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Environnement / Urbanisme - Le rapport Duport propose une révolution tranquille dans les procédures d'aménagement et de construction

"Accélérer les projets de construction, simplifier les procédures environnementales, moderniser la participation du public" : tel est l'intitulé du rapport trois-en-un remis le 3 avril par le préfet Jean-Pierre Duport aux ministres de l'Ecologie et du Logement. Il propose notamment de fixer à moins de cinq mois les délais d'instruction des autorisation d'urbanisme, de mieux coordonner les évaluations environnementales pour éviter des répétitions inutiles et de permettre la participation du public en amont du processus décisionnel.

Ce sont en réalité trois rapports en un que le préfet honoraire Jean-Pierre Duport - ex-délégué de la Datar, ex-préfet d'Ile-de-France, ex-président de Réseau ferré de France (RFF)... - a remis le 3 avril à Sylvia Pinel et Ségolène Royal sous l'intitulé "Accélérer les projets de construction, simplifier les procédures environnementales, moderniser la participation du public". Chacune des trois parties du titre fait en effet l'objet d'un rapport particulier. La première était tout particulièrement attendue, car elle doit contribuer à la relance de la construction promise depuis 2012.

Cinq mois maximum pour la délivrance des autorisations d'urbanisme

Première mesure choc : ramener "à cinq mois, voire à une durée inférieure", les délais de délivrance des autorisations d'urbanisme, "sauf exceptions très limitées" (par exemple, lorsqu'un organe de niveau national est saisi par l'organe déconcentré compétent). Le rapport passe ensuite cette règle générale au crible de diverses procédures : les monuments historiques et les espaces protégés, les établissements recevant du public, les immeubles de grande hauteur et les réserves naturelles, les sites classés, les autorisations de défrichement, les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la loi sur l'eau... En matière d'archéologie préventive, si les délais du chantier sont difficiles à encadrer, le rapport propose en revanche de fixer le délai de signature de la convention de diagnostic à deux mois après approbation du projet d'intervention par le préfet.
La deuxième proposition consiste à "mettre davantage l'administration au service des porteurs de projets dans les procédures d'instruction". Cette formulation englobe notamment la prévention des mesures dilatoires dans l'instruction des demandes d'autorisations d'urbanisme. Pour cela, le rapport préconise de permettre au juge d'enjoindre au maire, après annulation d'une décision de refus, de délivrer l'autorisation d'urbanisme demandée.
De façon plus générale, Jean-Pierre Duport suggère de passer, en la matière, "d'une administration de guichet à une administration de projet". De même, il suggère d'"insérer de la collégialité dans les avis des architectes des bâtiments de France", ce qui pourrait faire grincer quelques dents. Plus classiquement, il préconise aussi de pousser la dématérialisation des procédures et des documents.

Procédures environnementales : de la coordination avant tout

Du côté de la simplification des procédures environnementales, on retiendra en particulier le souci de "favoriser la coordination des évaluations environnementales et d'éviter leur répétition lorsqu'elle est inutile" et de supprimer "certains nœuds de complexité". Ceci passe, entre autres, par la définition de seuils objectifs pour l'engagement d'une étude d'impact, afin de sortir du cas par cas. Dans le même esprit, le rapport préconise de prévoir une étude d'impact unique par projet, même si celui-ci se décompose ensuite en plusieurs procédures d'autorisation, et d'étendre le principe de mise en conformité simplifiée des document d'urbanisme régissant déjà la "procédure intégrée pour le logement" (voir notre article ci-contre du 1er avril 2015). De même, l'étude d'impact d'une opération d'aménagement (ZAC) devrait tenir lieu d'étude d'impact des travaux et ouvrages subséquents. 
Deuxième grand axe de cette partie : "développer l'intégration des autorisations environnementales vers un permis unique", en se basant sur les expérimentations, en cours, de délivrance d'autorisations environnementales uniques en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement et en matière d'installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la loi sur l'eau. Il faudra toutefois attendre le résultat de ces expérimentations pour pouvoir formuler des propositions opérationnelles en la matière.

Rénover la participation du public

Sur la modernisation de la participation du public, le rapport estime que "les axes essentiels d'une rénovation de la participation du public sont connus et relativement consensuels : le développement de la participation par projet, le renforcement de la participation en amont des procédures plutôt qu'à un stade très avancé du projet, l'adaptation des modalités de participation aux enjeux du projet et la modernisation des modalités de participation". Ils doivent désormais être mis en œuvre.
Cette concrétisation passe notamment par l'application d'un "principe simple" : "un projet, une procédure de participation du public". Autre mesure préconisée : ouvrir la participation du public en amont du processus décisionnel, autrement dit avant l'enquête publique, afin que les citoyens puissent également se prononcer sur les finalités du projet.
Pour "pacifier" les concertations, le rapport propose aussi de désigner un "garant de la participation", sur la base d'une liste nationale établie par une autorité indépendante. De même, le maître d'ouvrage serait tenu du produire un document indiquant brièvement les raisons pour lesquelles il a tenu compte, ou non, des principales observations formulées par le public. Enfin, le recours à internet devrait être généralisé pour conduire ces phases de concertation.

Des ministres intéressées, mais prudentes

Tout en confirmant - comme l'avait fait Manuel Valls en août dernier en confiant cette mission à Jean-Pierre Duport (voir notre article ci-contre du 29 août 2014) - que les réformes issues du rapport passeront par des ordonnances, Ségolène Royal et Sylvia Pinel sont restées prudentes sur l'étendue des suites à donner à ce document.
Elles retiennent notamment "les réflexions concernant une meilleure articulation entre les procédures du code de l'urbanisme et les autres procédures auxquelles sont soumis les projets de construction et d'aménagement" et "les propositions visant à éviter la répétition des évaluations environnementales sur une même opération, lorsque cela n'est pas nécessaire, tout en préservant un haut niveau de protection de l'environnement", ainsi que "la nécessité de passer d'une administration de 'guichet' à une administration de 'projet'.
Pour sa part, Sylvia Pinel s'est dite également "très sensible à la proposition permettant de limiter les possibilités de refus non justifiés de permis de construire par une clarification de la motivation de ces refus".

Jean-Noël Escudié / PCA

Modernisation du droit de l'environnement : deux autres rapports remis à Ségolène Royal
Les propositions du rapport Duport s'articulent avec les travaux du groupe de travail sur la modernisation du droit de l'environnement animé par le sénateur Alain Richard. Deux autres rapports remis le 3 avril à Ségolène Royal et pas encore publiés sont issus de ce groupe de travail constitué au sein du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Le premier, sur la modernisation de l'évaluation environnementale, a été rédigé par Jacques Vernier, ancien maire de Douai et président du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Le second, portant sur l'amélioration de la séquence "Eviter-Réduire-Compenser" pour les projets d'aménagement, dont le projet de loi sur la biodiversité veut réaffirmer la portée préventive, a été confié à Romain Dubois, directeur général adjoint à RFF Réseau. Ségolène Royal a annoncé le 3 avril avoir retenu de ces travaux "un ensemble de mesures qui pourront être portées rapidement à la concertation et mises en œuvre". Tout d'abord, en matière d'évaluation environnementale, elle a assuré que "l'indépendance de l'autorité environnementale sera renforcée" et qu'un projet de décret sera mis en consultation "dans les prochains jours" (lire ci-contre notre article du 3 avril 2015). Un centre de ressource sur la séquence "Eviter-réduire-compenser" sera constitué "afin d'assurer le partage de la connaissance et la formation de tous les acteurs de la chaîne de décision", a affirmé la ministre de l'Ecologie. Pour améliorer la qualité des études d'impact, elle a aussi promis qu'une "charte d'engagement" des bureaux d'études sera élaborée "avec l'ensemble des acteurs". Le recours aux outils numériques, notamment pour le suivi dans le temps des mesures compensatoires, sera également développé.  A.L.

 

 

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