Archives

Ressources humaines - Les DRH des grandes collectivités proposent un "tableau de bord partagé" pour mesurer l'absentéisme

"Systématiser l'entretien de reprise d'activité", "mettre en place des plans de prévention contre les TMS et RPS", "valoriser le régime indemnitaire en fonction de la présence", "envisager un plafonnement du report du droit à congés acquis pendant un arrêt maladie", voire "rétablir le jour de carence" sont quelques-unes des pistes suggérées par une étude sur "L'absentéisme dans les collectivités" présentée le 28 avril par l'Association des DRH des grandes collectivités, en partenariat avec l'Inet.

Souvent liée dans l'esprit des usagers à la question du temps de travail des agents publics, sur laquelle Philippe Laurent, président du CSFPT (Conseil supérieur de la fonction publique territoriale) doit remettre un rapport mi-mai au Premier ministre, la problématique de l'absentéisme dans la fonction publique est sensible : une note réalisée en juin 2015 indiquait ainsi une hausse de 18% entre 2009 et 2014 (voir ci-contre notre article du 29 juin 2015).
Dans un contexte de "raréfaction des ressources, de montée en puissance des politiques de prévention et de responsabilisation des employeurs, d'interrogations relatives aux modèles de protection complémentaire" qui "mettent en exergue la nécessité de repenser les pratiques visant à lutter contre l'absentéisme", l'Association des DRH des grandes collectivités (ADRH GCT) a demandé à quatre élèves administrateurs territoriaux de l'Inet (Institut national des études territoriales) une étude sur le sujet, rendue publique jeudi 28 avril. Intérêt de ce travail pour les collectivités territoriales, il ne se livre pas à un état des lieux de l'absentéisme des agents territoriaux mais vise à proposer, à l'aune des problématiques et des pratiques observées, une "définition partagée" de la notion d'absentéisme, des outils de mesure et de suivi de l'absentéisme permettant des comparaisons objectives entre collectivités, un recueil de "bonnes pratiques" qui pourraient inspirer d'autres collectivités, ainsi que des pistes d'évolution du cadre réglementaire.

Des approches diverses de l'absentéisme selon les collectivités

La proposition d'une approche commune de la notion d'absentéisme est un préalable. En effet, relève l'étude, qui évoque "une grande diversité de situations" parmi la quarantaine de grandes collectivités consultées, le phénomène de l'absentéisme n'est pas abordé de la même manière dans chaque collectivité : "Certaines l'abordent sous l'angle de l'amélioration des conditions de travail (prévention des risques psychosociaux 'RPS', lutte contre les troubles musculo-squelettiques 'TMS'), du bien-être au travail (motivation des agents…), tandis que d'autres ont une approche plus comptable (taux d'absentéisme et coût financier). D'où le choix des auteurs de privilégier une approche qualitative et non quantitative. À cet égard, l'étude souligne plusieurs "points de vigilance". En particulier, la difficulté d'objectiver un tel sujet les a conduits à davantage "mettre en lumière des pratiques identifiées à l'occasion des différents entretiens, que d'émettre des préconisations susceptibles d'être généralisées".

Un tableau de bord à diffuser

L'étude propose, en le distinguant clairement de l'absence, "de définir l'absentéisme comme l'absence d'un agent à son poste, dès lors que cette absence n'est pas liée aux droits légaux, statutaires ou découlant de dispositifs internes dont bénéficie l'agent" (autorisations spéciales, congés, RTT, formation, congé maternité…), ce qui implique de comptabiliser les absences pour raisons de santé.
Sur cette base, les auteurs détaillent donc un tableau de bord dont l'adoption sera prochainement proposée aux quelque 120 membres de l'Association. L'objet de ce tableau de bord, constitué, outre les données relatives aux effectifs et à l'absentéisme, d'indicateurs de contexte pour "dresser le profil de la collectivité", est de "permettre la comparaison dans le temps et entre collectivités" et de "délivrer de premiers éléments d'interprétation et de compréhension". Pour aider les collectivités dans la collecte et la centralisation de telles données, l'étude formule plusieurs recommandations de méthode : mise en place de fiches indicateurs, homogénéisation des fonctions d'observatoires, exposition par la collectivité de sa politique en matière de temps de travail, de lutte contre l'absentéisme et de GPEEC…

"Prévenir et endiguer le phénomène d'absentéisme"

L'étude propose une série d'orientations "pour prévenir et endiguer le phénomène d'absentéisme" en se basant sur des "solutions existantes ou à imaginer", quitte à faire évoluer le cadre réglementaire.
En matière de "leviers managériaux",  les futurs hauts fonctionnaires proposent d'"impliquer et responsabiliser la chaîne hiérarchique" en adoptant "une gestion déconcentrée du suivi ainsi qu'un reporting au moyen de tableaux d'indicateurs et de suivi par direction", en systématisant l'entretien de reprise d'activité, ou encore en valorisant "l'octroi de remplacements en fonction de la maîtrise de l'absentéisme". Il s'agirait ainsi de ne pas remplacer automatiquement toute absence mais d'accorder aux services une enveloppe globale budgétaire ou en ETP déterminée en fonction des absences.
Sur le volet prévention, il est recommandé de "conforter le bien-être et mieux prendre en compte les conditions de travail" via le développement de la mobilité des agents - qui peut "être envisagée afin d'éviter l'usure psychologique ou physique", et la mise en place de plans de prévention contre les TMS et les RPS. L'étude préconise également d'"améliorer la relation et la coordination entre suivi médical et attentes de services de l'employeur" en renforçant notamment les modalités de contrôle de la visite d'embauche, qui "ne remplit pas son rôle" dans de nombreuses collectivités.

Actionner des "leviers incitatifs et de contrôle"

Sur ce front, l'étude propose trois pistes. Tout d'abord, "valoriser le régime indemnitaire en fonction de la présence". Cela implique de "moduler le régime indemnitaire des agents en fonction du nombre de jours d'absence qu'ils ont eu durant l'année", une méthode qui "se montre donc plus adaptée pour lutter contre les absences courtes et fréquentes liées à la maladie ordinaire". Elle suggère également de "recourir au levier de la prévoyance en modulant l'étendue de la couverture en cas d'arrêt" : les collectivités ayant décidé de participer au financement de la prévoyance de leurs agents "étant en charge de négocier les conditions du contrat", elles peuvent "alors agir sur le taux de couverture pour prévenir ou décourager les arrêts injustifiés". Les auteurs soulignent enfin que "faire procéder au contrôle des motifs pour apprécier médicalement l'opportunité des arrêts envoie un signal fort en direction des agents" : il s'agit, via les contre-visites médicales "d'intervenir directement contre les éventuels arrêts de complaisance délivrés par certains médecins de ville" et de cibler les "arrêts perlés à certains moments de l'année". Les DRH présents lors de la restitution de l'étude ont toutefois insisté sur l'efficacité limitée de cette démarche, au-delà de sa valeur symbolique.

Faut-il rétablir le jour de carence ?

L'étude propose enfin plusieurs leviers "potentiels mais nécessitant des évolutions du cadre réglementaire", tels que la révision du "système de formation et de désignation des médecins agréés en associant les collectivités", ou encore le "plafonnement du report du droit à congés acquis pendant un arrêt maladie". Sur ce point, "il pourrait donc être proposé au législateur de préciser et sécuriser le cadre juridique dans le sens d'une réduction, ou du moins d'une modulation des droits à congés pour les agents en situation de reprise d'activité", expliquent les auteurs.
Sur le jour de carence, "plus de 50% des participants au questionnaire […] et un nombre important de DRH rencontrés en ont préconisé le rétablissement tel qu'il avait été institué et mis en œuvre en 2013, ce dernier ayant eu, selon eux, un effet notable sur le nombre de jours d'absence", indique l'étude. Toutefois, si les arrêts de courte durée ont eu tendance à baisser, ceux de longue durée ont progressé, "laissant supposer que certains agents 'optimisaient' leurs absences en les prolongeant autant que possible afin de 'compenser' au maximum la perte de ce jour de carence non rémunéré". 
Johan Theuret, président de l'Association a pour sa part estimé qu'il s'agissait d'un débat "pas très rationnel", et a rappelé que son association se prononçait plutôt pour un rétablissement du jour de carence dans le cadre d'une expérimentation, suivie d'une évaluation. Il importe que les cadres parlent ouvertement de l'absentéisme avec les agents, dans l'optique de provoquer une prise de conscience sur un sujet qui n'est pas "tabou", a-t-il conclu. Les conclusions de l'étude devraient être présentées par l'ADRH GCT à la ministre de la Fonction publique lors d'un prochain entretien.


 

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis