Finances locales - 2010 sauvée par la hausse des droits de mutation
Baisse de l'épargne des collectivités malgré une forte hausse de la fiscalité directe, poursuite de l'investissement et donc recours important à l'endettement, effet du plan de relance lié au remboursement anticipé du FCTVA, grosse inquiétudes en fin d'année... C'est, entre autres, en ces termes que l'on se souvient de l'état des finances locales de l'année 2009 tel que l'avait alors traduit la traditionnelle Note de conjoncture de Dexia (voir ci-contre notre article du 24 novembre 2009).
Alors, un an plus tard, dans quel sens a évolué ce tableau ? Le titre de la nouvelle Note, présentée le 17 novembre à la presse, à la veille des Rencontres financières des décideurs locaux, organisées par Dexia, en dit déjà beaucoup : "2010, une amélioration conjoncturelle à la veille d'une période plus contrainte". Qu'il soit question d'amélioration peut surprendre. On précisera donc d'emblée que celle-ci ne concerne pas - en tout cas pas dans les mêmes proportions - tous les niveaux de collectivités ni même, pour chaque niveau, toutes les collectivités.
Elle est en effet principalement liée à la forte hausse des droits de mutation : une hausse de 2,2 milliards d'euros (1,7 milliard pour les départements et 525 millions pour les communes), soit +32% par rapport à 2009. En sachant que l'année 2009 avait au contraire enregistré une perte de 2,4 milliards. "C'est l'événement de cette année", assure Thomas Rougier, directeur des études France de Dexia Crédit Local, qui parle d'une "opération salvatrice, notamment pour les départements" – avec certes, ainsi, des "disparités" selon les départements.
Ralentissement pour la taxe d'habitation
Bien sûr, à y regarder de plus près, d'autres données relatives aux recettes des collectivités viennent quelque peu tempérer cette embellie passagère. Du côté de l'ex taxe professionnelle (TP), le montant total de la compensation relais est estimé à 31,4 milliards, soit 1,1 milliard de plus (ou 3,8%) que le produit de TP de 2009. En notant au passage que les bases théoriques de TP ont progressé de 3,9% (contre 4,8% l'année précédente).
S'agissant des "trois taxes" (taxe d'habitation, foncier bâti, foncier non bâti), la hausse est clairement moindre qu'en 2009 : +1,9 milliard, contre +3,3 milliards l'an dernier. Ceci, notamment, du fait de la "perte de croissance des bases de taxe d'habitation" (+2,6%, après +4% en 2009), précise Thomas Rougier.
La hausse de la pression fiscale a elle aussi été bien plus faible en 2010 avec, pour les trois taxes, des taux en hausse de 1,9%, contre 3,4% en 2009. Elle est même quasiment nulle pour les régions (+0,1%), et s'est élevée à +1,7% pour les communes et EPCI et à 2,5% pour les départements.
Les autres ressources fiscales (Teom, versement transport, TIPP, TSCA) progressent de 1,1 milliard au total. Mais cette courbe est principalement liée à un produit de TIPP en hausse pour les départements en contrepartie de la généralisation du RSA.
Quant aux dotations, on connaît la règle d'évolution qui prévalait pour l'enveloppe normée : la moitié de l'inflation, soit +0,3%.
Alors, au final, si l'ensemble des recettes des collectivités a augmenté de 7,3 milliards d'euros en 2010, 2,2 milliards sont à mettre au crédit des droits de mutation.
Sursaut de l'épargne
Les dépenses de gestion ont quant à elles augmenté de 5,6 milliards d'euros (+3,8%), soit moins vite qu'en 2009 (+4,3%). Sur ces 5,6 milliards, 1,9 milliard correspond à la hausse des dépenses d'action sociale – et, relève Dexia, "en particulier les dépenses d'insertion, en lien avec la crise économique et la détérioration du marché de l'emploi".
Le poste "achat" (achats de biens et de services) augmente lui de 1,2 milliard (+2,8%), tant par un "effet prix" (prix des matières premières et de l'énergie notamment) que par un "effet volume" lié à l'accroissement des effectifs.
Les dépenses de personnel, précisément, ont augmenté de 1,7 milliard, soit 3,2%, Dexia rappelant à ce sujet que les "effets décalés" des transferts de personnels (personnels TOS notamment) continuent bien de se faire sentir et que l'inflation a produit ses effets via la garantie individuelle de pouvoir d'achat (Gipa) des fonctionnaires. Thomas Rougier parle ainsi d'une "contraction de la hausse des dépenses de personnel" et la Note souligne que la majorité des collectivités a bien pour objectif de stabiliser ses effectifs.
Autre chapitre de cette étude annuelle, résultat des chapitres recettes et dépenses : la variation de l'épargne de gestion des collectivités. Une épargne qui connaît un sursaut en 2010 (+1,7 milliard, soit +4,7%) après deux années de baisse. Une "bonne nouvelle", considère Thomas Rougier, tout en relevant qu'elle est là encore fortement liée au facteur conjoncturel de la hausse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). C'est d'ailleurs pour les départements que la hausse est la plus sensible (+10%), alors qu'on relève même une légère baisse (60,2%) s'agissant des régions.
Sachant que les intérêts de la dette baissent pour la deuxième année consécutive (-0,3 milliard, soit –5,4%), l'épargne brute des collectivités connaît finalement une hausse de 6,2%, après la baisse de –1,9% de 2009. Ceci pour atteindre un montant de 34,7 milliards d'euros, en principe avant tout destiné au financement des investissements.
Investissement : le contrecoup...
Or, l'investissement des collectivités a diminué de 2,1% cette année pour totaliser 51,7 milliards d'euros. Si ce repli frise en réalité la stabilité au niveau communal (-0,3%, ce qui serait presque étonnant si l'on se réfère au cycle du mandat municipal), il est plus que net pour les régions (-9%) et les départements (-12%). Seuls les EPCI ont augmenté leurs investissements de +2,2%.
Il s'agit là assez naturellement du "contrecoup des efforts fournis en 2009" avec la participation des collectivités au plan de relance (participation encouragée par l'opération remboursement anticipé du FCTVA). Mais aussi du résultat d'un "climat conjoncturel peu porteur" : "Alors que les programmes d'équipement devraient se mettre en place, les collectivités se montrent plus réticentes à mettre en œuvre des investissements d'envergure compte tenu du manque de visibilité existant sur l'évolution de leurs recettes de fonctionnement, aussi bien en matière de dotations que de fiscalité", confirme Dexia. Ceci étant dit, on n'oubliera pas que l'investissement des collectivités représente toujours pas moins de 51,7 milliards d'euros.
Ces investissements ont été réalisés à hauteur de 68% par l'autofinancement (35,2 milliards, +14,3%), à hauteur de 23% par les recettes d'investissement (dotations et participations de l'Etat, fonds européens, concours d'agences nationales etc. – pour un montant de 9,4 milliards, en baisse de 27,4%). Le recours à l'endettement (4,7 milliards), en net repli, ne couvre donc que 9%.
Tentant de se projeter sur l'investissement des années à venir, Dexia estime en tout cas que celui-ci a fort peut de chances de suivre la courbe "normale" liée au cycle électoral et estime plutôt que "l'on est probablement au début d'un cycle plutôt atone". Les experts admettent aussi que beaucoup de points d'interrogations subsistent, qu'il s'agisse de l'effet de la crise, du rôle de l'intercommunalité, de l'évaluation du besoin en termes de grands projets locaux…
Plus globalement, Dexia prévoit que "les contraintes actuelles sur les finances publiques se traduiront dans les budgets locaux dès 2011 et se prolongeront au cours des années suivantes" (ne serait-ce que par le gel des dotations pour trois ans, alors même que l'inflation peut repartir à la hausse) et que dans le même temps, les collectivités vont devoir faire face aux impacts de la réforme fiscale qui vient d'ores et déjà les priver d'une partie de leur pouvoir de taux.