Immigration - La répartition des migrants sème la discorde chez les élus
Il y a la "lande de Calais" et il y a la "jungle". Il y a migrants et migrants, ils n'ont pas le même visage, ni les mêmes motivations. Bref, le "schéma de mobilisation de places d'hébergement sur l'ensemble du territoire" - en clair, le plan de répartition régional du ministère de l'Intérieur pour l'hébergement des migrants de Calais - sème la discorde chez les élus. A commencer par les présidents de régions qui, au premier chef, ne sont pas compétents dans ce domaine, mais se sentent concernés par ce document interne au ministère qui demande aux préfets d'ouvrir des centres d'accueil et d'orientation (CAO) en région après le démantèlement du camp de Calais. Quelques 12.000 places seraient nécessaires d'ici la fin de l'année dont 9.000 nouvelles compte tenu de l'existant.
Une répartition par commune encore inconnue
Ce document révélé par Le Figaro mardi va plus loin. Il livre une clé de répartition qui se fera selon "un critère démographique pondéré par les efforts faits par chaque région". Il est par exemple prévu 1.800 places en région Auvergne-Rhône-Alpes, 1.500 en Nouvelle-Aquitaine… Seules exemptées : l'Ile-de-France et la Corse qui ne font pas partie du schéma. Le détail des communes d'accueil n'est pas encore fourni mais aussitôt des voix se sont élevées pour dénoncer le manque de concertation.
Le président LR de la région Paca Christian Estrosi a écrit au Premier ministre le 13 septembre pour l'alerter des "conséquences financières lourdes" que ces décisions feraient peser sur les communes rurales. Son homologue de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a accusé le gouvernement, mardi sur RTL, de "multiplier des Calais partout en France" et appelé les maires de sa région à s'opposer au plan. Il se dit prêt à mettre l'aide juridique du conseil régional à la disposition de ces maires. "L'Etat cible volontairement des petites communes rurales sans moyens juridiques", a-t-il justifié. Laurent Wauquiez a également demandé une réunion Place Beauvau avec tous les maires concernés.
De quoi courroucer les rescapés socialistes des dernières élections régionales prêts à prendre leurs "responsabilités face à ce devoir de solidarité". "Loin des réactions affolées, outrancières et manipulatrices de certains, nous, présidents de régions et élus régionaux socialistes, faisons le choix de réfléchir et d'agir avec responsabilité s'agissant de la question des migrants qui sont autant de vies brisées dont le chemin tragique a conduit les pas vers notre pays et les poussent vers la côte de Calais", s'offusquent les cinq présidents de régions socialistes dans un communiqué du 16 septembre. Selon eux, "le démantèlement progressif de la lande de Calais sera précédé d'un travail minutieux et précis afin de déterminer la situation de chacune des personnes qui s'y trouve actuellement". "L'expérience acquise dans l'accueil des demandeurs d'asile en provenance de Calais - 6.000 dossiers traités, et 161 centres d'accueil et d'orientation ouverts - sera ainsi précieuse. Ceux qui ne relèvent pas de ce dispositif seront reconduits à la frontière".
L'AMF demande une "concertation préalable"
Il ne s'agit donc pas de "créer des mini-Calais en France", rétorquent-ils, dans la lignée de "l'appel des maires solidaires" lancé la veille par une vingtaine de maires de gauche, dont François Rebsamen (PS, Dijon), Noël Mamère (Ecologiste, Bègles) ou André Laignel (PS, Issoudun), premier vice-président délégué de l'Association des maires de France (AMF). L'AMF, que préside le maire LR de Troyes François Baroin, a demandé, jeudi, que la répartition repose sur le volontariat "dans une démarche de dialogue et de concertation préalable". L'association souhaite aussi qu'il soit tenu compte "de la capacité d'accueil mais aussi des conditions économiques, sociales et financières des communes".
"L'accueil des migrants, c'est d'abord une affaire de maires. Mais ce sont des personnes qui vont ensuite être éligibles aux prestations sociales notamment", déclarait de son côté le 14 septembre Dominique Bussereau, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), en prévenant le gouvernement que "les départements présenteront l'addition". Et en rappelant que pour les départements, "le vrai problème" immédiat est celui de l'accueil des mineurs étrangers isolés par l'Aide sociale à l'enfance, avec un reste à charge très important.
Interrogé sur France Inter le 14 septembre, Bernard Cazeneuve avait assuré que les décisions feraient l'objet d'un "dialogue approfondi avec les élus" et que le financement des centres serait assumé entièrement par l'Etat. Depuis un an, 5.700 personnes ont déjà été accueillies dans 161 CAO, a-t-il également indiqué dans un communiqué, le 15 septembre, précisant que "depuis le début de l'année, 1.346 personnes en situation irrégulière ont été éloignées du territoire national depuis Calais".