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Formation professionnelle - L'offre de formation régionale est peu adaptée aux réalités économiques, jugent l'Igen et l'IGAENR

Dans un rapport, l'Inspection générale de l'éducation nationale (Igen) et l'Inspection générale de l'administration et de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) remettent en question l'offre de formations professionnelles au niveau régional, estimant qu'elle varie davantage en fonction des impératifs de qualification des jeunes que des réalités économiques locales. Le rapport avance plusieurs propositions, comme réduire le nombre de spécialités de l'enseignement professionnel.

"Le pilotage de l'appareil régional de formation professionnelle s'inscrit davantage comme une réponse aux impératifs de la scolarisation et de qualification des jeunes qu'aux réalités économiques locales, au demeurant, souvent mal connues." Dans un rapport finalisé fin juillet 2016 mais qui vient d'être publié, l'Inspection générale de l'éducation nationale (Igen) et l'Inspection générale de l'administration et de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) ont analysé la cartographie de l'enseignement professionnel, passant en revue les 136 spécialités de CAP, 114 spécialités de baccalauréats professionnels et brevets de métiers d'art et 169 spécialités de brevets de techniciens supérieurs.
Le verdict est assez dur. La décentralisation, amorcée avec la loi quinquennale de 1993, a consacré la région dans son rôle de pivot : elle est chargée de la coordination de l'ensemble des dispositifs de formation professionnelle placés sur son territoire. Cette loi devait remettre en cause la logique scolaire, responsable "aux yeux des promoteurs de la loi de l'inadaptation de l'appareil de formation aux réalités économiques locales". Avec la réforme, les formations professionnelles devaient être plus pointues et répondre davantage aux besoins des situations locales… Peine perdue, constatent les rapporteurs. La loi a mis un terme à la place centrale de l'Etat, et a inscrit l'élaboration de la carte des formations comme une compétence partagée, avec de nombreux acteurs et des procédures complexes. Qui plus est, les contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles (CPRDFP)*, qui sont censés analyser les besoins à moyen terme du territoire régional en matière d'emplois, de compétences et de qualifications et organiser la programmation des actions de formation professionnelle, présentent une analyse des situations économiques assez similaire d'une région à l'autre. "La quasi-totalité des schémas régionaux se détermine avant tout par rapport à des études nationales teintées par des données régionales souvent partielles, critique le rapport, les caractéristiques régionales énoncées se résument souvent à l'existence de quelques filières particulièrement représentées sur le territoire régional ou à l'impact de la crise économique sur les secteurs industriels classiques. Dans ce contexte, il devient difficile de parler de réelle stratégie régionale pour les CPRDFP."

Les acquis transversaux privilégiés

Autre problème concernant les CPRDFP : peu d'entre eux sont opérationnels. Ils ne mentionnent que peu les moyens nécessaires ou le calendrier de mise en œuvre. "On peut dès lors légitimement s'interroger sur le caractère opérationnel d'un tel contrat", souligne le document.
Un autre phénomène, plus culturel, empêche les formations professionnelles de tenir leur rôle et de répondre aux besoins des territoires. Il s'agit de l'idée, partagée par tous, qu'un bon niveau de culture générale (obtenu à l'école), associé à une certaine polyvalence, sur lequel s'adosserait une mise à niveau technique (obtenue en entreprise) serait le meilleur moyen pour répondre aux besoins des entreprises... En conséquence, les spécialités privilégiées sont celles dont les acquis sont transversaux ou qui peuvent être utilisés dans de nombreux secteurs d'activités. Quel que soit le secteur concerné (production ou services), à peine 20% des spécialités accueillent ainsi plus de 80% des élèves de CAP, d'après les données de l'Igen et de l'IGAENR et neuf spécialités sur 98 accueillent à elles seules plus de la moitié (55%) des effectifs du secteur de la production. Avec ce principe, "la montée en compétences s'obtient quasi exclusivement par la recherche du diplôme supérieur et l'offre de formation s'organise en ce sens", déplorent les inspections. Un tel système représente un obstacle pour ceux qui ne pourraient atteindre ces niveaux de qualification et fige une offre de formation qui chaque année n'évolue qu'à la marge.

Rendre les futurs CPRDFOP plus opérationnels

Face à ce constat sans concession, les inspections avancent plusieurs propositions. Elles recommandent ainsi de renforcer le caractère opérationnel des futurs contrats de plan régionaux de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP) qui doivent être finalisés d'ici 2017 (voir notre encadré ci-dessous), en y intégrant le calendrier, les principes et modalités concernant l'évolution annuelle de la carte des formations professionnelles et technologiques, de professionnaliser les acteurs et de simplifier les procédures de concertation.
Les auteurs proposent aussi de mettre en place un socle commun de connaissances et de compétences transposables à plusieurs métiers plutôt que d'adopter une approche par diplôme et spécialités, et de confier au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop) l'élaboration d'une cartographie des outils et des démarches retenues en matière de prospective pour identifier ce qui relève du niveau national et du niveau régional. Ils proposent enfin de rendre plus lisible et attrayante l'offre de formation en "réduisant significativement le nombre de spécialités de l'enseignement professionnel".
"Les régions font en sorte de répondre aux besoins en formation des secteurs professionnels (...) Cela ne tombe pas du ciel", s'est pourtant défendu François Bonneau, président délégué de l'Association des régions de France et président de la région Centre-Val de Loire, interrogé sur le sujet lors de la conférence de presse de rentrée de l'association, le 5 septembre. "Aujourd'hui, des pans entiers de l'économie ne trouvent pas de jeunes qualifiés. Dans les cartes régionales des formations, les régions mettent le projecteur sur certaines spécificités comme les besoins dans le tourisme et l'hôtellerie/restauration, l'industrie pharmaceutique et la cosmétique en région Centre-Val de Loire", a-t-il développé.

Emilie Zapalski

* L'analyse porte sur les contrats en cours au moment de la mission qui pour la plupart arrivent à leur terme en 2016 ou 2017.

CPRDFOP : Les régions pas prêtes pour 2017 ?
En 2016 a été initié le premier exercice de concertation pour l'élaboration des nouveaux contrats de plan régionaux de développement des formations et de l'orientation professionnelles tels que définis par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. Ces documents doivent permettre d'effectuer l'analyse des besoins à moyen terme du territoire régional en matière d'emplois, de compétences et de qualifications et d'organiser la programmation des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes, compte tenu de la situation et des objectifs de développement économique du territoire. D'après Gérard Cherpion, président de la commission emploi, formation professionnelle et apprentissage de l'Association des régions de France (ARF) et vice-président de la région Grand Est, aucune région ne sera prête pour le 1er janvier 2017, même celles qui n'ont pas changé de périmètre ou de majorité. Dans sa propre région du Grand Est, il fera "voter en décembre une méthode d'élaboration du CPRDFOP qui sera déclinée au cours du premier trimestre 2017". L'étape "politique" d'élaboration du document interviendra dans un deuxième temps.
E.Z.

 

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