Emploi / Formation - Formation professionnelle : l'ARF fait le point sur la réforme du 5 mars 2014
Dix-neuf mois après l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, les régions se sont appropriées les avancées obtenues. A l'occasion d'une rencontre organisée le 5 octobre 2015 par l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis), Pascale Gérard, présidente de la commission formation professionnelle de l'ARF et vice-présidente de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, a ainsi mis en avant la consécration des services publics régionaux de la formation professionnelle (SPRFP). "Un certain nombre de régions avaient déjà constitué et mis en place ces services publics mais jusqu'à cette loi, ils n'avaient pas d'existence juridique ni administrative. Désormais, ils sont consacrés par la loi", a-t-elle expliqué. Tel que décrit dans la loi, ce service doit permettre de rendre effectif l'accès à tous à un premier niveau de qualification, de faciliter l'insertion et les transitions professionnelles, d'adapter les qualifications proposées à chaque territoire, en fonction du tissu économique et de ses besoins, de garantir le droit d'accès à la formation et de mettre en place des programmes dédiés aux personnes en grande difficulté d'apprentissage et d'insertion.
La loi crée aussi la possibilité pour les régions de procéder à certains achats de formation dans le cadre du service d'intérêt économique général (Sieg), "un objet fort" selon Pascale Gérard. Le décret n°2014-1390 du 21 novembre 2014 précise ainsi la procédure : les régions peuvent habiliter des organismes de formation chargés de mettre en œuvre des actions d'insertion et de formation professionnelle, destinées à des jeunes et des adultes rencontrant des difficultés d'apprentissage ou d'insertion. L'habilitation dure cinq ans maximum. Elle fait l'objet d'une convention par laquelle la région confie à l'organisme "un mandat de service d'intérêt économique général" (Sieg). En contrepartie, l'organisme bénéficiaire obtient une "juste compensation financière". Et si la compensation financière représente un montant égal ou supérieur à 207.000 euros, la convention d'habilitation doit faire l'objet d'un avis d'attribution transmis à l'office des publications officielles de l'Union européenne (sur le sujet, voir aussi encadré ci-dessous sur la position de la Fédération de la formation professionnelle). "Cela ne nous exonère pas d'une procédure de transparence, mais sous la forme d'un appel à manifestation d'intérêt au lieu d'un appel d'offres, a détaillé Pascale Gérard, l'intérêt principal de cette procédure que permet l'habilitation, c'est que nous pouvons recevoir les personnes qui ont répondu, discuter avec elles, et négocier ou demander davantage que ce qu'elles proposent. On ne se limite pas, comme dans les appels d'offres, à une sélection sur dossier. On est dans la construction d'un service public qui va améliorer la qualité."
Un CPRDFOP et un SPRO pour chaque région
Autre avancée mise en avant par l'ARF : l'évolution du contrat de plan régional de développement des formations professionnelles (CPRDFP). Avec la loi du 5 mars, le CPRDFP devient le "contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles" (CPRDFOP). Il correspond à la stratégie régionale de formation professionnelle des jeunes et des adultes et précise les objectifs et engagements financiers des signataires. Décliné par bassin d'emploi, il détermine les objectifs communs aux acteurs du territoire régional, notamment en termes de filières de formation professionnelle, sur la base d'une analyse des besoins emplois/compétences par bassin. Prenant effet en 2016, après les élections régionales, son périmètre est élargi à l'orientation et aux conditions d'hébergement et de mobilité des jeunes. "Ce document est important, car il est partagé par tous les partenaires, précise Isabelle Gaudron, vice-présidente du conseil régional du Centre-Val de Loire, en charge de la formation professionnelle et de l'apprentissage, il correspond à une feuille de route pour toute la durée du mandat et précise les actions année par année à partir d'objectifs fixés au départ."
Les régions adoptent aussi la carte régionale des formations professionnelles, une nouvelle avancée importante d'après l'ARF. "Cela va permettre d'éviter certaines aberrations, assure Pascale Gérard, car la région peut analyser la complémentarité des différentes formes de formations et répondre à la globalité du territoire."
Enfin, les services publics régionaux de l'orientation (SPRO), jusque-là mis en place à titre expérimental dans huit régions*, sont maintenant généralisés à toutes les régions. Ces dernières sont ainsi chargées d'organiser ce service public auquel participe un nombre très important d'organismes, parmi lesquels les chambres consulaires, les missions locales, l'Etat, les rectorats, etc. "Chez nous, cela représente 200 structures et 800 personnes, explique Isabelle Gaudron, nous travaillons ensemble par bassin d'emploi." L'objectif est qu'une personne n'ait pas plus de deux portes à franchir pour trouver l'information nécessaire à son orientation professionnelle. "Le plus souvent, on parle d'orientation après un échec, souligne Pascale Gérard, il s'agit là de transformer culturellement la vision de l'orientation."
Emilie Zapalski
* Aquitaine, Bretagne, Centre, Limousin, Pays de la Loire, Rhône-Alpes, Auvergne et Poitou-Charentes.
Formation : la FFP propose huit principes clés en matière de commande publique
La Fédération de la formation professionnelle "n'a pas de désaccord de principe avec le Sieg qui est avant tout un mode de financement permettant de compenser des coûts liés à la mise en œuvre d'obligations de service public", explique son président, Jean Wemaëre, interrogé par Localtis. Mais elle estime que "le marché public reste le mode de contractualisation le plus pertinent pour une commande publique de formation de qualité, responsable et pérenne". La FFP recommande que le Sieg soit "ciblé sur les publics vulnérables et les dispositifs en amont de la qualification".
La FFP relève par ailleurs un "point de vigilance" important tenant aux modalités de calcul de la compensation prévues dans le cadre de certains Sieg créés par les régions pour lesquels aucun bénéfice n'est autorisé (sur le sujet voir ci-contre notre article du 8 octobre 2015 : "Quand le droit européen se retourne contre les services publics locaux"). Elle demande de lâcher du lest car cette situation risque de "créer un risque économique ouvrant la porte à des dérives dans les déclarations des coûts engagés suivies de contrôles de surcompensation intrusifs". "Le modèle économique n'est alors pas viable. Il s'agit pourtant de rappeler qu'un 'bénéfice raisonnable' est tout à fait permis et garantie la pérennité de l'opérateur ainsi que la qualité de sa prestation", souligne Jean Wemaëre.
Plus largement, la FFP recommande les 8 principes clés suivants en matière de commande publique, quel que soit le mode de contractualisation :
- une durée de 3 à 5 ans : pour permettre aux prestataires de conjuguer qualité et retour sur investissement. Une durée plus longue créerait des situations de quasi-monopole contraire à la diversité de l'offre de formation ;
- laisser un espace de liberté et d'innovation aux organismes de formation : le cahier des charges doit être précis dans les objectifs, tout en laissant une marge de manœuvre aux prestataires pour leur permettre de se différencier et d'apporter une réelle valeur en termes d'innovation et de qualité ;
- placer les apprenants au centre de la relation entre le prestataire et le donneur d'ordre grâce à la co-construction du programme de formation en amont de l'appel d'offre et/ou pendant l'exécution du contrat ;
- sécuriser la relation économique entre la région et l'organisme de formation en respectant le prix contractualisé, y compris si les effectifs prévus ne sont pas au rendez-vous ;
- garantir l'indépendance des opérateurs de formation (de forme associative ou commerciale) et les laisser seuls responsables de leur stratégie et de leurs choix de gestion ;
- respecter l'Etat de droit par la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures ;
- permettre l'accès des TPE et des PME à la commande publique grâce à un allotissement adapté à leur taille ;
- privilégier systématiquement le mieux-disant au moins-disant.
M.T.