CCI - CCI France : "Le réseau continue à s'appauvrir"
"Nous allons nous battre en montrant ce que les chambres de commerce et d'industrie apportent." André Marcon, président de CCI France n'a pas l'intention de baisser les bras face aux nouvelles velléités du gouvernement de réduire le budget des CCI. Il l'a fermement signalé, lors d'une rencontre avec la presse organisée le 6 octobre 2016. Le projet de loi de finances pour 2017, présenté en Conseil des ministres le 28 septembre 2016, prévoit une coupe drastique de 60 millions d'euros de la taxe affectée aux CCI, soit une baisse de 6,7% par rapport à 2016. Et cette diminution fait suite à des précédentes baisses : en quatre ans, entre 2012 et 2016, la taxe affectée aux CCI a été réduite de 35%. La taxe représentait 977 millions d'euros en 2002, elle était de 1,383 milliard en 2013, et tombera à 836 millions d'euros en 2017 si la dernière baisse est actée. Parallèlement, les CCI ont subi deux prélèvements sur leurs fonds de roulement en 2014 (170 millions d'euros) et en 2015 (500 millions d'euros).
Les conséquences de ces baisses de moyens financiers sont nombreuses. Au premier plan : l'emploi. "Il y a eu 2.500 suppressions d'emplois sur deux ans, a précisé André Marcon, la CCI Paris Ile-de-France étant la plus touchée, et ce chiffre ne prend pas en compte l'année 2016, il est possible que l'on approche voire que l'on dépasse les 3.000 suppressions d'emplois." Le réseau a ainsi mis en place en 2015 un plan emploi consulaire (PEC) qui a conduit à plus de 1.600 départs volontaires, représentant un coût supplémentaire de 130 millions d'euros. En 2016, la poursuite des contraintes budgétaires a conduit plusieurs CCI à compléter le PEC par des suppressions de postes sèches. Les effectifs sont passés de 25.480 en 2012 à 22.528 en 2016.
L'investissement des CCI a également pâti de ces coupes budgétaires. Depuis 2013, il est en chute dans les territoires. Les investissements annuels des CCI correspondaient ainsi à 628 millions d'euros en 2013. Ils s'élèvent à 350 millions d'euros seulement en 2016. "Le réseau continue à s'appauvrir", a assuré André Marcon, signalant que "tous les boulons ont été resserrés et qu'il n'y a plus maintenant que le personnel et l'investissement" pour s'adapter aux évolutions financières.
Des projets abandonnés
Côté équipements et infrastructures, les CCI avaient sonné l'alarme dès fin 2014, annonçant un risque de "casse territoriale" avec 300 équipements menacés de fermeture, ou, tout au moins, mis en difficulté, comme les aéroports régionaux d'Albi, Castres, Nevers, Besançon, les ports maritimes ou fluviaux de Morlaix, Roscoff, Lille ou encore les centres de formation d'apprentis (CFA). Si ces prévisions alarmantes ne se sont pas concrétisées, c'est que les CCI s'organisent pour éviter le pire. "En Bretagne, deux CCI ont fait une proposition commune pour l'aéroport de Brest", a expliqué André Marcon. L'ouverture à la concurrence des aéroports régionaux a aussi changé la donne, avec le retrait des CCI de la gestion de la plupart d'entre eux, sauf des plus grands comme Nice ou Lyon, dans lesquels les CCI restent très impliquées.
Sur les CFA, "on freine alors qu'on y croit beaucoup", a souligné le président de CCI France. Certains projets ont dû être abandonnés, comme le projet de campus pour l'Ecole supérieure de commerce de Clermont-Ferrand. "Il s'agit d'un projet ambitieux de 30 millions d'euros, les terrains ont été achetés, la CCI y travaille depuis six ans, mais la ponction sur les fonds de roulement, de 16 millions d'euros sur la chambre, a remis en question le projet," a signalé André Marcon. D'autres CFA ont failli passer à la trappe, comme celui de Brest ou de Carcassonne.
Mouvement de réorganisation des CCI, relations avec les régions : des bonnes surprises
Le mouvement de fusion et de réorganisation amorcé au sein du réseau depuis 2010, dans le cadre de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, facilite souvent les choses. La nouvelle carte régionale des CCI est prête, sauf pour la Lorraine*, avec 13 CCI régionales, contre 27 en 2010, et 7 CCI d'outre-mer contre 6 en 2010. Le réseau compte 86 CCI territoriales en 2016, contre 118 en 2010. D'après André Marcon, la réorganisation s'est très bien passée. Lui-même en est le premier surpris. Mais le mouvement n'est peut-être pas arrivé à son terme, l'enjeu étant pour les années à venir d'adapter la taille des CCI aux bassins économiques pertinents, qui ne correspondent pas toujours aux frontières administratives.
Autre bonne surprise : les relations avec les régions. "Nous sommes heureux qu'elles aient la compétence sur le développement économique car la stratégie économique ne peut pas être l'affaire du petit territoire, a assuré André Marcon, en allusion aux nouvelles compétences des régions avec la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr), précisant qu' "il y a une vraie volonté de coopérer entre appareils consulaires et régionaux et une très bonne écoute des CCI dans l'élaboration des schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII). L'autorité économique, c'est la région, les CCI proposent quant à elles d'être maîtres d'œuvre sur un certain nombre de chantiers, voire maîtres d'ouvrage". En revanche, pas question de se laisser absorber par les régions. "Nous sommes partisans des CCI établissements publics de l'Etat, qui est le seul qui permet de garantir la pérennité de nos actions", a expliqué André Marcon, qui met aussi en avant l'importance de l'indépendance politique des CCI.
Une déclaration commune CCI / APVF
Au-delà des régions, les CCI travaillent en partenariat avec d'autres collectivités. La semaine dernière, André Marcon a ainsi signé avec le président de l'Association des petites villes de France (APVF), Olivier Dussopt, une déclaration commune pour attirer les pouvoirs publics sur l'importance de leur action mutuelle et les moyens qui y seront alloués pour agir en faveur de la redynamisation du commerce dans les centres-ville. Les deux partenaires mettent en garde contre une nouvelle réduction de leurs moyens "au risque d'un affaiblissement durable de la cohésion sociale et de la dynamique économique sur ces territoires", précise la déclaration. Ils appellent à l'abondement par la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) du Fonds (Fisac), "qui a permis à tant de projets commerciaux de voir le jour ou de se maintenir", et proposent de régionaliser le fonds pour favoriser la proximité et l'efficacité dans l'attribution de l'aide financière. Les CCI et les petites villes de France rappellent dans leur déclaration les moyens qu'elles mettent en oeuvre pour revitaliser le commerce de proximité. Les CCI participent ainsi au financement du poste de manager de centre-ville dans 11% des cas. Les chambres de commerce accompagnent aussi de nombreux projets de revitalisation commerciale dans les petites villes, qui sont répertoriés sur la plateforme collaborative Ouikicommerce.
Emilie Zapalski
* En Lorraine, la question d'une chambre unique n'a pas encore été tranchée.
Des élections dans les CCI du 20 octobre au 2 novembre 2016
Les entrepreneurs sont appelés à élire leurs représentants au sein des chambres de commerce et d'industrie (CCI) du 20 octobre au 2 novembre 2016. D'après CCI France, plus de la moitié des élus seront renouvelés. Le vote concerne 2,9 millions d'entreprises et permettra d'élire 4.300 personnes pour cinq ans. Les résultats seront connus début novembre.