Archives

Fiscalité locale - Les associations d'élus veulent faire rimer finances et confiance

L'AMF, l'ADF et l'ARF ont présenté ce 14 novembre leur rapport commun sur la fiscalité locale. Elles demandent une loi organique sur les finances locales et plaident, plus globalement, pour une relation rénovée entre Etat et collectivités.

Le processus engagé à l'été 2006 avec la saisine conjointe du Conseil économique et social par les trois grandes associations d'élus locaux connaît une nouvelle étape avec la présentation, ce mercredi 14 novembre, d'un rapport commun cosigné par les présidents Claudy Lebreton (ADF), Jacques Pélissard (AMF) et Alain Rousset (ARF). Intitulé "Pour une réforme du système fiscal local" (et sous-titré "Pour une mise en oeuvre opérationnelle de l'avis du Conseil économique et social"), ce document d'une dizaine de pages reprend pour l'essentiel les principes et les voeux déjà formulés en juin dans le rapport d'étape préparé par le groupe de travail mis en place par les trois associations.
Les principales propositions purement fiscales étaient donc connues avec pour ligne directrice, tel que l'a résumé Michel Berson, le secrétaire général de l'ADF (qui représentait mercredi son association en lieu et place de Claudy Lebreton), la nécessité de "réduire l'intervention de l'Etat et de redistribuer les impôts entre niveaux de collectivités". Et le président du conseil général de l'Essonne de rappeler les "cinq grandes orientations" sur lesquelles les associations d'élus font désormais cause commune. A commencer par le renforcement de l'autonomie fiscale via la suppression progressive des dégrèvements et exonérations pris en charge par l'Etat - suppression évidemment accompagnée de la mise en place de nouvelles ressources fiscales locales, qu'il s'agisse de la création d'un impôt local nouveau, d'un prélèvement additionnel à un impôt d'Etat, ou du transfert de tout ou partie du produit d'un impôt national. En cela, a noté Jacques Pélissard, les préconisations des élus se démarquent du rapport du CES (rapport Valletoux), lequel suggérait plutôt de remplacer certaines compensations par des dotations.

 

Pour une loi organique

Vient en deuxième lieu l'affectation à chaque niveau de collectivités d'impôts en lien avec ses compétences : une CSG additionnelle pour le département jugée "logique" du fait de ses compétences sociales, une TVA régionale, un partage de la taxe foncière sur les propriétés bâties entre départements (immobilier industriel) et communes (immobilier d'habitation)...
Troisième orientation : la question du revenu des ménages... et donc de la taxe d'habitation, qui doit mieux prendre en compte ce revenu (tout en corrigeant les dispersions par un système de péréquation). La quatrième priorité est celle de la péréquation, laquelle, a souligné Michel Berson, "doit être principalement adossée aux concours financiers de l'Etat". Enfin, les élus s'intéressent de près à la perspective d'une nouvelle fiscalité écologique locale, à condition que celle-ci soit mise en place "progressivement" et en mesurant précisément son impact sur les collectivités.
Or tout ceci, insistent les élus, "ne peut se concrétiser que si l'on imagine de nouvelles relations entre Etat et collectivités". C'est d'ailleurs sur ce volet "relations avec l'Etat" que les trois associations ont le plus étoffé leur réflexion par rapport au rapport d'étape de juin dernier. Elles demandent aujourd'hui clairement "le vote par le Parlement d'une loi organique sur les finances locales". Cette loi permettrait de "redéfinir la notion de ressources propres" (par rapport à laquelle la loi organique de juillet 2004 serait "un non-sens" dans la mesure où elle inclut les dotations d'Etat), de "donner à l'autonomie fiscale une assise beaucoup plus solide et durable" et de mettre fin à la "défiance" actuelle par la rénovation des instances de gouvernance liées aux finances publiques. Enfin, AMF, ADF et ARF souhaiteraient que cette loi leur permette de saisir le Conseil constitutionnel dès lors qu'elle estimeraient que les collectivités "sont écornées par telle ou telle loi" (une telle disposition impliquerait en fait une réforme constitutionnelle).

 

Des signes d'ouverture

Cette posture commune des associations d'élus dépasse en fait, on le voit, le cadre de la fiscalité locale stricto sensu. On a ainsi mercredi beaucoup entendu parler de "réforme des institutions", de "vraie décentralisation", d'"évolution culturelle très importante de l'appareil d'Etat"... Car derrière la notion d'autonomie fiscale se cache évidemment celles de la responsabilité des collectivités et de la confiance que l'Etat voudra bien leur accorder. "Que l'Etat cesse de penser qu'il est le seul gardien de l'intérêt général", exhorte par exemple Jacques Pélissard. Et en parlant d'Etat, les élus visent finalement moins les gouvernements successifs que les directions des grandes administrations centrales, face auxquelles il leur apparaît nécessaire de "changer le rapport de force". Avoir réussi à aboutir à des propositions communes aux trois niveaux de collectivités est d'ailleurs selon eux un pas important en ce sens. Alain Rousset parle à ce titre d'une "stratégie visant à ne pas se laisser diviser".
La mise en place de la Conférence nationale des exécutifs, avec la première réunion du 4 octobre dernier, représente déjà une "première réponse" prometteuse, estiment les trois associations. Les signes d'ouverture du gouvernement - par la voix de Christine Largarde - sur des questions telles que la rénovation des bases fiscales aussi. On aurait en tout cas largement progressé par rapport, notamment au Cofipu (Conseil d'orientation des finances publiques) mis en place en 2006, à l'issue duquel le gouvernement s'était contenté de "prendre acte" des demandes des élus, a estimé Jacques Pélissard.
C'est d'ailleurs certainement dans le cadre de la Conférence nationale des exécutifs que le travail de réflexion sur la fiscalité locale devrait maintenant avancer. A quel rythme ? Jacques Pélissard d'envisage guère de conclusion législative possible avant le projet de loi de finances pour 2010. Parallèlement, les associations d'élus devront sans doute s'atteler au chantier lancé par la mission Lambert au sujet, notamment, de la "désimbrication" des compétences entre niveaux de collectivités, qui sera précisément à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la Conférence nationale des exécutifs, en décembre ou janvier. Un chantier par rapport auquel des nuances sensibles pourraient cette fois apparaître entre les trois associations, notamment dans le sens où l'ARF se dit prête à ce que "les régions n'aient plus de compétence générale"... alors que les départements estiment "très maladroit de remettre en débat aujourd'hui la clause de compétence générale". Aux dernières nouvelles, Alain Lambert remettra officiellement le 26 ou le 27 novembre prochain son rapport sur la clarification des compétences entre Etat et collectivités - les propositions étant, indique l'entourage du sénateur, "encore en cours de négociation".

 

Claire Mallet

 

Téléchargements

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis