Ressources humaines - Emploi territorial : les centres de gestion font le point sur leurs priorités
La troisième conférence nationale de l'emploi territorial a eu lieu à Paris jeudi 17 novembre. Organisée par la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), cette conférence, dont la tenue annuelle est prescrite par la loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale, a été l'occasion pour les élus et les fonctionnaires présents de s'interroger sur les défis auxquels font face les employeurs territoriaux, dans un contexte notamment marqué par la baisse des dotations de l'Etat et la recomposition du bloc communal, et sur la façon dont les centres de gestion (CDG), dans l'exercice de leurs différentes missions, peuvent les y aider. Dans ce cadre, a rappelé Michel Hiriart, président de la FNCDG, la conférence vise à "définir les orientations stratégiques et à présenter les axes prioritaires en matière d'emploi territorial".
Les CDG "à la croisée des chemins"
En introduction, Loïc Cauret, président du CDG des Côtes-d’Armor, a souligné la part importante de la masse salariale dans le budget des collectivités - de 30 à 60% -, d'où la nécessité pour les CDG d'accompagner les élus dans l'exercice de leur mission d'employeur. Ceci dans une optique de recherche d'efficience qui ne doit pas obéir uniquement à des logiques comptables mais aussi avoir une dimension prospective, du fait notamment du volume important des départs à la retraite à venir. A côté de ces missions d'accompagnement, il a également rappelé l'importance des missions techniques des CDG, en particulier auprès de collectivités plus petites pour lesquelles ils effectuent une sorte de "pré-contrôle de légalité" en matière de ressources humaines. Il a estimé que les CDG étaient "à la croisée des chemins", du fait de l'évolution du nombre et de la nature des recrutements.
Les résultats de l'étude "HoRHizons 2016" sur les tendances de l'emploi territorial ont été présentés (voir ci-contre notre article du 17 novembre), ainsi que le 5e panorama de l'emploi public territorial. Cette étude (voir ci-contre), qui porte sur des données de 2014, révèle un dynamisme en termes d'offres d’emploi, notamment dans les petites communes et intercommunalités, ainsi qu'une concentration de 81% des offres sur trois principales filières (technique, administrative et médico-sociale). Elle fait également apparaître des métiers sur lesquels les recrutements sont "en tension", notamment dans le secteur animation-périscolaire, même si les différences régionales sont sensibles. Les collectivités devront en outre anticiper les départs à la retraite, d'ici 2020, d'un tiers des agents de maîtrise, et d'un quart des adjoints techniques des établissements d’enseignement, des Atsem, des rédacteurs et des attachés.
Impact de la refonte des intercommunalités
D'où l'importance pour ces dernières de mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC), sujet de la première table ronde de la journée. Nicolas Portier, délégué général de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), a tout d'abord souligné que les choix qui seraient opérés par les quelque 1.250 à 1.300 intercommunalités - le chiffre officiel sera connu prochainement - résultant de la refonte de la carte intercommunale auraient un impact certain en matière de ressources humaines. Qu'il s'agisse d'orientations stratégiques - choix du mode de gestion des services publics locaux, des éventuels transferts de compétences, de la mise en place de services communs - ou, à une autre échelle, en matière d'harmonisation de régime indemnitaire, de durée du temps de travail, et du niveau des services à apporter à la population.
Une GPEEC "lourde à mettre en oeuvre"
Indispensable GPEEC, donc, même si seulement 13% des collectivités la mettent en oeuvr. Ce sont surtout les plus importantes (régions, collectivités de plus de 20.000 habitants), ainsi que le montrent le baromètre HoRHizons et la récente enquête de l'Association des DRH des grandes collectivités (voir ci-contre notre article du 24 octobre). Pour la FNCDG, Nicolas Salvagno a détaillé la politique RH de la ville de Nîmes dont il est le DRH. Elle combine un objectif de réduction importante de la masse salariale de la commune, qui emploie 2.500 agents, et la mise en oeuvre de trois outils de la GPEEC : la création de fiches de poste, en relation avec le répertoire métiers de la fonction publique territoriale, la cartographie des emplois et des compétences, et la création de parcours de mobilité pour préparer l’évolution des carrières de certains agents, comme les Atsem, particulièrement exposés aux facteurs de pénibilité. Afin de rendre possible la reconversion de ses agents, la ville réserve d'ailleurs des postes d'adjoints administratifs et d'agents d’accueil. Nicolas Salvagno souligne qu'une telle GPEEC reste "lourde à mettre en oeuvre", d'où la nécessité pour les collectivités, surtout les plus petites, de s'appuyer sur les CDG et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et de mutualiser les ressources, tels les référentiels de compétences.
Conseil en organisation aux collectivités
Concernant le conseil en organisation aux collectivités, Catherine Di Folco, sénatrice et présidente du CDG du Rhône, s'est réjouie de la levée de "l'entrave législative" qui fragilisait le recours aux CDG, par l'adoption de la loi "déontologie, droits et obligations" dont l'article 80 détaille désormais les missions qui peuvent être confiées par les collectivités à ces derniers (voir ci-contre notre article du 28 avril). Du fait du "big bang territorial" et de la baisse des capacités de l'Etat en matière d'ingénierie territoriale, les centres de gestion ont un rôle essentiel à jouer en la matière, a-t-elle estimé. A charge pour eux de faire du "sur-mesure", et de bien fixer la limite entre les actions qui relèvent de leurs missions "obligatoires", couvertes par la cotisation que les collectivités leur versent, et des prestations "facultatives", facturées à l'acte, a averti Cédric Macron, directeur du CDG de Saône-et-Loire. Des prestations à harmoniser entre CDG, sous peine de voir une concurrence naître entre eux.
Prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail
La deuxième table ronde, l'après-midi, était consacrée à "la gestion de l'absence pour raison médicale". Alors que le nombre moyen de jours de congé maladie ordinaire pris par un agent des collectivités s'élevait à 21 en 2015 (voir ci-contre notre article du 27 juin), en hausse régulière depuis 2007, les intervenants sont revenus sur les difficultés liées à la fois à la mesure de cet absentéisme et à la mise en oeuvre d'une politique efficace pour lutter contre ce problème, objet d'observations récentes de la Cour des comptes (voir ci-joint notre article du 12 octobre), et également bien présent dans la campagne présidentielle.
Johan Theuret, président de l'Association des DRH des grandes collectivités, qui a proposé avant l'été la mise en place d'un "tableau de bord partagé" pour mesurer l'absentéisme (voir ci-contre notre article du 2 mai), a souligné la complexité des causes du phénomène, lié certes au vieillissement des personnels, mais aussi à de possibles problèmes managériaux, sans exclure les effets de "perte de sens" induits par la nouvelle donne territoriale. S'il estime qu'il est difficile de lutter contre d'éventuels abus concernant les congés de maladie ordinaire, il pense que les DRH ont une "capacité d’action" sur les maladies professionnelles et les accidents du travail, et peuvent mettre en place des mesures faisant rapidement effet, dans le cadre d'une politique de prévention. Le DRH de la ville de Clermont-Ferrand s'est réjoui des mesures récemment adoptées à l'Assemblée nationale dans le cadre du PLF 2017, et notamment du projet d'ajouter au bilan social une présentation des actions de prévention de la pénibilité et d'amélioration des conditions de travail (voir ci-contre notre article du 15 novembre).
Un médecin de prévention pour 2.817 agents
Au sein des CDG, le service de médecine de prévention est le premier des services facultatifs auxquels les collectivités ont recours, à hauteur de 69%, a rappelé Daniel Leroy, président du CDG de Seine-et-Marne. La FPT connaît une pénurie sérieuse de médecins du travail, aggravée par le vieillissement de personnels en place, dont 80% avaient atteint en 2015 l'âge de la retraite, s'alarme Daniel Leroy, qui indique qu'un médecin suit en moyenne 2.817 agents. Si le recrutement d'autres personnels médicaux et paramédicaux - infirmiers, psychologues, ergonomes - est possible, il reste à articuler l'action de l'ensemble de ces personnels dont les missions sont appelées à évoluer pour inclure certains aspects des thématiques "qualité de vie au travail" et "risques psycho-sociaux". Les CDG ont aussi recours à des médecins généralistes auxquels il est demandé d'obtenir la spécialité "médecine du travail". Sur la licéïté de cette pratique, toutefois, la position du représentant de l'Etat et du Conseil de l'ordre varie d'un département à l'autre, déplore-t-il.
Face à une situation dont les enjeux humains et financiers sont "énormes", la FNCDG appelle également à une réforme des modalités de saisine du comité médical et du comité de réforme, notamment pour faciliter les reclassements. Les conclusions de la mission des corps d'Inspection générale de l'Etat sur la médecine de prévention (voir ci-contre notre article du 7 septembre 2016), attendues pour la fin de l'année, viendront peut-être apporter des pistes d'amélioration.