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Urbanisme - Réformes en devenir

Les principales mesures issues des réflexions des groupes de travail sur la démarche d'urbanisme de projet doivent notamment alimenter une série d'ordonnances annoncées pour la rentrée au plus tard. Ces derniers mois ont aussi été marqués par l'adoption d'une réforme de la fiscalité de l'urbanisme dont la mise en oeuvre devrait se faire a priori sans heurts. D'autres chantiers sont également très attendus, comme la réforme du droit de préemption et celle de l'urbanisme commercial.

Les 26 et 27 mai derniers, les groupes de travail associant élus et professionnels (urbanistes, aménageurs, architectes, etc.) chargés d'avancer des propositions en faveur d'un urbanisme de projet étaient réunis en séminaire à Paris pour livrer leurs conclusions à Benoist Apparu. Simplification du plan local d'urbanisme, lutte contre la rétention foncière, réduction des contentieux, "grenellisation" du calcul des surfaces pour densifier, etc. : le secrétaire d'Etat au Logement a lui-même présenté la synthèse des mesures avancées, assurant que le gouvernement allait se donner deux mois pour les examiner. Un grand nombre d'entre elles doivent se traduire dans cinq ordonnances prévues par la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010.
Ces textes devaient être présentés au Conseil des ministres "d'ici l'été ou à la rentrée au plus tard", avait alors déclaré Benoist Apparu. C'est donc la deuxième échéance qui s'impose aujourd'hui. Il est vrai que certains acteurs du Grenelle n'ont pas apprécié de ne pas avoir été consultés et ont demandé à la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, d'organiser au cours du mois de juillet des réunions sur ce sujet. "Il y a de bonnes intentions mais un certain nombre de choses extrêmement dangereuses", a ainsi réagi Bruno Genty, président de France nature environnement (FNE). "Nous sommes aussi pour une densification mais pas à n'importe quel prix." Quant aux propositions visant à limiter les contentieux, il souhaite que seul le "contentieux mafieux" soit visé et non celui porté par les "associations de citoyens". Les organisations syndicales ont elles aussi exprimé leurs craintes. La CFDT, par la voix de Dominique Olivier, secrétaire confédéral au développement durable, s'est dite notamment "préoccupée par l'interaction des mesures avec le logement social" et les risques sur la qualité de vie que peut engendrer la "densification urbaine". Daniel Geneste, représentant confédéral de la CGT au Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement (CNDDGE), a dénoncé début juillet l'urbanisme de projet comme "une proposition qui déroule le tapis aux grands affairistes de l'immobilier" et qui "tourne le dos à l'intérêt général et passe à la trappe l'enjeu du logement social".
A côté de ces voix discordantes, la démarche d'urbanisme de projet a reçu le soutien d'Eric Doligé dans son rapport sur la simplification du droit applicable aux collectivités territoriales remis au président de la République le 16 juin dernier. "Parce que l'urbanisme est le vecteur incontournable des projets locaux et structure les possibilités de développement d'un territoire, il constitue un champ de simplification prioritaire", a souligné le sénateur UMP du Loiret, qui a formulé une vingtaine de propositions de simplification des normes en matière d'urbanisme.

La nouvelle fiscalité de l'urbanisme bientôt opérationelle

Il est au moins aujourd'hui un volet de l'urbanisme de projet qui va pouvoir très vite devenir opérationnel : celui de la réforme de la fiscalité de l'urbanisme. L'article 28 de la loi de finances rectificative pour 2010 du 29 décembre 2010 instaure une taxe d'aménagement (TA), qui se substitue à plusieurs participations existantes, ainsi qu'un versement pour sous-densité (VSD), présenté comme "un outil facultatif destiné à permettre une utilisation plus économe de l'espace et à lutter contre l'étalement urbain". La TA et le VSD s'appliqueront à toutes les autorisations d'urbanisme déposées à partir du 1er mars 2012 (pour Mayotte, le délai est reporté au 1er mars 2014). Des décrets d'application sont attendus pour le second semestre 2011. Une "rencontre technique" organisée le 7 juin dernier à Paris par l'Association des maires de France (AMF) a donné des éclairages sur la mise en oeuvre de la réforme. D'ores et déjà, on sait que les communes et les groupements concernés auront jusqu'au 30 novembre prochain pour prendre une délibération instaurant la TA au 1er mars 2012. Le VSD mérite quant à lui un temps assez long de réflexion, comme l'ont conseillé des spécialistes lors de la réunion du 7 juin. Patrice Lallement, chef du bureau de la fiscalité de l'aménagement durable au ministère de l'Ecologie et véritable maître d'oeuvre de la réforme, a ainsi conseillé aux élus locaux de ne pas instaurer de VSD en novembre s'ils ne sont pas "mûrs". Pour le faire, mieux vaut, selon lui, "profiter d'un moment-clé", comme la révision des documents d'urbanisme.

Vers un droit de préemption plus sécurisé

Autre réforme, inspirée en grande partie des réflexions du groupe de travail sur la stratégie foncière mis en place dans le cadre de la démarche d'urbanisme de projet : celle du droit de préemption. Le Sénat a adopté en première lecture le 29 juin la proposition de loi d'Hervé Maurey "visant à améliorer et sécuriser l'exercice du droit de préemption". Le texte défendu par le sénateur centriste de l'Eure entend à la fois "apporter des garanties aux propriétaires et assurer un exercice efficace de ce droit par les collectivités et les opérateurs fonciers". Il s'agit tout d'abord de donner au titulaire du droit de préemption des éléments pour apprécier la consistance et l'état du bien faisant l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner (DIA), afin de lui permettre notamment de tenir compte d'éventuels travaux de dépollution et de remise en état. Le texte améliore en outre la publicité des décisions de préemption et clarifie les conditions de transfert de propriété. Au cours de l'examen en séance publique, plusieurs amendements ont été adoptés contre l'avis du gouvernement mais avec le soutien du rapporteur. Cela a notamment été le cas de celui défendu par Thierry Repentin (PS, Savoie) créant des "zones d'opérations futures" (ZOF). Selon ce sénateur, par ailleurs président de l'Union sociale pour l'habitat (USH), ce nouvel outil destiné aux communes et, le cas échéant, aux intercommunalités, "quand elles font valoir un intérêt communautaire consensuel", n'est ni plus ni moins qu'une "ZAD [zone d'aménagement différé, ndlr] locale". Les collectivités en "maîtriseraient le périmètre et pourraient préserver leur capacité d’achat du foncier ou de l’immobilier pendant une durée minimale de six ans, à l’instar de ce qui se fait dans les ZAD. En échange, les propriétaires se verraient offrir un nouveau droit, le droit de délaissement, c’est-à-dire le pouvoir de contraindre la commune ou l’intercommunalité à racheter leurs biens au prix du marché", a expliqué Thierry Repentin. Le texte doit maintenant être examiné par les députés à une date qui reste à déterminer.

Réforme de l'urbanisme commercial : crainte d'enlisement

Une autre proposition de loi attend aussi d'être de nouveau inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale : celle du député Michel Piron (UMP, Maine-et-Loire), qui vise à "intégrer l'urbanisme commercial au sein de l'urbanisme de droit commun" en redonnant aux communes et aux communautés des moyens de régulation et de maîtrise des implantations commerciales à travers les outils de planification de l'urbanisme (schémas de cohérence territoriale et plans locaux d'urbanisme).  Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 15 juin 2010 puis par le Sénat le 31 mars dernier, le texte est soutenu par de nombreux élus qui redoutent un risque d'enlisement du fait de la pression des grands groupes de la distribution. Très en pointe sur la question, l'Assemblée des communautés de France (ADCF) est remontée au front fin juin en lançant un appel auprès des présidents de communautés en faveur de la poursuite de l'examen communautaire. Plusieurs centaines d'entre eux, toutes tendances politiques confondues, l'ont déjà signé.

 

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