Environnement / Urbanisme - L'Assemblée autorise le gouvernement à modifier le droit de l'environnement et de l'urbanisme
Lors de l'examen en séance du projet de loi Macron sur "la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques", l'Assemblée nationale a voté le 6 février au soir l'article 28 du texte autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances pour modifier le droit de l'environnement et de l'urbanisme. Selon cet article, le gouvernement pourra prendre des mesures législatives visant à "accélérer l'instruction et la délivrance de l'autorisation des projets de construction et d'aménagement et favoriser leur réalisation" et à "modifier les règles applicables à l'évaluation environnementale des projets ainsi qu'à celle des plans et programmes de construction et d'aménagement". Il pourra aussi "réformer les procédures destinées à assurer la participation du public à l'élaboration de certains projets d'aménagement et d'équipement, afin de les moderniser et de les simplifier" et enfin "accélérer le règlement des litiges relatifs aux projets susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement."
Par 26 voix contre 9, les députés ont rejeté des amendements de suppression de l'article 28 présentés par EELV, les communistes et quelques socialistes "frondeurs". La majorité du PS, le PRG et l'UDI ont soutenu le gouvernement sur ce point tandis que l'UMP n'a pas pris part au vote. Mais avec l'accord du ministre de l'Economie, l'Assemblée a ensuite adopté un amendement écologiste précisant que ces ordonnances ne porteront pas atteinte "aux principes fondamentaux et aux exigences généraux du Code de l'environnement".
"Jardin à l'anglaise"
Le débat dans l'hémicycle s'est déroulé dans une atmosphère plus apaisée que celui, sur le même sujet, qui avait opposé, le 26 janvier en commission, Emmanuel Macron à l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot, absente vendredi soir de l'hémicycle. Le rapporteur sur cette partie du projet de loi, Christophe Castaner (PS), a ainsi pu constater, sans être contredit, "un consensus sur la nécessité de simplifier un droit de l'environnement extrêmement complexe". "Au nom d'objectifs légitimes et consensuels de protection de l'environnement, les vagues de législation successives ont fini par donner à notre droit de l'environnement les traits d'un jardin à l'anglaise – dont j'admets certes qu'il puisse faire les délices des jurys spécialisés mais qui ne satisfait pas complètement notre esprit historiquement cartésien (…)." Mais "l'objectif, il faut le dire, n'est pas de transformer inversement notre Code de l'environnement en jardin à la française au prix d'un débroussaillage à la tronçonneuse." "Nous ne sommes pas contre la simplification, mais inquiets qu'on le fasse par ordonnances", a expliqué l'écologiste Denis Baupin. Cela risque en effet d'aboutir "à un recul du droit de l'environnement", a renchéri le communiste André Chassaigne. Les deux hommes s'étaient pourtant vivement accrochés précédemment à propos de la simplification des procédures sur l'installation d'éoliennes, défendues par EELV mais critiquées par le Front de gauche. En pointe contre le recours aux ordonnances, le socialiste frondeur Pascal Cherki s'est dit "choqué par la manière procédurale dont on traite les représentants du peuple". Pour sa part, l'UMP Daniel Fasquelle a soutenu "l'esprit de l'article" mais a regretté qu'il ne soit pas assez précis contre "les recours abusifs intentés par des associations" contre des "projets qui donnent du logement et des emplois à nos concitoyens".
Le CNTE associé à l'élaboration des ordonnances
Aux termes d'un amendement qui avait été adopté en commission, le Conseil national de la transition écologique (CNTE) sera associé à l'élaboration des ordonnances. Emmanuel Macron s'est aussi engagé, en séance, à ce que le gouvernement rende régulièrement compte de l'état d'avancement de l'élaboration des ordonnances à une commission parlementaire. Il s'agira de la commission du développement durable, a précisé François Brottes (PS), président de la commission spéciale qui avait été chargée d'examiner le projet de loi Macron mais qui n'existera plus lorsque celui-ci aura été adopté. Denis Baupin, au nom du groupe écologiste, a défendu d'autres amendements : certains ont été retenus, qui précisent que les mesures de simplification seront prises notamment au bénéfice des projets favorisant la transition écologique et que les mesures de participation du public seront développées "en ayant recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication pour garantir la participation du plus grand nombre".
Dans le domaine de l'urbanisme, les députés ont aussi voté plusieurs amendements après l'article 28. Alors que pour atténuer, voire supprimer, la capacité et l'incitation d'un maire à opposer des refus dilatoires, le gouvernement a proposé dans cet article de contraindre l'autorité compétente à délivrer une autorisation d'urbanisme manifestement conforme aux prescriptions législatives et réglementaires, soit par injonction du juge, soit par substitution du représentant de l'Etat, un amendement des rapporteurs modifie directement l'article L.424-3 du Code de l'urbanisme afin de contraindre l'autorité compétente à se prononcer sur l'ensemble des motifs de refus. Le juge sera par conséquent amené à se prononcer sur toutes les justifications ayant conduit le maire à s'opposer au projet, et pourra enjoindre le maire de délivrer le permis. En conséquence, l'amendement supprime le recours à une ordonnance pour ce sujet. A travers un amendement écologiste, les députés ont par ailleurs demandé qu'un rapport soit remis au Parlement avant le 31 décembre 2015 sur l'évaluation des effets de l'ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme.
L'examen du projet de loi Macron, qui a débuté le 26 janvier, doit se poursuivre jusqu'au 13 février.