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Finances locales - De nouvelles ressources aux départements, les autres collectivités dans l'expectative

Le gouvernement et l'Assemblée des départements de France sont parvenus ce 16 juillet à un accord sur le financement des allocations de solidarité qualifié d'"historique" par les élus de gauche. Les départements disposeront en 2014 et 2015 de 2,1 milliards de ressources nouvelles. Ce qui équivaut à une compensation intégrale du financement du RSA. Dans la foulée, le gouvernement recevait les associations d'élus locaux pour préparer le "pacte de confiance et de responsabilité". Les propositions du Comité des finances locales concernant les modalités de la baisse des dotations et la péréquation ont été retenues.

Les présidents de conseils généraux affichaient, ce 16 juillet, une très grande satisfaction après leur rendez-vous à Matignon avec le Premier ministre, juste avant la tenue de la conférence des finances locales. Cette réunion, qui était le point d'orgue de la négociation sur le financement des allocations individuelles de solidarité distribuées par les départements, a abouti à un accord jugé quasi historique entre le gouvernement et les représentants des conseils généraux. Dix présidents de départements étaient présents avec, face à eux, huit ministres.
Les départements obtiennent quelque 2,1 milliards d'euros de ressources nouvelles potentielles en 2014 et 2015. D'abord, un fonds de compensation de 830 millions d'euros sera alimenté par le transfert des frais de gestion de la part départementale de la taxe sur le foncier bâti jusque-là perçus par l'Etat. Ces recettes seront distribuées à l'ensemble des départements en fonction de leur richesse et de leurs charges. Ce fonds pourra croître dans le temps puisque les frais de gestion de la fiscalité locale sont liés aux bases fiscales.
Par ailleurs, les départements auront la possibilité de dépasser en 2014 et 2015 le plafond des prélèvements au titre des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Aujourd'hui fixé à 3,8%, ce plafond, que tous les départements ont atteint, pourra croître jusqu'à 4,5%, sur décision du conseil général. La nouvelle ressource, qui représentera jusqu'à 1,3 milliard d'euros, permettra aux intéressés de faire face éventuellement à la diminution des recettes des DMTO, précise Matignon dans un communiqué.

"Le RSA relèvera de la solidarité nationale"

"Nous avons fait une nouvelle proposition pour le calcul du potentiel financier et fiscal des départements", a par ailleurs indiqué le président de l'Assemblée des départements de France (ADF). Cette proposition avait été adoptée, début juin, à l'unanimité par le bureau de l'ADF. Si elle était mise en œuvre, elle mènerait à une répartition plus juste des recettes des fonds de péréquation des ressources départementales.
Surtout, Claudy Lebreton a relevé que les allocations versées au titre du RSA vont relever "progressivement et de manière définitive dans les années à venir de la solidarité nationale", comme le prônaient les présidents de conseils généraux. En tout cas, les 2,1 milliards mis sur la table par le gouvernement équivalent à "la reconnaissance du fait que l'ensemble du RSA doit être de la responsabilité nationale", a expliqué de son côté Michel Dinet, président du conseil général de Meurthe-et-Moselle, en jugeant que "c'est un élément fondamental". Patrick Kanner, président du conseil général du Nord, fait la même équation : "Par différents dispositifs financiers, le gouvernement s’engage dès la loi de finances 2014 à compenser le reste à charge laissé aux départements pour la couverture financière du RSA, c’est-à-dire une mobilisation d’environ 2 milliard d'euros."
Le financement de l'APA par le "recours sur succession" et son attribution en fonction de conditions de ressources, qui avaient été proposés par l'ADF, ont pour l'instant été écartés par le gouvernement, a encore précisé Claudy Lebreton. Lequel a rappelé que les départements sont prêts à "toutes les discussions pour maîtriser davantage leurs dépenses".

Un accord-cadre dans les mois qui viennent

Les mesures annoncées ce 16 juillet figureront dans un accord que l'Etat et les départements signeront en septembre prochain, ou au début de l'automne (peut-être au prochain congrès de l'ADF, en octobre à Lille). Un document qui "reprécisera" le premier accord qui avait été signé à l'Elysée le 22 octobre 2012 (lire ci-contre notre article publié à cette date).
Le nouvel accord s'appliquerait jusqu'à la fin du quinquennat. Une période au cours de laquelle, "si la croissance revient, il sera opportun de régler définitivement le problème du financement de la cohésion sociale entre les départements et l'Etat en ce qui concerne les allocations individuelles de solidarité et aussi sur les autres politiques publiques, telles que la protection de l'enfance, ou la protection maternelle et infantile", a précisé le président de l'ADF. Un accord dans lequel les départements s'engageraient sur des "contreparties" : notamment le recrutement d'emplois d'avenir, le financement du déploiement du haut débit et le soutien à l'économie locale.
"Alors que les départements sont vilipendés et alors que certains affirment qu'ils sont une collectivité du passé, c'est une vraie reconnaissance par le Premier ministre de notre action et de notre rôle dans les politiques d'action sociale", a commenté Claudy Lebreton. Ces décisions "sont, par ailleurs, de nature à rassurer les familles de France", a-t-il fait remarquer, en ajoutant qu'il faudra néanmoins transformer l'essai dans les lois de finances de la fin de l'année. Patrick Kanner évoque quant à lui la perspective d'"autres négociations, dans le cadre de la future loi pour l’autonomie pour solvabiliser l’APA et la PCH".
"Pendant dix ans, il n'y a pas eu d'autre geste de la part d'un gouvernement que celui qu'a mis en place Jean-Pierre Raffarin, lorsqu'il était Premier ministre, à travers le Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion, qui ne représentait qu'un cinquième du montant que nous avons obtenu aujourd'hui", a déclaré, de son côté, Michel Dinet. Un sentiment partagé par tous ses collègues de gauche.
"Je me satisfais très largement de ces 2 milliards d'euros. (...) On ne va vraiment pas faire la fine bouche aujourd'hui", a estimé Jérôme Guedj, président du conseil général de l'Essonne, interrogé par Localtis sur le fait que la non-compensation des allocations individuelles de solidarité par l'Etat atteint annuellement entre 5 et 6 milliards d'euros, d'après le bilan conjoint des départements et du gouvernement (lire notre article du 30 avril 2013).
Au nom des présidents de droite, Bruno Sido, président de la Haute-Marne, reconnaît "un début de solutions" et constate qu'"un sentiment de satisfaction générale a pu prévaloir". Il s'interroge toutefois sur "l’absence de garantie comprise dans la libre appréciation des départements de relever le plafond de leurs DMTO" et rappelle que son groupe continue de plaider en faveur d'une deuxième journée de solidarité.

"Tour de passe-passe"

En début d'après-midi, le président de l'ADF est réapparu dans la cour de l'hôtel Matignon. C'était à l'issue de la conférence des finances locales et cette fois il était aux côtés de ses collègues des autres niveaux de collectivités. Dont certains n'ont pas apprécié d'apprendre le jour même les décisions du gouvernement concernant les finances des départements. Tel Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), qui a critiqué un "tour de passe-passe difficilement acceptable". "On enlève d'un côté [en baissant les dotations], mais on apporte de l'autre [par de nouvelles ressources]". En faisant remarquer que, pour le bloc communal, le gouvernement "enlève", mais "n'apporte rien".
"La réunion s'est passée de façon sympathique. Le rythme de ces réunions est maintenant bon. Les documents préparatoires sont envoyés à l'avance", s'est cependant félicité le président de l'AMF concernant la conférence, dont c'était la seconde édition, après celle du 12 mars dernier. André Laignel, premier vice-président de l'AMF et président du comité des finances locales (CFL), a salué quant à lui "la bonne écoute dont a fait preuve le gouvernement".
Du côté du gouvernement, justement, on se félicite également d'un climat constructif. "La réunion a été globalement très positive et a montré la qualité du dialogue et des négociations que nous avons portées ensemble", a déclaré Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée en charge de la décentralisation.
A l'issue de cette rencontre, le gouvernement devait préparer un relevé de conclusions. Le document devrait reprendre les propositions faites par le CFL concernant les modalités de la répartition de la baisse des dotations (sur ces propositions, lire notre article du 26 juin 2013). La part de chaque catégorie de collectivités dans les ressources totales du secteur public local servirait, donc, de critère à cette baisse. Ainsi, le bloc communal subirait en 2014 une réduction de 840 millions d'euros de ses dotations, tandis que pour les départements et les régions, le coup de rabot atteindrait, la même année, respectivement 476 millions d'euros et 184 millions d'euros.

Soutien à l'investissement : pas de mesures nouvelles

En matière de péréquation, le gouvernement s'inspirera, là encore, des propositions du CFL. Le projet de loi de finances pour 2014 devrait donc prévoir une croissance de 109 millions d'euros des dotations de péréquation destinées aux communes, tandis que le Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) devrait progresser de 210 millions d'euros pour atteindre 570 millions d'euros.
"Pour l'instant, le gouvernement a refusé de prendre en compte trois points demandés par le CFL", indique André Laignel. L'instance de dialogue entre les élus et le gouvernement avait souhaité que la baisse des dotations soit considérée comme une "contribution exceptionnelle" et qu'elle soit lissée sur trois ans. Et, enfin, que les économies ainsi dégagées servent à financer les investissements publics locaux, à un moment où une forte baisse des investissements locaux est prévisible. "J'ai beaucoup insisté, comme d'autres, pour que l'on soutienne l'investissement", a indiqué au passage André Laignel qui, ainsi, "espère qu'il y aura une réflexion" sur ce sujet. Mais pour l'heure, le gouvernement oppose un refus.
La lutte contre l'excès de normes a été très débattue lors de la rencontre. Le Premier ministre a annoncé qu'il avait signé le matin même une circulaire sur le moratoire des normes. "C'est un bon point", a jugé Jacques Pélissard. "Encore faut-il que le fait qu'il n'y ait plus de nouvelles normes passe dans la culture administrative française", a-t-il nuancé.
"Les propositions du CFL concernant l'accès au crédit et la contractualisation sont reprises par le gouvernement", se félicite André Laignel. Les associations d'élus du bloc communal ont par ailleurs "accueilli avec satisfaction" l'annonce de la révision de l'assiette de la cotisation minimale de cotisation foncière des entreprises (CFE). Les manifestations de petits patrons à l'automne dernier, avait montré que cette taxe était à revoir. Elle pourrait donc être plafonnée en fonction de la valeur ajoutée des entreprises, comme le souhaitent les élus.

Une solution pour les emprunts structurés

S'agissant de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation, les maires et présidents de communautés sont plus mitigés : ils accueillent favorablement l'ouverture d'une concertation sur ce sujet en octobre prochain. Mais ils aimeraient que la réforme ne remette pas en cause les dégrèvements de taxe d'habitation, un point sur lequel ne s'est pas encore engagé le gouvernement.
Celui-ci a profité de la conférence pour préciser son dispositif de soutien destiné à résoudre le problème des emprunts structurés. D'après le président du CFL, ce fonds serait abondé par l'Etat et les banques à hauteur de 100 millions d'euros chacun, sur plusieurs années. Les collectivités n'étant, donc, pas sollicitées.
La conférence n'a pas permis, semble-t-il, de clore le dossier des nouvelles ressources des régions. Mais, point positif pour elles, le relevé de conclusions pourrait proposer de remplacer 1,7 milliard de ressources régionales "figées" par des "recettes évolutives", au moins en partie "dans le cadre de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle", précise Matignon.

 

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