Entreprises - Poursuite de la baisse des effectifs dans un "réseau de CCI exsangue"
Localtis : Où en est le débat parlementaire sur le budget des CCI et comment envisagez-vous la "CCI de demain" sur fond de restrictions budgétaires ?
André Marcon, président de CCI France : Les CCI sont des établissements publics de l'Etat. Ce dernier et le Parlement sont donc en droit de décider ce qu'ils veulent faire de notre réseau. Cela étant dit, il convient de rappeler que l'amputation, en 2015, de 213 millions d'euros de notre budget de fonctionnement et le prélèvement par Bercy de 500 millions d'euros sur nos fonds propres ont rendu le réseau des CCI exsangue. Nous avons été contraints de nous séparer de 1.600 personnes. Des départs volontaires en majorité [des congés de transition pour les personnes proches de la retraite et des cessations d'un commun accord de la relation de travail/CCART, Ndlr], qui ont coûté aux chambres 160 millions d'euros cette année. Ces départs vont se poursuivre avec des départs contraints (suppressions de postes) dans les prochains mois.
En ce qui concerne le débat budgétaire en cours, alors que la trajectoire budgétaire prévoyait une baisse de 117 millions, le projet de loi de finances 2016 avait inscrit une baisse de nos ressources fiscales de 150 millions. Un amendement a permis de ramener cette baisse à 130 millions d'euros en 2016.
Si ces baisses à répétition se poursuivent, le réseau des CCI est condamné à moyen terme. Pour autant, nous avons lancé il y a plus d'un an notre projet de CCI de demain. Il s'agit de bâtir un nouveau modèle de fonctionnement au bénéfice des entreprises avec des CCI plus connectées, offrant davantage de services en ligne et facilitant la mise en réseau des entreprises entre elles. Nous construisons également des CCI collaboratives privilégiant le "faire avec" les autres acteurs que sont les conseils régionaux, les communautés d'agglomération, les communes. Enfin, troisième pilier de notre réforme, des CCI plus réactives, plus agiles pour accompagner les entreprises dans les évolutions indispensables de leurs business models.
Quel sera l'impact de la réforme territoriale sur l'organisation des CCI sur le territoire métropolitain ?
Au 1er janvier 2017, il n'y aura plus qu'une seule chambre de commerce et d'industrie (CCIR) par région administrative. Nous allons ainsi passer de 22 à 13 chambres de région à l'instar des collectivités régionales. Nous n'étions pas demandeurs d'un report de la réforme territoriale de nos chambres d'une année (c'est une année de perdue !), mais la loi Notr du 7 août 2015 en a décidé autrement : nos prochaines élections ont été décalées d'un an et auront lieu en novembre 2016. Depuis la loi du 23 juillet 2010 [relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services], nous avons démontré notre capacité d'adaptation. Le réseau comptera à terme moins d'une centaine d'établissements sur l'ensemble du territoire métropolitain.
Je souhaite avant tout que le réseau soit présent sur des bassins économiques pertinents et dotés d'une taille critique. Rien n'interdit à nos élus de modifier un système départemental qui leur semble peu pertinent lorsque, par exemple, certains bassins économiques sont situés à cheval sur deux départements. Les élus n'ont rien à s'interdire dans l'intérêt des entreprises. Le mouvement de regroupement régional est très ancré dans leur esprit. Ils ont conscience qu'ils doivent mutualiser leurs moyens et mettre les chambres au service des nouveaux territoires.
Quelles relations entretiennent les CCI avec les conseils régionaux ?
De manière générale, ces relations sont excellentes, surtout lorsque les chambres ont face à elles des présidents de région ouverts à la contractualisation. Dans la perspective de la réforme territoriale, nos collègues au sein des chambres ont travaillé avec les régions sur les différents domaines qui sont de leur responsabilité et sur lesquels les CCI interviennent, pour voir comment pourront s'effectuer les futures collaborations entre nos réseaux respectifs. En matière économique par exemple, les CCI sont positionnées de la création à la transmission d'entreprise, en passant par la formation et l'international. De leur côté, les régions ont hérité dans la loi Notr d'une compétence exclusive pour définir le régime d'aides aux entreprises et décider de leur octroi. En ce qui concerne l'apprentissage, nous allons discuter de la collecte de la taxe avec les appareils régionaux afin de préserver notre système de filière qui s'étend du niveau IV/V au niveau supérieur. Nous allons également défendre notre système de formation professionnelle orienté vers l'emploi (à la différence de certains stages parking), et qui s'adresse tant aux salariés qu'aux demandeurs d'emploi. Dès 2016, nous allons rencontrer nos confrères au sein des nouvelles régions pour étudier les partenariats possibles et éviter les doublons.
Pour quelle raison avez-vous conclu en septembre dernier un partenariat avec l'Association des maires de France (AMF) et où en est cette collaboration ?
Ce n'est pas l'union de deux réseaux "pleurnichards" mais de deux réseaux meurtris, sur le plan budgétaire. Les communes, comme les CCI, doivent en effet faire face aux baisses de ressources importantes tout en maintenant le cap du développement économique des territoires et en s'adaptant au nouveau paysage institutionnel issu de la loi Notr. Cette convention a pour but de renforcer la coopération et le rapprochement des CCI et des communes de France. Il s'agit de renforcer nos connaissances réciproques sur la vie des territoires - nous disposons par exemple de données très utiles des observatoires du commerce des CCI qui peuvent être mises à la disposition des élus locaux -, de développer une communication partagée sur des enjeux communs et de renforcer la collaboration locale entre maires et CCI. De multiples rencontres ont lieu depuis sa signature pour créer davantage de fluidité entre les communes et les CCI.
Propos recueillis par Valérie Grasset-Morel