Réforme du permis de construire - Une application jugée "perfectible"
Clarification des procédures, sécurisation des délais, responsabilisation des acteurs : telles sont pour le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) les principales avancées de la réforme du permis de construire entrée en vigueur le 1er octobre 2007. Mais les auteurs de ce rapport d'évaluation réalisé à la demande du secrétaire d'Etat au Logement et à l'Urbanisme jugent aussi l'application de la réforme "perfectible" et formulent 24 propositions d'amélioration.
La première serait d'"organiser la collecte, le traitement et l'exploitation d'informations statistiques homogènes relatives à l'instruction et à la délivrance des actes d'autorisations d'occupation du sol, quelle que soit l'autorité compétente" pour mieux appréhender le fonctionnement du système. En effet, souligne le rapport, l'administration ne possède pas aujourd'hui d'informations complètes et fiables portant sur l'ensemble des actes d'urbanisme instruits par les collectivités locales, ne serait-ce que leur nombre, et elle ne peut suivre les points saillants de la réforme (évolution des délais d'instruction, pourcentage d'autorisations tacites, notamment) qu'à partir de données incomplètes résultant des actes instruits par les services de l'Etat (près des trois quarts du total des actes).
Un guide de l'instructeur
En outre, si la réforme n'est pas contestée, des pratiques hétérogènes sont à l'oeuvre, note le CGEDD, et l'Etat est fortement sollicité pour fournir harmonisation et doctrine. Cette dernière doit être coproduite avec les collectivités, qui sont les autorités compétentes et sont de plus en plus nombreuses à procéder à l'instruction des actes, insiste-t-il. L'édition d'un guide de l'instructeur serait ainsi jugée très utile. Le CGEDD propose aussi de mettre en place un dispositif de suivi et d'harmonisation de l'instruction des autorisations d'occupation des sols associant les différentes parties prenantes à deux niveaux - national et régional - sous l'autorité des préfets et animé par la Dreal en tant que service déconcentré du ministère de l'Ecologie en charge de l'urbanisme.
Le recours aux technologies de l'information et de la communication doit également être accru, suggère le rapport. Pour cela, il faudrait fixer, en accord avec les collectivités "une ambition et un calendrier précis dans le domaine du suivi informatisé et de la dématérialisation de l'instruction des autorisations d'urbanisme et concevoir un dispositif de suivi impliquant les partenaires", arrêter une échéance à laquelle les documents d'urbanisme devraient être obligatoirement numérisés et veiller à la cohérence des systèmes informatiques et statistiques entre l'Etat et les collectivités locales.
Le rapport juge "inéluctable" que les collectivités prennent de plus en plus en charge l'instruction des permis de construire, en particulier au niveau des intercommunalités. Mais même s'ils ont de moins en moins d'actes à instruire, les services de l'Etat devront garder des compétences pour faire face à leurs obligations, en particulier à l'égard des communes non couvertes par un plan local d'urbanisme, et pour permettre à l'Etat lui-même d'exercer ses missions régaliennes. Le CGEDD préconise donc de développer des démarches qualité formalisées pour que la qualité de l'instruction effectuée par les services de l'Etat soutienne la comparaison avec les meilleures collectivités locales.
Simplifier les formulaires
La réforme de 2007 avait également pour objectif de simplifier le Code de l'urbanisme et des efforts notables ont été réalisés en ce sens, saluent les auteurs du rapport. Mais les utilisateurs "occasionnels" du code peuvent se sentir perdus : dans la nouvelle rédaction, il faut consulter au moins quatre endroits différents du code pour lire les dispositions concernant les quatre procédures opérationnelles (permis de construire, d'aménager, de démolir et déclaration préalable). Le CGEDD conseille donc de développer l'utilisation de l'informatique pour faciliter la lecture des textes codifiés et les regroupements de leurs articles par thèmes. Il serait aussi souhaitable selon lui de mettre en place une évaluation continue et permanente de l'instruction rendant compte des difficultés d'application du code.
Le rapport conseille aussi de continuer à simplifier et à améliorer les formulaires accompagnant les demandes d'autorisation et de mettre en ligne de véritables formulaires "interactifs" qui pourraient s'adapter au cas spécifique du demandeur. Il recommande également à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) d'écarter les définitions trop complexes lors de l'unification de la notion de surface de référence pour les constructions. Autres aménagements préconisés : permettre aux collectivités territoriales de compléter la liste des pièces exigibles lorsqu'elles sont nécessaires à l'instruction, "sous condition de transparence et de maintien des délais", et adapter le formulaire Cerfa n°13411*01 "Modification de permis délivré en cours de validité" aux demandes de modification d'un permis en cours d'instruction.
Dans un souci d'amélioration de la sécurité juridique, le rapport propose aussi d'homogénéiser les différents libellés d'habilitation à déposer des demandes et d'apporter par décret des précisions sur la notion de construction existante aujourd'hui source de difficultés d'interprétation pour le demandeur et l'instructeur et objet de débats ardus entre juristes. Cette notion jugée "d'une grande complexité" est fondamentale car elle est utilisée pour déterminer la procédure applicable, les travaux portant sur des constructions existantes pouvant être soumis à des règles différentes de celles régissant les constructions nouvelles.
Etendre le champ d'application de la déclaration préalable
Le rapport du CGEDD insiste aussi sur la nécessité de "consolider le régime déclaratif". Les déclarations préalables sont devenues une procédure à part entière, les seuils entre déclarations et permis dépendant à la fois de l'importance de la construction projetée et du degré de protection du secteur. Le rapport juge logique qu'après deux années d'expérience de la réforme, des ajustements de seuils soient proposés. Parmi les pistes de réflexion à ouvrir, il suggère d'étudier une faculté, même limitée, de retrait en cas d'illégalité manifeste et d'étendre le champ de la déclaration préalable pour les travaux sur construction existante. Pour certains types de travaux (changement de destination avec modification des constructions existantes et/ou dans certains secteurs protégés), il propose d'instaurer une procédure particulière de déclaration préalable régie par la loi sur l'architecture de 1977 (dépôt par un architecte ou un agréé en architecture). Il juge aussi possible de dispenser de récolement obligatoire, dans certaines situations (parc national, secteur couvert par un plan de prévention des risques), les constructions dont la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux (DACT) a été visée par l'architecte ayant dirigé les travaux.
Simplifier le régime du lotissement
Mais c'est au sujet des lotissements que le rapport émet le jugement le plus sévère. "La réforme de 2007 a introduit dans le domaine du lotissement, il est vrai déjà complexe, au moins autant de questions qu'elle en a résolu", estime-t-il. La plupart des critiques se cristallisent sur le régime des lotissements dépendant d'une simple déclaration et la DHUP a déjà prévu des "modifications substantielles" au régime actuel, souligne le rapport. Le permis d'aménager pourrait ainsi être réservé aux opérations comportant de réels aménagements et les divisions parcellaires seraient soumises à déclaration. Le CGEDD propose d'aller encore plus loin dans la simplification en autorisant, moyennant garanties, la délivrance des permis de construire dans les lotissements dès l'obtention du permis d'aménager et en envisageant, pour les divisions sans aménagement, soit la suppression de toute formalité, soit la création d'une déclaration préalable adaptée.
Il préconise aussi de continuer d'harmoniser le Code de l'urbanisme et les législations indépendantes, notamment le Code du patrimoine. Il faudrait ainsi "donner de la cohérence aux limites entre régime déclaratif et autorisations". Autre suggestion : ramener de 6 à 4 mois le délai d'instruction des permis pour les projets situés dans le périmètre de protection des monuments historiques. La consolidation, à l'intérieur du Code de l'urbanisme, de toutes les autres législations, rend les dispositions difficiles à lire, pointe aussi le rapport, qui plaide pour une réécriture et davantage d'harmonisation, notamment concernant les délais accordés pour recueillir les accords ou les autorisations nécessaires au titre des différentes législations.
Permettre aux collectivités d'adapter des dispositions de l'instruction
Enfin, le CGEDD recommande d'"offrir à terme aux collectivités locales, en fonction des besoins exprimés, des marges de manœuvre pour adapter certaines dispositions de l'instruction". "Un corpus de règles homogènes au niveau national ne doit pas constituer un carcan : il doit, au contraire, ménager des souplesses, des respirations, adaptées aux situations locales", estime-t-il en notant que "le législateur offre déjà quelques marges de manœuvre aux exécutifs locaux pour déroger aux règles du plan local d'urbanisme (PLU) ou pour soumettre à procédure des projets qui ne le sont pas de droit commun".
La possibilité d'organiser de nouvelles adaptations serait naturellement encadrée, précise le rapport. Ses limites seraient fixées dans le code l'urbanisme. Seules les collectivités dotées d'un PLU et instruisant elles-mêmes ou par l'intermédiaire d'une intercommunalité les demandes d'autorisation d'occupation du sol pourraient en bénéficier. Elles devraient en outre être justifiées, notamment par le projet d'aménagement et de développement durable (PADD), et "accompagnées de mesures d'information et de publicité adéquates, telle qu'une délibération motivée".
Anne Lenormand