Réforme des autorisations d'urbanisme - Un an après, un bilan plutôt satisfaisant

Un peu plus d'un an après son entrée en vigueur, le 1er octobre 2007, la réforme des autorisations d'urbanisme affiche un bilan positif, malgré certaines difficultés d'application concernant surtout les lotissements.

Un satisfecit global mais des difficultés pratiques dans la mise en oeuvre de certaines mesures. Tel est le constat dressé par les praticiens du droit lors d'une journée d'études organisée le 18 novembre à Paris par le Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat (Gridauh).
A l'actif de la réforme : une clarification des procédures et une responsabilisation des demandeurs visant à simplifier le travail d'instruction. On est passé de seize régimes d'autorisation à cinq, avec un alignement des dispositifs s'appliquant aux différentes autorisations et une identification plus précise des cas de dispense. Le système est devenu plus transparent pour les pétitionnaires, avec des délais d'instruction strictement encadrés et une meilleure sécurisation juridique des actes.
Ainsi, dès qu'un dossier est déposé, les services instructeurs ont un mois pour réclamer des pièces complémentaires. Si une prorogation du délai est nécessaire dans le cas de certains projets soumis à d'autres législations (périmètre des monuments historiques, établissements recevant du public, par exemple), le délai d'instruction du dossier doit être indiqué dans le mois qui suit le dépôt. Résultat : les décisions interviennent aussi plus rapidement. "En moyenne, les délais sont maintenant de 4 mois à Paris, hors complétude", a témoigné Francis Polizzi, sous-directeur du permis de construire et du paysage de la rue de la ville de Paris.

 

9.000 agents formés

Les contraintes liées aux délais et l'ampleur de la réforme (un tiers du Code de l'urbanisme a été réécrit) ont nécessité de la part  des agents instructeurs un gros effort d'adaptation. Ce travail d'instruction est mené à la fois par les agents des collectivités locales, dans les communes de plus de 10.000 habitants, et par ceux des DDE, qui interviennent auprès des communes plus petites. Ces derniers ont dû dans le même temps intégrer les nouvelles procédures et une organisation revue en profondeur puisque le nombre de centres d'instruction de la DDE a été réduit de moitié. "Il y a eu une forte rotation des effectifs et les centres sont aujourd'hui de taille plus importante mais les agents sont aussi plus éloignés du terrain et des administrés et travaillent essentiellement sur les pièces du dossier, ce qui n'est pas sans poser de problèmes", a souligné Pascal Planchet, professeur à l'université de Toulon et chargé de recherche au Gridauh. Pour intégrer les nouvelles procédures, 9.000 agents des collectivités et des DDE ont bénéficié d'une formation commune, grâce à un partenariat avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). De nombreux outils d'information ont été mis à leur disposition, avec notamment des questions/réponses enrichies régulièrement sur le site du ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire (Meeddat) et un service d'assistance juridique téléphonique créé au sein  du ministère avec l'appui du Gridauh.
Cette hotline a permis de faire remonter quelque 3.000 questions, surtout au cours des trois premiers mois d'application de la réforme. Plusieurs types de difficultés ont été pointées. Certaines étaient plus des interrogations liées aux changements de pratiques professionnelles : les services instructeurs ont parfois eu du mal à assimiler le caractère essentiellement déclaratif des éléments du dossier et la suppression de certaines pièces auparavant obligatoires sur lesquelles s'exerçait le contrôle administratif comme les plans intérieurs. Le fait pour l'instructeur de ne plus avoir à vérifier si la surface déclarée par le pétitionnaire est réellement celle qui va être réalisée a suscité un certain scepticisme, notamment sur la façon de réagir à d'éventuelles fraudes. Le respect des délais d'instruction, notamment  celui concernant les déclarations préalables, a aussi été délicat à gérer.

 

Problèmes d'interprétation des textes

Mais la majeure partie des difficultés rencontrées tenaient à l'interprétation des textes et le ministère a diffusé au fur et à mesure de leur remontée via la hotline les mises au point nécessaires.
Ainsi, concernant la transition entre les réglementations, le décret 2007-817 du 11 mai 2007 n'a pas répondu à tous les cas de figure. Il y a notamment eu de vives controverses au sujet de la gestion des divisions foncières effectuées avant le 1er octobre 2007 et dont la vente (partie détachée) se réalisait après cette date. Le ministère a tranché rapidement en décidant qu'aucune déclaration préalable ne devait être exigée si les plans de divisions avaient été déposés en mairie avant le 1er octobre. Autre interrogation fréquente : quel devait être le contenu de l'affichage des permis déposés avant le 1er octobre ? La position de l'administration a été de demander un affichage "le plus complet possible". Pour l'achèvement après le 1er octobre des travaux autorisés avant cette date, le ministère a rappelé qu'ils devaient faire l'objet d'une déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux (Daact).
Concernant le champ d'application des autorisations, les questions des services instructeurs ont porté davantage sur la modification des constructions existantes que sur les constructions nouvelles. Des difficultés sont notamment apparues pour déterminer si certains projets d'extension de constructions existantes relevaient du régime de la déclaration ou de l'autorisation préalable. Le ministère a une nouvelle fois tranché pour affirmer qu'un permis de construire était nécessaire dès lors que l'on augmentait à la fois le volume et que l'on perçait ou agrandissait des ouvertures dans les murs de façade existants. Il a aussi fallu apporter des précisions sur les nouvelles dispositions en vigueur concernant le changement de destination, en particulier sur le champ d'application de la déclaration préalable et du permis de construire. A propos de la nature des destinations finales et à venir, les services instructeurs ont été sensibilisés sur le caractère déclaratif des renseignements fournis par le demandeur, à qui il appartient de qualifier la destination.

 

Interrogations sur les lotissements

Mais ce sont les lotissements qui ont focalisé l'essentiel des difficultés d'application de la nouvelle législation. "La création du lotissement déclaré a fortement perturbé la pratique et la qualification de lotissement à de nouvelles opérations a notamment nécessité de résoudre les difficultés nées de l'inadéquation des dispositions des documents d'urbanisme avec la nouvelle réglementation et d'éclairer les conditions d'application de l'article R.123-10-1", a noté le Gridauh. Autre problème : l'interprétation de l'article R.442-2 du Code de l'urbanisme relatif au décompte des lots. L'administration considère qu'il n'y a lotissement soumis à déclaration préalable que dans la mesure où le propriétaire du terrain le divise afin de vendre la partie nue de toute construction. Par contre, si le propriétaire divise le terrain, vend la partie supportant la construction et garde le reliquat de terrain, aucune formalité n'est nécessaire, même s'il souhaite vendre. Cette position a été discutée par certains professionnels. Les services instructeurs et les professionnels ont également été très avides d'éclaircissements sur le champ d'application du permis d'aménager et de la déclaration préalable et sur la nécessité de se prononcer ou non sur les réseaux lors de l'instruction d'une déclaration préalable du lotissement. Ce à quoi le ministère a répondu que la question des réseaux n'avait pas à être examinée à ce stade mais lors de la demande du permis de construire.
Même s'il subsiste encore encore des interrogations, "la réforme a été avalée" par les services, a estimé Thierry Lemoine, sous-directeur de l'aménagement à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) du Meeddat  et président du conseil d'administration du Gridauh. Il n'y a pas non plus à ce stade d'explosion des contentieux mais il faut être prudent en la matière. "Si le contrôle de l'administration recule, notamment pour vérifier que le constructeur ne s'est pas trompé  vis-à-vis des tiers, on s'expose à un risque de contentieux en aval", a tempéré Yves Jegouzo, professeur à l'université Paris-I et directeur du Gridauh.
Pour l'articulation avec les autres législations, des ajustements seront aussi nécessaires. "Quand on a un projet soumis à enquête publique, il y a aujourd'hui divergence entre le Code de l'urbanisme et les autres codes comme celui de l'environnement en termes de délais", a fait remarquer Michèle Raunet, notaire.
La réforme n'est de toute façon pas totalement aboutie, a prévenu Philippe Baffert, chef du bureau de la législation de l'urbanisme à la DHUP, et "elle n'avait pas prétention à l'être". D'ici la fin de l'année, il a indiqué qu'un inventaire des points pratiques à régler serait réalisé, notamment pour répondre aux difficultés de chevauchement des différents codes. Il a aussi rappelé que l'article 13 du projet de loi Grenelle 2, qui a été envoyé la semaine dernière au Conseil d'Etat, prévoyait le maintien de la réforme, avec "la possibilité de faire un toilettage".

 

Anne Lenormand

 

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