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Environnement - Conférence environnementale : François Hollande veut un accord "historique" sur le climat fin 2015

François Hollande a appelé à un accord "historique sur le climat" ce 27 novembre dans son discours d'ouverture de la 3e Conférence environnementale réunie pour la première fois à l'Elysée. Tirant les leçons du conflit autour du barrage de Sivens, le chef de l'Etat a aussi exprimé la volonté d'associer davantage les citoyens à l'élaboration des décisions publiques.

Avant le discours prononcé par François Hollande en fin de matinée, la 3e Conférence environnementale, censée fixer la feuille de route verte du gouvernement pour 2015, a commencé ce 27 novembre par des appels à la mobilisation. "Nous sommes rassemblés pour faire de la France un pays exemplaire chez lui, pleinement engagé pour la réussite de la transition énergétique et pour la protection et la reconquête de la biodiversité. Aujourd'hui s'ouvre une séquence de douze mois, dont le maître mot est la mobilisation de toutes les forces vives du pays", a déclaré la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal, dans son allocution inaugurale, en présence d'une grande partie du gouvernement, dont Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères et Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie, qui ont à leur tour parlé d'exemplarité.
L'astrophysicien Hubert Reeves a appelé à "empêcher que notre planète devienne inhabitable". "L'accord sur le climat c'est d'abord un accord de santé publique", a insisté Maria Neira, directrice Santé publique et environnement à l'OMS, ajoutant que la population mondiale n'a jamais été "exposée à de tels niveaux de pollution atmosphérique".
Le président de France Nature Environnement (FNE), le réseau d'associations auquel appartenait Rémi Fraisse, le jeune botaniste mort lors des violentes manifestations contre le barrage de Sivens, avait, à la tribune, appelé la France à être "encore plus exemplaire" en matière de transparence autour des grands projets, mais aussi dans la rénovation énergétique ou les transports.
Dans son discours, François Hollande a d'abord souligné que pour la première fois, la conférence environnementale se tenait à l'Élysée. Cela "marque la volonté de faire de l'environnement une cause nationale et un enjeu européen et mondial". "Paris 2015 est un rendez-vous majeur pour la planète. Pour la France, il y a un enjeu d'accueil mais aussi de négociation et de promotion. On ne peut pas réussir si nous ne sommes pas nous-mêmes convaincus, si nous ne sommes pas engagés. La France souhaite porter un modèle, être exemplaire, ce n'est pas toujours facile."

Plus de participation des citoyens

Le chef de l'Etat est revenu sur la "tragédie" de la mort de Rémi Fraisse à Sivens, le 26 octobre dernier. "J'ai promis toute la vérité sur les faits et les circonstances. La justice a été saisie et les résultats de l'enquête seront connus pour que toutes les conclusions soient tirées." "Comment se fait-il qu'un projet puisse connaître un tel déferlement de violence alors qu'ailleurs d'autres se font sans difficulté et dans le consensus ? C'est toute la question du débat public, la seule manière de garantir la transparence qui est posée", a ajouté le chef de l'Etat. Il a exprimé de voir "des progrès supplémentaires dans la participation des citoyens et dans l'élaboration des décisions publiques", et ce "sans alourdir les procédures", et que sur "chaque projet, tous les points de vue soient considérés".
"J'ai demandé au gouvernement d'engager un chantier sur la démocratie participative de manière à avoir sur les grands projets toutes les garanties et qu'il ne puisse plus y avoir de contestations avec des formes inacceptables de violences." Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) sera associé à cette réflexion. Le président de la République donne un délai de "six mois" pour sortir des propositions et les mettre en œuvre. "Un mauvais projet doit être arrêté rapidement. Et un bon projet doit être mené à bien rapidement, c'est le sens des permis environnementaux." "N'ayons pas non plus peur du vote. Le recours à un référendum local est toujours mieux que le fait accompli ou l'enlisement", a-t-il déclaré. "Nous devons aussi améliorer les informations livrées aux Français. "Tous les ans, il y a des milliers d'études d'impacts menées, la France détient un record. Autant d'informations inexploitées et gâchées pour les scientifiques et les citoyens." Il a proposé une "base de données publique, gratuite et ouverte" où seront regroupées toutes les informations en environnement et biodiversité. "Cette transparence est la première condition de la démocratie participative. Cela ne veut pas dire que toutes les opinions se valent. Il doit y avoir de l'expertise, de la science mais aussi de la contradiction."
"S'engager pour l'écologie, c'est retrouver le sens que j'ai voulu donner à mon quinquennat", a-t-il affirmé, à propos de l'importance qu'il donne à la jeunesse. Il n'est pas question pour lui de donner une "dette environnementale" aux générations futures. Il a rappelé l'importance de l'enseignement de l'environnement pour préparer aux métiers de ce secteur, et son engagement de créer 15.000 emplois d''avenir dans le secteur "dit vert, c'est-à-dire environnemental, sans critères de diplômes".
En matière de biodiversité, le projet de loi créant l'Agence française pour la biodiversité "va être présenté au Parlement au mois de mai prochain", a assuré le chef de l'Etat. François Hollande a évoqué la question "délicate" de la santé environnementale, car "il faut éviter de faire peur". "Le XXe siècle a été l'ère de l'hygiène bactériologique. Le XXIe siècle doit être celle de l'hygiène chimique." Il est revenu sur le plan national santé et environnement adopté par le gouvernement. Sur la pollution de l'air, il a convenu de la nécessité d'"aller plus loin dans l'identification des véhicules polluants, des mesures à prendre en cas de pic et de la mise en œuvre de la contribution sur la climat pour avoir une fiscalité qui intègre cette dimension".

Nouvelle donne énergétique

 Il a défendu les mesures contenues dans le projet de loi sur la transition énergétique. "C'est une nouvelle France énergétique que nous avons voulue." "C'est un choix écologique (…). C'est aussi un choix économique. Il faut envoyer des signaux aux consommateurs et aux investisseurs sur les conséquences de leurs décisions." "C'est aussi un choix de solidarité : les victimes de la crise énergétique sont les mêmes que la crise sociale".
"La nouvelle France énergétique, c'est aussi l'innovation (…). La compétitivité se jouera de plus en plus sur l'environnement. L'écologie, c'est gagner du temps, de l'espace, de l'influence", selon le président. Et "l'innovation, c'est l'économie circulaire, le fret, le bâtiment", c'est aussi "l'environnement et le développement durable". "La nouvelle France énergétique, c'est aussi la condition de notre indépendance. Nous sommes dépendants aux sources d'approvisionnement d'énergie avec 65 milliards d'euros d'importation d'hydrocarbures", a-t-il rappelé.
"Les acteurs publics se doivent aussi d'être exemplaires. Tous les nouveaux bâtiments publics devront être à énergie positive et à haute performance environnementale." Evoquant le futur Institut de la ville durable, il a appelé à "faire du beau pour tous les quartiers". En matière de mobilité, il faut "plus de volontarisme". Il faut ainsi "accélérer le Grand Paris" pour faire "la démonstration de l'excellence environnementale", lancer un appel à projets de transport en site propre pour les collectivités locales, développer les véhicules électriques, etc.
En matière de politique énergétique, "il faut que l'État soit plus stratège qu'il ne l'a été", a plaidé François Hollande. "C'est ce que nous avons fait lors du renouvellement des dirigeants des entreprises publiques concernées." "Le fonds de financement de la transition énergétique géré par la Caisse des Dépôts a tenu hier sa réunion de préfiguration et prévoit 1,5 milliard d'euros sur trois ans alimenté par le programme des investissements d'avenir, les certificats d'économie d'énergie, les dividendes du secteur énergétique et les ressources propres de la Caisse", a avancé le président.
Au niveau européen, François Hollande a affirmé que "le système des quotas [de CO2] doit être préservé, renforcé. Ceux qui ne veulent pas que le carbone ait un prix ne font pas le pas vers la lutte contre le changement climatique". "Faisons en sorte qu'une large part des investissements du plan Juncker soit affectée vers des investissements qui sont ceux de la transition énergétique ou de la transition écologique", a encore souhaité le chef de l'Etat. "Nous devons faire l'Union de l'énergie pour l'environnement, l'emploi et l'indépendance de l'Europe."
"La conférence sur le climat Paris 2015 se prépare aujourd'hui ici même. Nous avons toutes les conditions pour aller vers un accord historique, contraignant, global, fixé pays par pays", a avancé le chef de l'État. "Les pays les plus récalcitrants sont devenus les plus lucides", comme "la Chine qui cherche le ciel bleu" et "les États-Unis, qui subissent des pollutions considérables", qui viennent de signer un accord bilatéral. "Il faut créer la tension, la pression nécessaire. Ce n'est pas une affaire d'État, de gouvernement, c'est une question d'unité nationale", "sans rien perdre de l'indépendance de chacune, quitte à forcer, stimuler". Sans attendre décembre 2015, il a appelé à "multiplier les rendez-vous", avec des événements tous les mois, économiques, scientifiques, locaux.
François Hollande a conclu son intervention en relevant qu'on lui demande désormais souvent "à partir de quand (il est) devenu écologiste". "A partir du moment où je suis arrivé aux responsabilités du pays. A un moment il faut laisser sa trace, et la trace que nous allons laisser tous ensemble est un accord historique sur le climat", a-t-il déclaré. Il a d'ailleurs annoncé la suppression de "tous les crédits" à l'exportation "accordés aux pays en développement dès lors qu'il y a utilisation du charbon", une revendication des ONG, et une annonce applaudie dans la salle. "Au niveau européen, nous ferons en sorte que les subventions aux énergies fossiles soient supprimées à terme", a-t-il également déclaré.
"Le 10 décembre 1948, la France accueillait les Nations unies au Palais de Chaillot pour adopter la déclaration universelle des Droits de l'Homme", a-t-il rappelé. Et 70 ans plus tard, "la France va accueillir tous les pays du monde pour une nouvelle étape des droits humains" avec cette conférence sur le climat qui "après les droits de la personne" devra "poser les droits de l'humanité". "Nous avons le devoir de réussir", a-t-il encore exhorté.
Après le discours présidentiel, les participants (syndicats, employeurs, collectivités, parlementaires, ONG et État) se sont retrouvés pour plancher dans le huis clos de trois tables rondes thématiques (climat, mobilité et santé environnementale) sur des documents de travail amendés jusqu'au dernier moment. Ils formulent 159 propositions d'importance variable, attendant l'arbitrage final du gouvernement. Le Premier ministre, Manuel Valls, clôturera les travaux vendredi 28 novembre après-midi. Les feuilles de route définitives issues de la conférence seront rendues publiques en janvier 2015.