Urbanisme - Réforme des autorisations d'urbanisme : premier état des lieux
La réforme des autorisations d'urbanisme qui entrera en vigueur le 1er octobre prochain va bouleverser nombre d'habitudes et de pratiques et suscite d'ores et déjà beaucoup de questionnements. En organisant une journée d'étude sur le contenu du décret du 5 janvier 2007, principal texte d'application de l'ordonnance du 8 décembre 2005 fixant les principes de la réforme, le Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat (Gridauh) a d'abord cherché à faire oeuvre de pédagogie.
"La réforme a vocation à rendre le droit de l'urbanisme plus lisible et à remédier à l'imprévisibilité des conditions d'instruction pour les pétitionnaires", a rappelé Brigitte Phémolant, président-assesseur à la cour administrative d'appel de Douai, qui a participé à la conception du décret. Les conditions d'opposabilité des règles d'urbanisme ont ainsi été clarifiées. "Cela devrait simplifier l'action des communes pour obtenir le respect de la planification qu'elles ont instituée", a commenté Brigitte Phémolant.
Par ailleurs, le décret a précisé que l'administration doit refuser l'autorisation ou s'opposer à la déclaration préalable lorsque le projet ne respecte pas les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et l'aménagement de leurs abords ou s'ils ne sont pas compatibles avec une déclaration publique. Deux exceptions sont prévues : pour les constructions temporaires, dont la liste et la durée d'implantation sont fixées par le décret, et pour les constructions faisant l'objet d'un permis délivré à titre précaire (constructions provisoires dont la durée excède celle des implantations temporaires).
Autres éléments-clés de la réforme : la réduction du nombre des procédures, assujetties à des règles communes d'instruction. L'ordonnance du 8 décembre 2005 a institué trois permis, en fonction des travaux susceptibles d'être exécutés (permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir) et une déclaration préalable. Ces procédures vont remplacer les onze régimes d'autorisation et les cinq régimes de déclaration actuels. Leur champ d'application est aussi déterminé de façon précise et exhaustive, de même que ce qui n'est pas soumis à formalité.
Certaines notions qui rencontraient des difficultés d'application ont été reprécisées : c'est notamment le cas du changement de destination, qui bénéficie d'une acception exclusivement fonctionnelle, ou du lotissement, concept désormais réservé au contrôle de la création de terrain à bâtir sur lesquels seront ensuite déposées des demandes de permis de construire.
Délais plus prévisibles
En ce qui concerne le déroulement de l'instruction, qui a focalisé le plus grand nombre de critiques avant la réforme, le décret fixe un cadre très précis qui peut entraîner des conséquences juridiques favorables au demandeur, en cas d'inertie de l'administration.
Pour le certificat d'urbanisme, il prévoit la délivrance d'un certificat tacite, garantissant le droit applicable pendant 18 mois. Pour le permis de construire, le demandeur aura une meilleure visibilité sur les délais. Le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception en mairie d'un dossier complet dont le contenu est fixé avec précision. S'il manque des pièces, l'administration dispose d'un délai d'un mois pour les réclamer. La réforme a aussi pour ambition de favoriser la qualité de l'architecture et de l'urbanisme. Pour cela, les dossiers devront comporter une notice expliquant en quoi le projet change l'état initial des lieux.
L'instruction est close à l'expiration du délai de droit commun (un mois pour les déclarations préalables, deux mois pour les permis de construire une maison individuelle et les permis de démolir, trois mois pour les autres permis de construire et les permis d'aménager). Ce délai ne peut être majoré que dans des cas précis et le demandeur doit en être informé au cours de l'instruction.
Autre élément important : la clarification des responsabilités de l'administration et des autres acteurs. Certaines questions relèveront de celle du demandeur (tout ce qui concerne la propriété du terrain, les aménagements intérieurs et la surface hors oeuvre nette). Au stade du contrôle des travaux, le constructeur ou son architecte déclarera sous sa responsabilité avoir réalisé les travaux conformément à l'autorisation qui lui avait été délivrée. Lorsque des études spécifiques sont demandées (normes parasismiques, études imposées par un plan de prévention des risques, par exemple), l'attestation d'un bureau d'études sera exigée. L'administration ne délivrera plus de certificat de conformité mais disposera d'un délai pour procéder au recollement des travaux.
Enfin, les conditions dans lesquelles le délai du recours contentieux commence à courir ont été modifiées. Aucune action ne sera recevable à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date d'achèvement de la construction ou de l'aménagement attestée par le constructeur.
Si le décret du 5 janvier 2007 permet d'avoir une vue complète des changements, d'autres textes d'application sont attendus d'ici au 1er octobre concernant notamment le régime de la restauration immobilière. Les formulaires et les modèles d'arrêtés vont aussi être refondus. L'un des grands défis des mois à venir sera aussi de préparer sur le terrain le démarrage de la réforme. 350 formateurs se préparent actuellement à former 9.000 personnes en charge de l'instruction des dossiers et 12.000 personnes qui accueillent les demandeurs en mairie.
Craintes de contentieux
Reste à savoir si une fois mise en oeuvre, la réforme apportera tous les bénéfices escomptés. Certains juristes craignent d'ores et déjà des difficultés d'application. "Dès lors que l'administration n'a plus à exercer de contrôle sur la construction, on peut s'attendre à un risque élevé de contentieux, a mis en garde Michel Ricard, avocat au barreau de Paris. De nombreuses questions de droit privé risquent de basculer dans le domaine judiciaire." Pour Agnès de Fleurieu, présidente de la section droit, logement et société au Conseil général des Ponts et Chaussées, la réussite de la réforme passe par une amélioration de la qualité des documents d'urbanisme. "Plus leur contenu intégrera toutes les contraintes propres au territoire et plus ils auront donné lieu à concertation avec les habitants et les élus, moins il y aura de contentieux", estime-t-elle.
Anne Lenormand