doigt par le rapport de l'Igas. Tout en soulignant "le volontarisme du gouvernement, et en particulier de Cécile Duflot", le Premier ministre a reconnu que "la situation que nous connaissons cet hiver reste néanmoins problématique sur le terrain". Mais au-delà du rappel des mesures générales contenues dans le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) en cours d'examen au Parlement - garantie universelle des loyers (mise en place au plus tard le 1er janvier 2016, y compris pour les meublés), encadrement des loyers, renforcement de la lutte contre l'habitat indigne... -, la feuille de route ne prévoit pas de dispositions véritablement nouvelles en matière d'hébergement. On saura simplement que l'année 2014 devrait être "celle de l'accès à des solutions dignes pour les personnes sans domicile ou habitant dans des bidonvilles, grâce notamment au travail du délégué interministériel à l'hébergement et au logement". Elle verra également la mise en œuvre d'un plan d'action en faveur du relogement des personnes reconnues prioritaires au regard du Dalo (droit opposable au logement). Pour cela, il est notamment prévu de "renforcer l'action des services déconcentrés pour améliorer le Dalo" et de "mobiliser le parc privé par le biais de l'intermédiation locative" dont François Chérèque avait beaucoup parlé la veille.
Clarifier la gouvernance
Jean-Marc Ayrault s'est également attardé sur la gouvernance du plan Pauvreté, critiquée par les associations (voir notre article ci-contre du 16 janvier 2014) et, dans une moindre mesure, par le rapport de l'Igas. Il a ainsi insisté "sur l'enjeu essentiel de la gouvernance territoriale des politiques de solidarité". Le Premier ministre a notamment rappelé que "le projet de loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, qui sera promulgué prochainement, identifie le département comme chef de file sur l'action sociale, le développement social, les actions de résorption de la précarité énergétique, l'autonomie des personnes et la solidarité des territoires". Au-delà de cette réaffirmation du rôle du département, la clarification attendue "passera aussi par la mise en place de modalités concrètes de concertation et de travail collectif, à l'échelon départemental et infra-départemental", dans lesquelles les services déconcentrés de l'Etat "doivent prendre toute leur part".