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Social - Le plan Pauvreté, un an après : plutôt bien, mais à confirmer

François Chérèque et Simon Vanackere ont remis ce 23 janvier à Jean-Marc Ayrault leur rapport d'évaluation du plan contre la pauvreté. La tonalité est globalement positive. La mobilisation de tous les acteurs - Etat, collectivités, associations - est saluée. L'Igas insiste sur la fusion RSA-PPE, alerte sur le problème spécifique de l'hébergement d'urgence, promeut l'intermédiation locative... et compte muscler encore ses travaux à venir.

Mobilisation, implication et... accélération : ainsi pourrait-on résumer le rapport sur l'évaluation de la première année du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. François Chérèque, aujourd'hui membre de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), a remis ce document ce 23 janvier à Jean-Marc Ayrault, lequel doit présenter lui-même les conclusions qu'il entend en tirer dans le cadre d'un déplacement à Cergy-Pontoise ce 24 janvier.
La méthode d'élaboration de ce rapport de plus de 250 pages (sans compter les pièces jointes...) est originale, puisque François Chérèque et Simon Vanackere ne se sont pas contentés de l'approche traditionnelle, à grand renfort d'indicateurs chiffrés et de travail avec les administrations centrales. Ils ont aussi organisé une trentaine de réunions territoriales, qui ont rassemblé plus de 6.000 personnes et permis de prendre le pouls du terrain. Les auteurs y voient la confirmation que "le plan suscite des attentes fortes".

Un bilan globalement positif...

Ce premier bilan intervient dans un contexte de dégradation de la situation économique et de l'emploi, qui n'a pas manqué de peser sur la mise en œuvre du plan. Cette dégradation se lit, par exemple, dans les chiffres des bénéficiaires du RSA, qui ont progressé de 6,8% entre juin 2012 et juin 2013, contre 3,1% sur les douze mois précédents.
Le rapport estime qu'"en matière de mise en œuvre du plan et de lancement des différents chantiers prévus, l'appréciation d'ensemble est globalement positive". Ce jugement recouvre toutefois des tendances contrastées.
Ainsi, les auteurs relèvent une "forte mobilisation" de l'ensemble des acteurs du plan - services de l'Etat, collectivités territoriales, monde associatif... -, d'ailleurs attestée par les nombreux participants aux réunions locales organisées par la mission. Le plan national se serait ainsi traduit par une véritable démarche de territorialisation, avec en particulier le développement d'une approche partenariale de sa mise en œuvre et la définition de modalités concrètes de pilotage dans la plupart des régions. Le rapport se plaît également à souligner "la richesse et l'inventivité des politiques déployées dans les territoires". Présentant son rapport à la presse juste après la remise du document à Jean-Marc Ayrault, François Chérèque a toutefois reconnu que "dès que l'on tombe sur des dispositifs ou des politiques reposant sur une coconstruction - une coconstruction Etat, conseil général, communes, associations -, là, c'est parfois compliqué". Il en a d'ailleurs profité pour préconiser que l'on "renforce le conseil général dans sa fonction de chef de file de l'action sociale".

Bons et mauvais points

Il est en revanche plus nuancé sur la mise en œuvre des mesures prévues par le plan. Certes, un certain nombre d'avancées significatives figurent dès à présent à l'actif du bilan. L'Igas évoque ainsi la revalorisation du RSA socle, l'augmentation des plafonds d'accès à la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) ou à l'ACS (aide à l'acquisition d'une complémentaire santé) - une mesure déjà mise en œuvre à plusieurs reprises dans les années récentes, avec des résultats limités -, le lancement de l'expérimentation de la "garantie jeunes" ou encore l'allongement de la durée des contrats aidés.
Mais, comme le montre cette énumération, le bilan est très variable selon les "paquets", autrement dit les sept grands thèmes qui avaient fait l'objet de groupes de travail spécifiques. Les avancées sont notables sur le paquet "emploi" et - dans une moindre mesure - sur les paquets "gouvernance des politiques de solidarité", "santé", "enfance et famille" (impacté par le retard de la signature de la convention d'objectifs et de gestion de la branche famille) et "inclusion bancaire et surendettement".
En revanche, les intentions restent à concrétiser pour le paquet "accès aux droits" (l'accélération récente du chantier du dossier unique de demande sociale répond en partie à cette critique). Et, surtout, le rapport fait état de la persistance de "difficultés importantes" sur le paquet "hébergement-logement".
Bien que la question soit politiquement et humainement délicate - les associations semblent d'ailleurs peu enclines à en parler -, François Chérèque reconnaît que les efforts en la matière se trouvent en partie obérés par la forte croissance du nombre de demandeurs d'asile "en cours de procédure, comme déboutés". "Nous soulevons le problème, nous disons qu'il faut prendre une décision, notamment par rapport à ces demandeurs d'asile qui sont dans une zone grise, ni expulsables ni régularisables", explique-t-il. En indiquant que ces demandeurs occupent en moyenne 20% des places des centres d'hébergement d'urgence de droit commun (et jusqu'à 50% dans certains centres), ce qui donne inévitablement lieu à "des confrontations".
Toujours sur ce volet "hébergement-logement", François Chérèque a indiqué que le Premier ministre se serait montré particulièrement attentif à l'idée de miser sur le développement de l'intermédiation locative, y compris pour l'accès au parc social.

Pour un "co-portage" Etat-départements et la fusion RSA-PPE

Ces constats amènent la mission à formuler 43 recommandations. Celles-ci portent notamment sur la gouvernance du plan, avec en particulier une meilleure distinction entre pilotage stratégique (à l'échelon régional) et pilotage opérationnel (à l'échelon départemental) et sur la mise en œuvre d'un "co-portage" du plan "entre l'Etat et les conseils généraux, tant au niveau régional que dans les départements".
L'essentiel des recommandations concernent toutefois la mise en œuvre des mesures prévues par le plan et l'engagement d'un certain nombre de "travaux prospectifs". On en retiendra notamment un nouveau plaidoyer pour la fusion du RSA activité et de la prime pour l'emploi (PPE), la nécessité d'accélérer la réflexion sur le travail social (les Etats généraux seraient désormais prévus pour décembre 2014) ou la réintroduction de certains thèmes insuffisamment traités dans la version initiale du plan, comme l'aide alimentaire, la participation des bénéficiaires aux instances de décision ou les simplifications administratives.
François Chérèque et Simon Vanackère ont insisté sur cette fusion RSA-PPE déjà largement explorée par le rapport Sirugue de juillet dernier et qui semble faire l'unanimité. Le problème vient du fait que le gouvernement entendait faire une réforme "à coût constant". "Or nous expliquons que ce n'est pas possible", souligne Simon Vanackère, rappelant qu'"un dispositif fiscal comme la PPE n'est pas forcément le meilleur levier", à la fois parce qu'il est versé annuellement et parce qu'il pose "un problème de visibilité".

"Creuser certains sujets"

Sur d'autres sujets en revanche, les rapporteurs préfèrent rester prudents. Par exemple sur la garantie jeunes, que les associations souhaiteraient voir généraliser rapidement. "Le super truc que l'on généralise avant d'avoir fini son expérimentation, on sait ce que ça donne... ça donne le RSA activité et ses deux-tiers de non recours..."
L'Igas formule d'ailleurs plusieurs propositions liées à cette problématique du non-recours, dont celle de systématiser le bénéfice de certaines prestations. Ainsi par exemple, pourquoi obliger une personne âgée touchant le minimum vieillesse à faire tous les ans des démarches pour avoir droit à l'ACS alors même que ses ressources et sa situation sont stables ?
Si "une nouvelle feuille de route" doit être dévoilée par le Premier ministre ce 24 janvier, François Chérèque sait qu'un deuxième rapport devra être remis dans un an. Il demande d'ailleurs à pouvoir bénéficier du soutien d'autres inspections "pour mieux creuser certains sujets, notamment le logement". La mise en oeuvre de la future loi Alur fera d'ailleurs partie des sujets sur lesquels il compte se montrer particulièrement "vigilant" pendant l'année qui vient. De même que la mise en oeuvre de la loi bancaire ou encore la mise en oeuvre de la COG de la Cnaf, notamment au regard des "rendez-vous des droits" et de l'accès des familles pauvres aux modes de garde petite enfance.

 

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