Environnement - Ségolène Royal détaille son programme de "croissance verte"
Ségolène Royal veut mettre les bouchées doubles pour faire entrer la transition énergétique et la "croissance verte" dans la vie quotidienne des Français. Alors que le projet de loi sera examiné en séance publique à partir du 1er octobre prochain, la ministre de l'Ecologie a présenté le 4 septembre son programme de rentrée en mettant en exergue de nouvelles actions qui vont s'engager dans les trois prochains mois pour amplifier la démarche. Tout d'abord, elle a détaillé les modalités du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) - nouvelle appellation du crédit d'impôt développement durable (CIDD) - , "applicables" depuis le 1er septembre pour engager des dépenses de rénovation énergétique des logements. "C'est un coup d’envoi très important donné au secteur du bâtiment" dont les entreprises vont pouvoir "trouver de nouvelles commandes", a-t-elle assuré. Le CITE, inscrit dans le projet de loi de finances pour 2015, sera accessible à tous, propriétaires comme locataires, et permettra de se voir rembourser 30% du montant des travaux de rénovation énergétique dès la première opération. Il pourra représenter jusqu'à 8.000 euros pour une personne seule et 16.000 euros pour un couple. Toujours au chapitre des aides à la rénovation, le ministère a aussi confirmé la relance de l'éco-prêt à taux zéro, qui peut aller jusqu'à 30.000 euros, avec un objectif de 100.000 prêts générant 2 milliards d'euros de travaux par an. Pour accompagner les travaux de rénovation des ménages modestes et très modestes, les aides de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (Anah) doivent monter en charge pour financer 50.000 projets de travaux en 2014 contre 30.000 en 2013. Depuis le 1er août, les prêts à 1,75% de la Caisse des Dépôts aux collectivités pour les rénovations énergétiques et les bâtiments publics à énergie positive sont également disponibles.
Déploiement à grande échelle des compteurs d'énergie "intelligents"
La ministre de l'Ecologie et de l'Energie a ensuite annoncé le "déploiement massif sur la totalité du territoire national, en commençant par des grandes zones bien identifiées" des compteurs "intelligents" Linky pour l'électricité et Gazpar pour le gaz qui doivent permettre de réduire la facture d'énergie des consommateurs. Pour les premiers, "l’objectif est de remplacer en six ans, la totalité des 35 millions de compteurs" électriques. Trois millions de compteurs ont déjà été commandés par ERDF à six sociétés pour être déployés dès mi-2015. "Un appel d’offres est en cours pour rechercher les PME qui vont poser ces compteurs, par lot de 10 à 20.000 compteurs, région par région". Cinq milliards d’euros d’investissements sont nécessaires et 10.000 emplois vont être créés. A noter que cette installation est éligible pour bénéficier du crédit d’impôt transition énergétique, mais la pose n’est "pas conditionnée à la performance thermique", a précisé Ségolène Royal. Les consommateurs pourront accéder gratuitement à certaines données, ERDF "ayant revu sa copie", selon la ministre, en tenant compte des critiques formulées par l’Ademe et par les associations de consommateurs. "Le projet a évolué", a-t-elle souligné. Les consommateurs pourront ainsi "suivre leur consommation au jour le jour", "disposer d’alertes en cas de consommations anormales" et "se comparer avec des situations proches". Pour Gazpar, la décision de déploiement "va être publiée dans les prochains jours", a indiqué le ministère de l'Ecologie. Par la suite, "11 millions de compteurs vont être installés dans les sept prochaines années", ce qui nécessite un investissement d’un milliard d’euros et va créer 1.300 emplois.
Quatre appels à projets en cours auprès des acteurs des territoires
Ségolène Royal a aussi fait le point sur les quatre appels à projets en cours visant à accélérer la transition énergétique dans les territoires. Ils sont soutenus par le fonds de financement de la transition énergétique, doté d’1,5 milliard d’euros. Celui sur les 20 territoires "zéro gaspillage, zéro déchet", ouvert jusqu'au 26 septembre, a déjà reçu 84 candidatures de collectivités. L’appel à projets "200 territoires à énergie positive pour la croissance verte", mené en coordination avec le ministère du Logement, vient d'être lancé. Celui sur les 1.500 méthanisateurs s'appuie sur une application internet qui vient tout juste d'être mise en ligne. Le quatrième appel à projets concerne les plates-formes rénovation énergétique des logements. Déployées par l'Ademe, elles proposeront une mission d’information à destination des particuliers souhaitant engager des travaux et seront mises en place à l'échelle intercommunale. "Pour que les territoires puissent s'engager dans la transition énergétique, qu'ils bénéficient de conseils, d'aides à l'animation et à l'ingénierie, des contrats locaux 'transition énergétique' pourront être signés", a ajouté la ministre.
Ségolène Royal a indiqué par ailleurs que dans le cadre des futurs contrats de plan Etat-régions (CPER) 2015-2020, le volet "mobilité multimodale" sera doté par l'Etat d'une enveloppe de 950 millions d'euros par an sur la période, comme l'avait confirmé Manuel Valls aux préfets de région dans une circulaire du 31 juillet. Cela doit permettre le financement d’une centaine de projets de transports publics qui avaient été gelés du fait de la suspension de l’écotaxe poids lourds en octobre 2013. "Ces projets sont très attendus par la filière des travaux publics et représentent un investissement de 3,1 milliards d’euros par an et la création ou le maintien de 15.000 emplois", selon Ségolène Royal. "Ils doivent être signés très rapidement afin que les travaux puissent commencer."
La ministre a ensuite passé en revue les grands chantiers de l'automne de son ministère. Celui sur la modernisation du droit de l’environnement se poursuit. C’est une "démarche très importante pour moi", a-t-elle déclaré, chiffrant à "800" le nombre de contentieux que sa direction des affaires juridiques doit actuellement traiter, "dont certains sont justifiés et dont d’autres pourraient être évités si le droit de l’environnement était plus simple". Ségolène Royal a signé des lettres de mission permettant de lancer sept groupes de travail dans ce cadre (lire l'encadré ci-dessous). Autres dossiers en cours : la finalisation d'ici décembre des travaux engagés pour l'élaboration d'une feuille de route gouvernementale sur la thématique santé et environnement préparée conjointement avec la ministre de l'Action sociale et de la Santé, la mise en œuvre de mesures d'éducation à l'environnement contenues dans la feuille de route issue de la conférence environnementale de 2013 ou encore le renforcement de la politique du paysage – un rapport sur la politique nationale du paysage réalisé par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) doit être remis le 8 septembre.
Une commission spéciale pour le projet de loi de transition énergétique
Ségolène Royal est aussi revenue sur le calendrier du projet de loi de transition énergétique présenté le 30 juillet en Conseil des ministres. Le texte sera examiné à l’Assemblée nationale par une commission spéciale les 24 et 25 septembre et à partir du 1er octobre en séance publique. "La transition énergétique est un projet de société, un changement de paradigme, un nouveau modèle de développement", a défendu Ségolène Royal pour justifier la création, à l'initiative des parlementaires, de cette commission spéciale. Le projet de loi suivra la procédure d’urgence, c’est-à-dire qu’une seule lecture sera programmée pour chacune des deux Chambres avant la constitution d’une commission mixte paritaire, "mais le temps de parole ne sera pas limité", a précisé la ministre. "Je veux que ça aille vite", a-t-elle justifié. "Ce texte avait déjà pris beaucoup de retard" alors qu’il "est le plus créateur d’emplois aujourd’hui". "Il n’y a aucune raison de traîner".
Sur les suites de la conférence bancaire et financière de juin dernier, un "certain nombre de décisions" a déjà été pris, concernant notamment le crédit d’impôt pour la transition énergétique, la ligne de 5 milliards d’euros débloqués par la Caisse des Dépôts pour les collectivités locales et les prêts de la BPI. "Il reste le tiers financeur, qui a besoin d’étude et d’examen". La ministre souhaite que "cela soit prêt" d’ici le 9 septembre, date à laquelle elle sera auditionnée par la commission spéciale de l’Assemblée sur le projet de loi transition énergétique. Le fonds de 1,5 milliard pour le financement de la transition énergétique est, quant à lui, "en cours de finalisation". "D’ici la fin septembre, la totalité des décisions [issues de la conférence] seront examinées", a-t-elle affirmé.
Une conférence environnementale au format renouvelé
Enfin, la ministre de l’Ecologie a présenté le nouveau format de la conférence environnementale, qui s'était déroulée en 2012 et en 2013 sur deux jours au mois de septembre. Pour sa troisième édition, elle va se recentrer "sur trois sujets essentiels" – les transports et la mobilité durable, la mobilisation de la société civile pour la lutte contre le changement climatique et la santé environnementale - et sera organisée en trois événements distincts. Le premier de ces rendez-vous aura lieu le 4 octobre au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Il aura pour thème la préparation de la Conférence de l'ONU sur le climat, qui sera organisée à Paris fin 2015 et qui doit déboucher sur un accord majeur pour limiter le réchauffement climatique et ses conséquences. La biodiversité sera aussi abordée à cette occasion.
Mi-novembre, "la mobilité durable" et "la croissance verte" seront au coeur des débats qui se dérouleront au pôle universitaire de la Cité Descartes à Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne). Les problématiques de santé en lien avec l'environnement seront abordées lors du 3e rendez-vous thématique qui prendra place à l'Institut Pasteur à Paris. François Hollande clôturera en décembre les travaux auxquels participeront parlementaires, collectivités, ONG, entreprises et syndicats. Enfin, le Premier ministre présentera en janvier 2015 la prochaine "feuille de route pour la transition écologique".
Anne Lenormand
Les groupes de travail de modernisation du droit de l'environnement
La conseillère d’État Delphine Hédary, l’une des trois pilotes des Etats généraux de la modernisation du droit de l’environnement en juin 2013, présidera le groupe de travail relatif au "renforcement de la sécurité juridique des décisions associées à une clarification du régime des recours", a détaillé le ministère jeudi, à propos du chantier de la simplification du droit environnemental. Jean-Philippe Rivaud, substitut général à la cour d’appel d’Amiens et vice-président du Réseau des procureurs européens pour l’environnement, aura pour mission de réfléchir à "l’amélioration de l’effectivité du droit par une réflexion sur les contrôles et les régimes de sanction", en lien avec le ministère de la Justice. Romain Dubois, secrétaire général de RFF, présidera le groupe de travail sur l’amélioration des projets autour d’une meilleure mise en œuvre de la séquence "éviter, réduire, compenser". Ce principe, introduit par l’article 2 de la loi de 1976 sur la protection de la nature, consiste, pour tous les projets d’aménagement et les travaux, à supprimer "les conséquences dommageables pour l’environnement", puis les réduire, et en dernier recours, "si possible", les compenser, par exemple en restaurant un habitat équivalent à proximité. L’universitaire Gérard Monédiaire se voit confier une mission visant à une "plus grande effectivité du dialogue environnemental par une amélioration de la concertation et des dispositifs d’enquête publique". Jacques Vernier, ancien maire UMP de Douai et président du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT), est chargé du dossier de la modernisation du régime d’évaluation environnementale et des études d’impact. Une autre mission, confiée au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), porte sur la mise en œuvre d’une planification environnementale unique à l’échelle régionale "permettant d’avoir précisément les règles applicables à un territoire donné". La mission présidée par le préfet Jean-Pierre Duport vise à faire évoluer les régimes d’autorisation vers un permis environnemental unique à l’horizon 2016 alors qu'une expérimentation dans certaines Dreal sur "l’autorisation unique" est déjà en cours.
A.L.